La dévaluation du yuan en trois questions


Finance et Investissement (FI) : que s’est-il exactement passé en Chine?

Hendrix Vachon (HV): Mardi il y a eu une dévaluation alors que ce matin il y a eu une dépréciation. En Chine, quelques institutions peuvent échanger des yuans, contrairement au Canada où le marché des devises est beaucoup plus grand. Les autorités monétaires en Chine fixent chaque jour le taux de change avec une fourchette où le marché peut transiger.

Les autorités monétaires chinoises ont changé les règles et la façon dont elles fixent le taux de change. Elles ont décidé de tenir compte des fluctuations de la journée d’avant. S’il y avait une pression à la baisse, le lendemain elles vont tenir compte de cette pression à la baisse de la veille. Hier elles ont procédé au changement et on a vu une dévaluation de 2 %. Ce matin, c’était une réaction normale, une dépréciation, en fonction des nouvelles règles qui sont utilisées.

La Banque centrale de Chine avait l’habitude de changer son taux de change tous les jours, mais c’était toujours minime comme changement. Maintenant qu’elle tient compte de la valeur du marché de la veille, les ajustements pourraient être plus grands. On pourrait voir des mouvements plus importants que ceux vus dans le passé. Ce que ça dit pour le futur c’est que le yuan pourrait potentiellement se déprécier.

Si on prend du recul par rapport à la situation, on voit que la Chine a un surplus commercial important avec les États-Unis et la zone euro. Il serait difficile de justifier que le yuan se déprécie énormément. Il faut faire la part des choses malgré tout. Il y a la réalité de marché et il y a la réalité macro-économique.

FI: Quel sera l’impact sur l’économie américaine?

HV: Il y a une concurrence entre les États-Unis et la Chine en ce qui concerne les exportations de biens manufacturiers. Les Américains en exportent moins qu’avant, mais demeurent un joueur important.

C’est certain qu’en baissant la valeur de la monnaie chinoise, les exportations chinoises risquent d’être plus compétitives que les américaines. C’est une sorte de compétition déloyale. De plus, les Américains affirment depuis longtemps que le taux de change chinois est sous-évalué. Ils militaient pour une réévaluation (à la hausse) et non pas pour une dévaluation. C’est normal qu’ils soient un peu irrités par cette nouvelle.

FI: Et sur l’économie canadienne?

HV: Hier, le marché a réagi plutôt négativement puisque les gens ont perçu la décision chinoise comme un geste de panique. Ils ne savent pas quoi faire pour stimuler leur économie et en sont rendus à jouer avec leur taux de change. Ça a eu un impact sur les matières premières qui, toutefois, semblent se redresser ce matin.

Si cette dévaluation démontre en fait que l’économie chinoise en est mauvaise posture, ça pourrait être mauvais pour l’économie canadienne. Dans une telle situation, nos exportations de matières premières en Chine seraient réduites.

Cependant, si ça aide l’économie chinoise, on peut supposer que la demande en matières premières sera plus forte dans le futur. Ce serait alors positif pour l’économie canadienne. La santé de la Chine a surtout un effet à travers les matières premières puisque nous n’exportons pas beaucoup de biens manufacturiers. Nous dépendons de l’activité économique et non du taux de change chinois.
 

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