Peu de gens en disconviendraient : investir dans le monde entier est la chose à faire. Là où ils ne sont pas d’accord, c’est sur la meilleure façon de le faire et sur ce qu’est la diversification.

Selon la pensée traditionnelle, la diversité géographique se fonde sur le pays où une société est domiciliée. C’est à partir de ce principe que les firmes qui évaluent les fonds, dont Morningstar, déterminent collectivement les catégories de fonds au Canada. La catégorie Actions des marchés émergents, par exemple, est constituée de fonds qui investissent au moins 90 % de leurs avoirs en actions dans un portefeuille diversifié de titres originaires des pays émergents.

Il y a une autre école de pensée quant à la définition de ce qui est mondial, selon laquelle ce qui importe le plus n’est pas l’emplacement du siège social d’une société ou la place boursière où ses actions se négocient, mais le lieu où elle gagne ses revenus.

Entre autres, réinventer de cette manière le concept de placement mondial accorde davantage d’importance à la participation aux marchés émergents, dont le poids économique croissant a dépassé de loin les capitalisations boursières des sociétés domiciliées dans ces pays.

Inversement, les marchés à plus grande maturité comme ceux des États-Unis et d’Europe ont des capitalisations boursières exagérément élevées par rapport à leur économie nationale ou régionale.

À l’opposé, le placement mondial fondé sur les revenus tient compte de l’envergure mondiale des sociétés multinationales. En fait, les sociétés multinationales situées dans les marchés développés peuvent constituer un des meilleurs moyens d’acquérir une participation aux marchés en développement à croissance rapide.Un des partisans les plus fervents d’une approche de la diversification axée sur le revenu est le géant de la gestion de capitaux Capital Group Companies. Cette société a même breveté un nom pour la définir : La nouvelle géographie du placement.

Les gestionnaires de sociétés et analystes de recherche qui examinent les sociétés ont toujours su que les multinationales faisaient affaires, en partie ou même en majorité, à l’extérieur des pays où elles étaient domiciliées.

Un développement beaucoup plus récent est la disponibilité croissante des données des sociétés, qui permet de pister par pays ou par région les revenus de tout un univers d’actions. « Pendant de nombreuses années, ces données étaient assez difficiles à obtenir », a dit David Polak, spécialiste des actions pour Capital Group à New York, dans le cadre d’une entrevue avec Morningstar.

Capital Group s’en remet aux données compilées par MSCI pour analyser les revenus par pays et par région. M. Polak dit qu’environ les deux tiers des sociétés dont les actions constituent l’Indice MSCI Monde tous pays fournissent des données pays par pays, alors que les sociétés restantes fournissent des répartitions régionales.

Capital Group avance que la domiciliation d’une société fournit généralement peu d’indications sur son succès potentiel ou sur le cours futur de son action. Ce qui est beaucoup plus pertinent, c’est la participation économique d’une société, les revenus étant la meilleure mesure existante pour en juger.

Comme le reconnaissent les stratèges et les gestionnaires de portefeuilles de Capital Group, il y a des exceptions à cette règle, et l’emplacement a toujours une certaine pertinence. Dans certains cas, la situation macroéconomique ou géopolitique d’un pays peut causer des problèmes insurmontables. (On pense alors à la Russie et ses marchés d’actions et d’obligations qui se sont effondrés à la suite de l’effritement de ses revenus pétroliers et des sanctions économiques imposées à la suite de son action militaire en Ukraine.)

À ces exceptions près, la participation économique par pays est normalement un déterminant bien plus important des rendements boursiers. C’est une cartographie plus fidèle des occasions de placements mondiales actuelles et prospectives.

Lorsque la répartition géographique se fonde sur l’approche traditionnelle du lieu où les sociétés sont juridiquement constituées, les marchés émergents à croissance rapide tendent à être sous-estimés. Au 31 décembre, les sociétés des marchés émergents constituaient 10,3 % de l’Indice MSCI Monde (tous les pays), selon leur domiciliation et leur capitalisation boursière. Mais pour ce qui est de la part des revenus qu’ils représentent mondialement, les pays émergents montent en flèche et représentent une pondération de 28 % de l’indice.

La participation aux marchés émergents peut aussi se mesurer pour chaque fonds commun ou chaque fonds négocié en bourse. Par exemple, le Fonds Capital Group Actions mondiales (Canada) ne détenait que 7,4 % d’actions des marchés émergents dans son portefeuille d’actions à la fin de décembre. Toutefois, la participation du fonds à la même région par revenu était plus de trois fois plus élevée, à 24 %.

En revanche, 52,9 % des actions du fonds étaient domiciliées aux États-Unis, contre 42 % de participation américaine quand on la mesure par la provenance des revenus.

Pour les investisseurs qui détiennent directement des actions, l’analyse basée sur les revenus jette une nouvelle lumière sur la participation géographique. Prenons par exemple la société pharmaceutique danoise Novo Nordisk, chef de file mondial du traitement du diabète faisant partie des avoirs actuels principaux du Fonds Capital Group Actions mondiales.

Selon les données du troisième trimestre 2014 fournies par Capital Group, Novo Nordisk est indéniablement une société mondiale. Seuls 22 % de ses revenus proviennent de ses ventes européennes, c’est-à-dire de sa base géographique originale, chiffre lui-même inférieur aux 24,8 % provenant des marchés émergents. La plus grande portion des revenus de Novo Nordisk, 42 %, provient de ses clients aux États-Unis, ce pays étant celui qui dépense le plus au monde pour les soins de santé.

De même, le géant des logiciels mondiaux Microsoft Corp. MSFT, dont le bureau chef est situé en banlieue de Seattle et qui gagne environ la moitié de ses revenus aux États-Unis, mise aussi beaucoup sur les marchés émergents. Microsoft, autre avoir principal du fonds mondial de Capital Group destiné aux particuliers canadiens, gagne 27,5 % de ses revenus par ses ventes sur les marchés émergents, qui représentent autant que ses ventes en Europe et au japon réunies.

Au début des années 1990, dit M. Polak de Capital Group, les deux tiers environ des rendements des marchés émergents étaient imputables à des facteurs nationaux et sectoriels.

Avec le temps, ajoute-t-il, des facteurs propres aux sociétés elles-mêmes sont devenus plus importants. « Nous pensons que le fondement du placement dans les marchés émergents est d’investir dans des sociétés à croissance plus rapide. » Il veut dire par là une approche de l’investissement mondial basée sur les revenus.

Si l’on se fonde à la fois sur les revenus et sur la domiciliation, des sociétés comme la compagnie de boissons brésilienne Ambev et le premier fabricant automobile indien Tata Motors sont clairement des mises sur les marchés émergents. La Nouvelle géographie et Capital Group servent à nous rappeler qu’il en va de même pour des multinationales des marchés développés comme Novo Nordisk et Microsoft.