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En fait, la seule réelle façon pour que l’achat ou la vente de FNB ait une incidence sur les prix sous-jacents est par l’intermédiaire du flux absolu de création et de rachat de FNB. Et comme ce flux est raisonnable, on ne peut donc pas conclure que la négociation de FNB mène le marché. Voyons pourquoi.

Ce mythe semble provenir de données réelles qui sont cependant mal interprétées. Il est vrai que les FNB figurent parmi les titres cotés les plus activement négociés dans le monde. Par exemple, aux États-Unis, le volume de négociation des FNB représente 20 % du volume de transaction total, en hausse par rapport à 3 % en 2000, rapportait récemment une étude de la Financière Banque Nationale, menée par l’équipe de Daniel Straus.

Au Canada, le volume de négociation des FNB représente 8 % du total des actions négociées sur toutes les bourses. « Si l’on observe ces données sur la base du montant (négocié), le chiffre est plus élevé, soit 11 % », lit-on dans une étude de Daniel Straus. À voir ces chiffres, il n’est pas étonnant qu’on se préoccupe de l’effet de ce volume de négociation sur le prix des actifs sous-jacents de ces FNB.

« Le mythe selon lequel la négociation de FNB mène le marché est un mythe de bonne foi, et pour l’éclater, il faut comprendre certains détails dans le processus de création/rachat de part de FNB », explique Daniel Straus, dans un courriel à Finance et Investissement.

Lorsqu’un FNB est acheté ou vendu à la Bourse, cela peut ne représenter qu’une part de FNB qui change de mains entre deux investisseurs différents, et cela n’a pas nécessairement d’incidence sur le marché sous-jacent. « Cela représente simplement un morceau de papier (la part de FNB) qui passe d’un investisseur à l’autre. Donc, le volume à lui seul ne constitue donc pas un bon indicateur de l’incidence des prix d’un FNB », résume-t-il.

Cependant, la pression de vente sur le FNB pourrait atteindre un certain prix inférieur à la valeur liquidative jusqu’à un niveau suffisant pour qu’un mainteneur de marché décide de racheter la part de FNB de la Bourse tout en vendant simultanément le panier de titres sous-jacent de cette part du FNB. Le mainteneur de marché va ainsi gagner un petit profit de cet arbitrage, explique Daniel Straus : « En fin de compte, ce mainteneur de marché rachètera les parts de FNB en échange d’une livraison en nature du panier de titres sous-jacent, qu’il pourra ensuite utiliser pour liquider sa position. Cette activité d’arrière-guichet faite par les mainteneurs de marché est la seule façon dont les FNB peuvent réellement avoir un effet sur les prix des actifs sous-jacents, et c’est quelque chose que nous pouvons suivre lorsque nous mesurons les entrées nettes. »

Cet impact serait analogue à celui d’un détenteur d’une part de fonds commun de placement (FCP) qui demande de la racheter au milieu de la journée, compare Daniel Straus : « Le gestionnaire de portefeuille du fonds pourrait commencer à vendre des actions sous-jacentes afin de traiter le rachat en espèces, ce qui aurait une incidence sur le cours des actions. Que se passerait-il si un investisseur demande un rachat, mais qu’un autre investisseur dépose de nouvelles liquidités, demandant la création de nouvelles parts de fonds ? Le gestionnaire du fonds commun de placement n’a pas besoin de vendre ou d’acheter quoi que ce soit et il peut simplement transférer l’argent de l’investisseur A à l’investisseur B. »

Le volume de négociation affiché sur la Bourse peut représenter l’équivalent de cette dernière forme d’activité, où des investisseurs s’échangent entre eux des parts de fonds. En fait, la plupart des volumes de négociation des FNB, surtout dans les FNB les plus importants et les plus établis, sont de cette nature, mentionne Daniel Straus : « Lorsque nous avons divisé la valeur absolue des flux de création et de rachat de parts de FNB pendant une certaine période par la valeur en dollars du volume de rotation des actions, nous constatons que les FNB d’actions américaines ne contribuent pas à plus de 3 % de la rotation des actions sous-jacente de l’ensemble du marché. Ce chiffre de 3 % n’est pas « rien », mais cela ne mène guère le marché. »

Ce ratio de 3 % est plutôt stable aux États-Unis ces dernières années et, au Canada, il est plus faible. En date de juillet 2017, au Canada, les flux absolus de FNB ne représentaient que 1,4 % du taux de rotation sous-jacent des actions en termes de dollars. Cette proportion a oscillé de 0,8 % à 1,4 % de 2008 à 2017.

Ainsi, de l’avis de Daniel Straus, la négociation de FNB ne mène pas les marchés et, selon les chiffres actuels, « les FNB ne conduisent pas le bateau ».

Par ailleurs, Raymond Kerzérho, directeur de la recherche chez PWL Capital, arrive aussi à cette conclusion : « Le volume d’offre et la demande déterminent les prix, peu importe que la transaction se conclue sur le marché primaire [sur le marché boursier lui-même] ou secondaire [par l’intermédiaire d’échange de parts de FNB]. »

« Je ne crois pas que les FNB mènent le marché », indique Patrick O’Connor, chef mondial des FNB, chez Franklin Templeton Investments, en entrevue avec Finance et Investissement. Je travaille dans les FNB depuis 20 ans et des gens disaient cela il y a 18 ans. »

Selon lui, une grande partie de la négociation de FNB se fait entre un acheteur de FNB et un vendeur de FNB, lesquels s’échangent une part : « C’est une bonne chose, car cela permet à des acheteurs d’aller à la rencontre de vendeurs. »

De plus, l’ensemble de l’actif sous gestion en FNB ne représente qu’un « très faible pourcentage de l’ensemble des actifs des marchés financiers. Je suis très confortable. »

« Là où je serai peut-être préoccupé dans le temps, c’est lorsque des FNB importants seront concentrés dans une catégorie d’actif très petite. Mais je ne m’attends pas à ce que ça arrive de si tôt », ajoute Patrick O’Connor.