Une porte rouge ouverte
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Pour les conseillers en services financiers comme pour les clients, les fonds négociés en Bourse (FNB) d’obligations représentent une solution efficace, pratique et à faible coût. Depuis le début de 2019, les créations nettes de FNB de titres à revenu fixes dépassent celles des FNB d’actions. Cette popularité observée jusqu’à maintenant cette année s’explique en partie par le délaissement de la détention directe des obligations par le marché du courtage de détail.

« Si vous considérez un grand nombre de gestionnaires de portefeuille ou de conseillers en placement, les FNB constituent pour eux une partie significative de leur bloc d’affaire de titres à revenu fixe. C’est un secteur en croissance », dit Peter Hodgson, vice-président principal et gestionnaire de portefeuille chez BMO Nesbitt Burns, de Toronto.

Les conseillers dont les clients détiennent des obligations devraient-ils passer aux FNB d’obligations ? La taille du compte, l’horizon temporel du client, les frais de transaction, les frais de gestion et la fiscalité figurent parmi les éléments importants à considérer pour répondre à cette question. Selon Peter Hodgson, bâtir un portefeuille d’obligations individuelles pourrait être valable uniquement pour les clients qui possèdent des portefeuilles de 10 millions de dollars (M$) ou plus.

Pour les comptes inférieurs à ce montant, il est difficile d’acheter des obligations individuelles, de les suivre et de les gérer pour les clients, selon lui. En choisissant de faire des sélections d’obligations, dit-il, « vous reconnaissez que vous croyez être en mesure d’ajouter de la valeur et que vous disposez de la ressource de temps pour faire vraiment la sélection. »

Si le client a une période précise de détention en tête, une détention directe jusqu’à échéance d’une obligation de première qualité comme une émission du gouvernement du Canada peut constituer une solution préférable en raison de la certitude du résultat. À la différence des FNB d’obligations, dont la valeur fluctue, la valeur d’une obligation individuelle arrivée à échéance sera sa valeur nominale.

John De Goey, gestionnaire de portefeuille chez Wellington-Altus Private Wealth, à Winnipeg, ne recommande pas en général les obligations individuelles pour bâtir un portefeuille, mais il comprend pourquoi quelqu’un pourrait le faire. « Si vous avez un horizon temporel définitif et que vous ne voulez pas être coincé par une hausse des taux, [et] si vous avez une obligation qui arrive à échéance de concert avec votre horizon temporel, c’est une bonne façon d’atténuer le risque », dit-il.

Peter Hodgson avertit que les clients de détail ne détiennent pas toujours les obligations individuelles jusqu’à échéance, même si, à l’origine, ils avaient prévu de le faire. « La vie change. Les gens changent », dit-il. Les conseillers devraient déterminer s’il y a suffisamment de liquidité dans une obligation qu’un client pourrait avoir besoin de vendre avant échéance, dit-il, et ils devraient aussi prévenir les clients que la valeur d’une obligation fluctuera avant sa date d’échéance.

Les certificats de placement garanti (CPG) devraient également faire partie de la conversation des conseillers avec les clients, ajoute Peter Hodgson. Les taux des CPG cinq ans, par exemple, dépassent les rendements des obligations Canada cinq ans et des FNB d’obligations de première qualité avec des échéances similaires en moyenne. Les CPG sont aussi plus simples à comprendre pour les clients, parce qu’à la différence des obligations ou des fonds d’obligations, leur valeur ne fluctue pas.

Peter Hodgson note que parce que les taux d’intérêt du marché sont bas, les investisseurs doivent habituellement acheter les obligations individuelles moyennant une prime. Par conséquent, si les clients conservent l’obligation jusqu’à échéance, ils recevront un prix inférieur [en raison de la valeur des coupons qu’ils recevront jusqu’à échéance]. « Assurez-vous qu’ils comprennent que vous achetez à prime quelque chose qui arrivera à échéance à sa valeur nominale parce que les taux sont bas. »

En achetant les obligations directement, les investisseurs éviteront de payer les frais de gestion et les dépenses du fonds. Mais ces économies peuvent être négligeables. Les acheteurs d’obligations doivent composer avec des écarts cours acheteur-cours vendeur plus larges que ce que doivent supporter les investisseurs institutionnels. Comparativement, les écarts cours acheteur-cours vendeur de certains FNB d’obligations peuvent être aussi faibles qu’un cent, particulièrement dans le cas des plus gros fonds, dit Peter Hodgson.

