deux mains entourés de points lumineux avec une lumière miraculeuse qui les illumine.
belchonock / 123rf

Au Canada, environ 26 % des FNB sont considérés comme étant des produits à gestion active. L’une des catégories de gestion active peut être appelée le bêta intelligent, ou la gestion factorielle. Avec celle-ci, on mise sur un facteur particulier, comme les titres ayant une faible volatilité, ou on adopte un indice équipondéré, c’est-à-dire un indice où la pondération de chaque titre qui le compose est égale.

La prémisse centrale de la stratégie à bêta intelligent est que les indices pondérés en fonction de la capitalisation boursière, soit les indices traditionnels, représentent certains risques. Par exemple, on note le risque de concentration parmi quelques méga-titres, ainsi que le risque de se retrouver dans une bulle de titres qui affichent un bon momentum. On craint qu’un jour ou l’autre la bulle n’éclate. Pensons aux fameux titres FAANG (Facebook, Amazon, Apple, Netflix et Google (plutôt Alphabet) qui comptaient pour 14 % de l’indice S&P 500 en juillet 2018.

L’investisseur pourrait plutôt investir dans un FNB à pondération égale du S&P 500, tel le Invesco S&P 500 Equal Weight (RSP-us). Cet indice détient les 500 titres du S&P 500, mais à pondération égale, de sorte que chaque titre a une pondération de 0,20 % de l’indice équipondéré. Les titres FAANG ne représenteraient donc que 1 % de l’indice! N’étant pas un indice « passif » dans le sens traditionnel, l’indice équipondéré fait partie de la famille des FNB à gestion active.

Abonnez-vous à Focus FNB, notre infolettre thématique sur les fonds négociés en Bourse (FNB).

Deux dangers guettent l’investisseur intéressé par les FNB à gestion active. Premièrement, celui de ne pas avoir une compréhension suffisante des risques auxquels ils s’exposent. Deuxièmement, la manière avec laquelle ces produits lui sont vendus.

Si ces indices offrent une surperformance sur certaines périodes, ils ont aussi tendance à sous-performer sur d’autres périodes, d’après une étude de Vanguard.

De plus, la source de leur différentiel de rendements par rapport aux indices de références (que cette différence soit négative ou positive) provient entièrement d’une surpondération à des facteurs déjà bien connus, et déjà disponibles sous forme de FNB, soit les titres de moyenne et petite capitalisation ainsi qu’un biais pour les actions dîtes de « valeur ».

Vanguard a publié une étude en 2015 démontrant que le différentiel de performance à l’avantage des FNB factoriels disparaît une fois ajusté pour ces facteurs. Par exemple, pour la période de 1999 à 2014, les indices World version Research Affiliates Fundamental Index, Low volatility, Minimum volatility, Risk weighted et même Dividend affichent tous sans exception une valeur ajoutée quasi nulle une fois ajustés par rapport à la volatilité, à la taille et à la capitalisation.

Un danger qui guette des indices est que ces facteurs peuvent subir de longues périodes de sous-performance (tel les actions « valeur » depuis quelques années et durant presque toute la décennie des années 1990). Autrement dit, en s’exposant à différents facteurs (mid-cap, valeur, dividendes etc), l’investisseur s’expose à différents risques. Ceci n’est pas du tout une mauvaise chose et permet une meilleure diversification, mais il faut bien comprendre les facteurs de risque auxquels nous nous exposons.

Ces statistiques soulèvent d’ailleurs un problème fondamental de méthodologie souligné entre autres par Jason Hsu, co-fondateur de la firme pionnière en gestion factorielle Research Affiliates qui se résume ainsi. Si vous faites des dizaines de milliers de simulations, ce qui est tout à fait faisable de nous jours, vous être garantis à 100 % de trouver une stratégie qui semble prometteuse. Loin d’être fiable, cette stratégie n’est en fait que le résultat de la loi des grands nombres et du hasard, et ne possède pas de valeur statistique. Si vous jouez pile ou face des dizaines de milliers de fois, vous allez inévitablement générer de longues séquences de piles et de faces, mais cela ne veut rien dire.

Également, il ne faudrait pas surestimer la valeur ajoutée des indices factoriels. À titre d’exemple, d’après le site de Invesco, le RSP equal weight offrait un rendement annuel de 12,76 % par rapport à 12,08 % pour le S&P 500 pour la période de 10 ans se terminant au 31 mai 2018. Pour la période de cinq ans se terminant à cette date, le FNB affichait un rendement de 17,10 % par rapport à 18,23 % pour l’indice S&P 500. Depuis son lancement en avril 2003, le RSP a obtenu un rendement annuel de 19,96 % par rapport à 20,23 % pour l’indice. Leur FNB à faible volatilité (Invesco S&P 500 High Dividend Low volatility ETF) pour sa part offrait un rendement de 17,16 % sur cinq ans, au 31 mai 2018, et un rendement de 18,42 % depuis son lancement, en octobre 2012, par rapport à 20,23 % pour l’indice S&P 500.

Il existe aussi le réel danger de « cherry picking » dans la présentation des résultats. Une firme pourrait offrir une multitude de différents indices. Pour toute période bien choisie, sûrement que l’un d’eux s’adonnera à mieux performer que l’indice. Mais qu’en est-il de la performance pour les périodes précédentes? Ou de l’avenir? Par exemple, on pourrait dire que tel produit à « faible volatilité » a bien performé pour l’année 2018 à ce jour (à la suite de la correction d’octobre). Cependant, dira-t-on que, sur 12 mois et cinq ans, il sous-performe? Et s’il sous performe en 2019, peut-être bien que le produit « equal weight » lui performe bien, alors c’est celui-ci que l’on va vanter. Malheureusement, l’investisseur moyen ne possède pas de machine à voyager dans le temps pour revoir son choix aussi facilement que les promoteurs changent de produit vedette à mousser.

Pour toutes ces raisons, je demeure sceptique à l’égard des FNB factoriels. Une alternative plus simple aux stratégies smart beta consiste à s’exposer à un indice de marché large, ce qui équivaut à adopter tous les facteurs en même temps.

L’arrivée de la gestion active dans l’univers des FNB a ses avantages, mais elle a aussi quelques inconvénients à mon avis. Elle fait en sorte que des manufacturiers de fonds mettent en valeur différents produits en fonction de leur récente performance. Elle risque d’engendrer une probable disparition des produits sous-performants, menant à un « biais de survie » si présent dans le monde des fonds communs de placements et des plateformes multi-gestionnaires. Ces attributs non désirables de la gestion active traditionnelle sont maintenant présents dans l’univers des FNB. Dommage.