Paul Musson, chef de l’équipe Ivy de Placements Mackenzie, admet qu’Ivy est réputée pour ne pas suivre la cadence en périodes de hausses. Mais il ne voit pas ça d’un mauvais œil, du moment que les gestionnaires capturent « une portion raisonnable » des gains du marché.

« Nous faisons preuve de prudence », dit M. Musson, qui est le gestionnaire principal du Fonds canadien Mackenzie Ivy, un fonds coté 4 étoiles par Morningstar dans la catégorie Actions en majorité canadiennes. « Nous ne savons pas quand débutera le marché baissier et notre objectif est de ne pas trop capturer de cette baisse. »

Afin de protéger le capital en prévision d’un effondrement du marché, M. Musson adopte ce qu’il appelle une approche anticyclique de sélection des titres. « Nous avons une discipline d’évaluation stricte, dit-il. Par définition, si quelque chose devient plus cher, c’est parce que les gens se tournent vers ce secteur. »

À l’heure actuelle, ajoute M. Musson, les investisseurs pourraient se tourner vers tous les placements qui pourraient bénéficier des politiques commerciales et d’infrastructure du président américain Donald Trump. Avec le cours des actions cycliques qui augmente, l’équipe d’Ivy réduit sa participation à ces secteurs sensibles à l’économie, augmentant plutôt sa participation aux avoirs délaissés par les investisseurs.

Pour que ces titres délaissés soient un choix payant, la patience est de mise. Grâce à un modèle d’évaluation développé à l’interne, l’équipe Ivy estime les rendements prévus d’une compagnie sur une période de 10 ans. Pendant une décennie, les gestionnaires supposent qu’il y aura une récession et un marché baissier.

L’équipe d’Ivy se concentre sur les compagnies de qualité supérieure ayant des bilans solides, une marque connue et des avantages concurrentiels durables. La culture de gestion d’une entreprise, que M. Musson appelle son « ADN », joue un rôle tout aussi important dans le processus de placement. « Pourquoi est-ce que je crois qu’une compagnie est viable? » dit M. Musson. « Qu’est-ce que la direction ferait dans certaines conjonctures boursières? On s’angoisse tout le temps à ce sujet. »

Les dix principaux avoirs du Fonds canadien Mackenzie Ivy qui incarnent le style d’investissement patient des gestionnaires sont entre autres la société torontoise Brookfield Asset Management, une compagnie de gestion d’actifs diversifiée, et Onex Corp., une société de portefeuille qui œuvre dans diverses industries. « Ces deux entreprises en particulier, dit M. Musson, illustrent un investissement patient à très long terme du capital et un alignement massif des intérêts des gestionnaires qui y investissent leurs propres capitaux. »

Parmi les autres titres de ce portefeuille de 1,1 milliard $, on compte Saputo, un producteur et distributeur québécois de produits laitiers. Mais même si l’équipe de placement estime que Saputo est une entreprise très bien gérée, la participation du fonds à cet avoir a été réduite pour des raisons d’évaluation.

« Lorsque l’action a commencé à s’apprécier, nous avons commencé à y réduire notre participation, dit M. Musson, donc elle ne représente plus que 0,5 % du portefeuille; on adore la société, mais on ne raffole pas de son cours. » Comme pour d’autres avoirs, si le cours d’une action diminue, l’équipe peut y augmenter sa participation à condition que les données fondamentales demeurent solides.

Dans le secteur financier, qui a une pondération de 21 %, le fonds investit de manière diversifiée dans quelques grandes banques, comme la Banque de Nouvelle-Écosse, ainsi que dans des compagnies d’assurance vie. « La dette des ménages au Canada est un peu effrayante à l’heure actuelle, dit M. Musson, et les banques ont souffert de la baisse des taux et de la diminution des marges d’intérêt. » Si les taux d’intérêt augmentent, certes la hausse de la marge nette s’amplifiera, mais certaines personnes pourraient avoir du mal à gérer les emprunts qu’elles ont contractés. « Nous ne pensons pas qu’il s’agisse d’une question de solvabilité pour les banques canadiennes, dit M. Musson. Il s’agit plutôt d’une question de croissance et donc d’évaluation. »

La pondération géographique du fonds est de 54 % dans les actions canadiennes, avec un minimum de 50 %, et de 26 % dans les actions américaines. Un autre 10 % est investi dans les actions étrangères autres qu’américaines, et le reste dans les liquidités.

« Généralement parlant, dit M. Musson, nous pensons que le marché américain est le plus cher du monde. » Pourtant, aux États-Unis, il existe des entreprises qui répondent aux critères de placement d’Ivy et qui ne sont pas trop chères. Par exemple, Omnicom Group, une compagnie de publicité mondiale, fait partie des cinq principaux avoirs.

« Évidemment, dit M. Musson, si le monde s’engageait dans une guerre commerciale menée par les États-Unis, cela ne serait pas de bon augure pour nos avoirs. » Il ajoute que sa participation à Procter & Gamble, chef de file mondial de produits de consommation sous emballage, n’en sera peut-être pas autant affectée. Un bon 85 % des produits de la compagnie vendus aux États-Unis sont fabriqués aux États-Unis. « C’est le genre d’analyse que nous effectuons, dit M. Musson, quand nous examinons une de nos compagnies. »

Malgré ses choix de titres actuels, le Fonds canadien Mackenzie Ivy participe à certaines actions cycliques. Les avoirs du fonds comprennent Pembina Pipeline et Canadian Natural Resources.

L’équipe d’Ivy privilégie les producteurs énergétiques qui ont des coûts de production plus faibles et des bilans solides, et qui peuvent endurer une période d’extrême faiblesse des cours pétroliers. « On veut s’assurer que les compagnies que l’on a seront celles qui survivront », dit M. Musson.