Par ailleurs, certaines firmes de courtage facturent des commissions pour l’achat et la vente d’obligations. Une commission de 15 $ ou de 20 $ signifierait des frais de transactions de 150 $ ou 200 $ pour bâtir un portefeuille de 10 obligations, selon John De Goey. « Cela pourrait être autant ou peut-être plus que le ratio des frais de gestion (RFG) du FNB, selon votre horizon temporel et si vous le conservez ou non jusqu’à échéance. »

John De Goey conclut qu’il est peu probable que les frais soient un facteur pertinent dans le choix entre les obligations et les FNB d’obligations. Il considère que le RFG d’un FNB typique d’obligations dans une catégorie courante sera d’environ 20 à 25 points de base, et aussi bas que 10 points de base. Il ajoute qu’avec un portefeuille assez important, et avec des exigences moins grandes en matière de diversification, un investisseur fortuné peut probablement économiser de 10 à 15 points de base en achetant directement des obligations. Mais pour la plupart des investisseurs qui ne négocient pas souvent, « l’aspect pratique, la simplicité, la sécurité et la diversification liés à l’achat d’un FNB d’obligations valent bien de 10 à 15 points de base ».

Les incidences fiscales ne devraient pas non plus être un facteur dissuasif pour passer des obligations aux FNB d’obligations dans les comptes non enregistrés. En fait, cela pourrait être le contraire. À cause de la baisse des taux d’intérêt, il est possible que les détenteurs d’obligations individuelles aient d’importants gains en capital non réalisés, qui sont fiscalement avantageux. « Malheureusement, si vous les conservez jusqu’à échéance, vous retransformez ce gain en capital en revenu d’intérêt », dit Peter Hodgson. Dans les comptes non enregistrés, il peut être préférable pour les clients de vendre l’obligation afin de cristalliser ce gain en capital.

On peut aussi atténuer les incidences fiscales en allouant autant d’actifs à revenu fixe que possible dans les comptes enregistrés. Dans la mesure où l’allocation en revenu fixe du client doit être détenue dans un compte non enregistré, les FNB d’obligations sont plus simples à gérer au moment de la déclaration de revenus. Pour un FNB d’obligations, un seul feuillet fiscal T5 est émis, alors qu’il y en a beaucoup plus lorsque le client détient un portefeuille d’obligations individuelles. Selon Peter Hodgson, « c’est simplement plus facile à gérer ».

En matière de diversification, il n’y a aucun doute. Les fonds d’investissement possèdent un avantage décisif par rapport aux obligations individuelles – particulièrement pour les investisseurs qui veulent diversifier par la duration, la qualité du crédit ou géographiquement, ou couvrir l’exposition aux devises étrangères. « Vous pouvez faire toutes ces sortes de choses de façon précise et ordonnée à l’intérieur des FNB », dit John De Goey.

Avec les obligations individuelles, les investisseurs doivent également composer avec la rareté des stocks sur le marché de détail quant à ce qu’ils pourraient vouloir acheter. « Qu’arrive-t-il si vous voulez faire un échelonnage, et que vous pouvez acheter du un an, du deux ans et du cinq ans, mais que vous ne pouvez pas acheter du trois ans ou du quatre ans ? » dit John De Goey.

Quelle que soit la qualité du crédit, un défaut de paiement sur une obligation aura beaucoup moins d’impact si celle-ci est détenue dans un FNB avec d’autres titres. Par exemple, deux des FNB utilisés par Peter Hodgson – le FNB Vanguard Canadian Short-Term Bond Index et le FINB BMO obligations de société à court terme – détiennent chacun plus de 300 titres et leur RFG est seulement de 0,11 %. « Vous avez vraiment diversifié le risque spécifique à un titre individuel », dit-il.

Peter Hodgson recommande de ne pas essayer de bâtir un portefeuille d’obligations de sociétés pour un client de détail. « Le conseiller moyen ne dispose pas de suffisamment de temps pour faire des recherches dans les contrats obligataires et pour bâtir un bon portefeuille diversifié d’obligations de sociétés. Les FNB l’emportent haut la main. » Avec les FNB à haut rendement ou de marchés émergents, « il suffit de reconnaître que quand la situation devient difficile, l’écart cours acheteur-cours vendeur peut vraiment s’accroître ».

Dans les segments à revenu fixe moins efficaces, les fonds d’investissement sont plus pertinents. Les gestionnaires actifs seraient sans doute plus justifiés, à condition qu’ils aient fait preuve d’une aptitude à ajouter de la valeur par rapport à leur indice boursier, dit Peter Hodgson. « Le revenu fixe à gestion active a un rôle à jouer, mais dans certains cas, je ne pense pas que la gestion active soit pertinente, ajoute-t-il. Il est difficile [de surperformer] quand on peut acheter l’indice pour si peu. »