Les assureurs pourraient favoriser le virage numérique
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Le problème est de taille, car la jeune clientèle peut leur filer entre les doigts.

Vice-président au développement des affaires chez Financière S_entiel, Frédéric Perman affirme que le conseiller doit être «très réactif» vis-à-vis des demandes des clients, particulièrement les jeunes qui exigent la rapidité.

«Le coffre à outils des conseillers doit inclure la numérisation des dossiers ainsi que l’automatisation des processus de cotations, de soumissions et de signatures de contrats», dit Frédéric Perman.

D’après les agents généraux, le pourcentage de 25 % à 30 % de conseillers en sécurité financière indépendants technos serait bien inférieur à celui des conseillers travaillant dans des réseaux de carrière.

Un premier élément explique cette avance des réseaux carrière : étant encadrés par leur employeur et ayant des formations, leurs conseillers carrière sont familiarisés avec les nouvelles technologies.

En revanche, on ne peut en dire autant des conseillers indépendants. Ce sont des travailleurs autonomes et des entrepreneurs qui n’ont pas l’obligation d’apprendre à utiliser tel ou tel logiciel ou d’avoir à numériser leurs documents.

De plus, la moyenne d’âge des conseillers indépendants ne facilite pas les choses.

«Dans certains bureaux, la moyenne d’âge dépasse 55 ans et même 60 ans. Par la force des choses, ces conseillers d’expérience sont moins familiarisés avec l’univers numérique que leurs collègues, généralement plus jeunes, des réseaux carrière», constate Frédéric Perman.

Trop de données à ressaisir

Ce n’est pas la fin de l’histoire, car selon les agents généraux, les méthodes de travail des assureurs laissent à désirer. Et c’est au point où les conseillers indépendants les plus avant-gardistes ont de la difficulté à profiter de leurs connaissances en technologies.

Président et chef de la direction de AFL Groupe Financier et AFL Assurances générales, Yan Charbonneau évoque le manque de convivialité des logiciels de propositions d’assurance.

«Les conseillers ont beau envoyer leurs propositions d’assurance par voie électronique, il leur faut ensuite ressaisir manuellement les réponses des assureurs. Et ensuite, toute nouvelle information provenant de ces assureurs», dit-il.

Autrement dit, les dossiers des conseillers ne sont pas transmis de manière transparente aux systèmes informatiques des assureurs, et vice versa. Étant donné qu’un humain doit toujours entrer manuellement les nouvelles informations reçues, les bases de données des conseillers indépendants ne peuvent pas être mises à jour en temps réel. De plus, ce processus de saisie manuelle comporte des risques d’erreurs, comme les oublis ou les fautes de frappe.

Des systèmes fermés

Yan Charbonneau voit un troisième obstacle à l’adoption de l’électronique par les conseillers indépendants : les systèmes informatiques des assureurs ne communiquent pas entre eux.

Ainsi, lorsqu’un conseiller envoie une même proposition à deux assureurs différents, il devra saisir deux formulaires distincts. Et dès qu’il reçoit les réponses des assureurs, il doit ajouter ces différentes informations à sa base de données.

«À force de saisir des données, les conseillers indépendants qui travaillent seuls, sans assistants, risquent d’être improductifs», dit Yan Charbonneau.

Et dans leur cas, il serait peut-être plus rentable de s’en tenir aux formulaires papier !

La conclusion de Yan Charbonneau est sans équivoque. «L’assurance de personnes peut mieux faire. L’industrie a quinze ans de retard par rapport à l’assurance de dommages», dit-il.

Yan Charbonneau en sait quelque chose, puisque son agence générale est également active en assurance de dommages.

«Les assureurs de dommages partagent le même langage informatique. Une seule proposition peut être envoyée à plus d’un assureur. Et les données des assureurs s’intègrent automatiquement aux bases de données des conseillers, sans intervention humaine. Voilà qui est très différent de l’univers de l’assurance de personnes», dit Yan Charbonneau.

«La simplicité, la clé»

Pierre Vincent est vice-président, Assurance individuelle, chez iA Groupe financier, et président et chef des opérations de iA Excellence. Il reconnaît que les assureurs pourraient en faire un peu plus.

«La simplicité est la clé. Il faut simplifier le travail des conseillers», dit-il.

Pierre Vincent explique que les assureurs de personnes doivent viser à «enrichir l’expérience du conseiller avec de meilleurs systèmes de propositions en ligne».

Exemple vivant de cette approche : iA lancera, d’ici la fin du printemps 2017, un système d’acceptation de contrats en 30 secondes.

«Avec un système d’acceptation très rapide et simple d’utilisation, les conseillers auront la preuve, sous leurs yeux, que l’électronique favorisera leurs affaires. C’est ainsi que l’électronique fera partie de l’environnement quotidien des conseillers indépendants», dit Pierre Vincent.

Le vice-président, Assurance individuelle, chez iA Groupe financier, et président et chef des opérations de iA Excellence rappelle que le temps nous est toujours compté. Et que tel est l’enjeu fondamental … pour tout le monde.

«Si le conseiller croit que la proposition électronique prendra plus de temps à remplir, il choisira alors la proposition papier. L’ordinateur ne doit pas être une barrière entre le conseiller et sa clientèle. Au contraire ! Le conseiller doit constater, par les faits, tous les gains de productivité que recèle l’électronique», estime-t-il.

«Ce n’est pas l’ennemi»

Michel Bergeron est responsable de l’industrie des services financiers pour le Québec du cabinet Ernst & Young. Il pense que les conseillers ont un bout de chemin à faire.

«Certains conseillers voient le numérique comme « l’ennemi ». Mais ce n’est pas l’ennemi, car le numérique ne remplacera pas les conseillers. Les consommateurs veulent l’interaction avec les conseillers … dans un environnement numérique», dit ce consultant et spécialiste de la comptabilité qui compte plus de vingt ans d’expérience. Cela dit, Michel Bergeron ajoute que les assureurs doivent, eux aussi, faire leur propre bout de chemin.

«Les assureurs doivent faciliter le passage au numérique des conseillers hésitants. Ils pourront y arriver en favorisant la connectivité des données entre les assureurs, ainsi qu’en établissant un langage informatique commun. Les assureurs doivent créer des ponts entre les systèmes informatiques», conclut-il.