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La Norvège fait une utilisation beaucoup plus efficace et rationnelle de ses énergies fossiles pour l’aider dans sa transition énergétique. C’est un modèle dont le Canada aurait tout avantage à s’inspirer, juge une récente étude de Banque Nationale Marchés financiers.

La Norvège est le septième plus important producteur de gaz naturel au monde, fournissant 3% de la demande mondiale. Elle est aussi un producteur de pétrole respectable, couvrant environ 2% de la demande mondiale grâce à sa production de 2 millions de barils par jour. De plus, elle tire environ 95% de son électricité de sources hydrauliques. Depuis le début de la guerre en Ukraine, elle a supplanté la Russie comme principale source d’approvisionnement en gaz pour l’Europe, dont elle comble un tiers des besoins.

Cousin canadien

Ces chiffres font de la Norvège un proche parent du Canada, qui est le quatrième producteur mondial de pétrole grâce à ses 4,6 millions de barils par jour, de même que le quatrième producteur de gaz naturel et le sixième exportateur. L’hydro-électricité satisfait à 61% de la demande électrique du pays, mais quand on inclut les énergies propres (nucléaire, 12%, et éolien, 6%) la part verte de l’énergie renouvelable au Canada monte à 79%.

En 2022, « la Norvège a tiré environ 161 milliards (G$) de dollars américains (soit environ 33% de son PIB) de la production de pétrole et de gaz, une hausse de 150% par rapport à 2021, » rapportent les auteurs de l’étude, Angelo Katsoras at Baltej Sidhu. De plus, le fonds souverain de Norvège, qui s’élève maintenant à 1,3 billion de dollars américains et constitué au fil des ans à partir des revenus d’exploitation pétrolière et gazière, sert à financer 20% du budget de l’État norvégien.

Fort de ces revenus, le gouvernement norvégien peut « financer massivement sa transition vers l’énergie verte », jugent les auteurs de l’étude. Ainsi, en 2022, il subventionnait les achats de véhicules électriques à hauteur de 25 000 $ américains par véhicule. Cela fait en sorte que la Norvège est un leader dans l’implantation des véhicules électriques : 20% du parc automobile et 80% des nouveaux véhicules vendus étaient électriques en 2022. (Notons qu’à partir de cette année, la Norvège va réduire ses appuis, n’appliquant l’exemption de 25% de la TVA qu’à la première tranche de 47 000 $US au prix d’achat d’un véhicule électrique).

Au Canada, les aides fiscales du gouvernement fédéral à l’achat d’un véhicule électrique ne dépassent pas 5 000 $ pour un véhicule dont le prix doit être inférieur à 55 000 $, tandis que les aides provinciales vont de 4 000$ en Colombie-Britannique, jusqu’à 7 000$ au Québec.

Virage canadien

« Selon nous, écrivent les auteurs de l’étude, le gouvernement canadien devrait emboîter le pas à la Norvège et faire du soutien à la production de pétrole et de gaz une priorité en utilisant les normes environnementales les plus élevées afin de financer la transition vers l’énergie verte qui s’étalera sur des décennies. »

Malgré tout ce qu’on peut entendre à l’effet du contraire, le Canada jouit d’une des notes les plus élevées au monde, sinon la plus élevée, au plan de la faible empreinte environnementale de son exploitation des énergies fossiles. « Cela s’explique par la situation géographique de ses réserves, ses installations relativement modernes et efficaces et la forte baisse de ses émissions de méthane, » note l’étude.

Ainsi, la bonne tenue des exploitations d’énergie fossile au Canada pourrait contribuer à réduire les émissions de CO2 ailleurs. Comme le note IHS Markit, « si seulement 20% des centrales électriques au charbon d’Asie étaient converties au gaz naturel, les émissions mondiales seraient réduites dans une mesure qui dépasse les émissions annuelles du Canada ».

Les chiffres qu’aligne l’étude de BNMF parlent d’eux-mêmes. « Si le Canada cessait totalement sa production de sables bitumineux, ses émissions diminueraient d’environ 13%. Mais, dans le contexte des émissions mondiales, ce changement n’équivaudrait même pas à une erreur d’arrondi. »

Plutôt que de combattre la production d’énergie fossile, le Canada devrait en faire la promotion à l’exportation pour aider à réduire ailleurs des productions énergétiques beaucoup plus polluantes. « La contribution la plus notable du Canada à la réduction des émissions mondiales se traduirait par une aide aux pays émergents pour les assister dans leur transition vers une énergie plus propre, notamment en offrant des solutions de rechange à l’utilisation du charbon. »

Coûts canadiens

Un récent rapport de la Banque Royale avertit que le Canada pourrait payer le prix de compter exclusivement sur le solaire et l’éolien pour « verdir » son réseau électrique. « Le gaz naturel est inévitable dans le mix énergétique à court et à moyen terme », écrit le rapport. Dès 2026, l’Ontario, qui est le cœur économique du pays, souffrira des déficits énergétiques, qu’un approvisionnement en solaire et en éolien ne fera qu’exacerber.

Pour stabiliser l’approvisionnement d’électricité, le Canada n’a pas le choix de miser à moyen terme sur le gaz naturel et, à long terme, sur le nucléaire et l’hydro-électrique. Quand on tient compte des coûts incontournables liés aux batteries pour stocker l’énergie solaire et éolienne, « nos modèles montrent qu’un réseau qui préserve et élargit le nucléaire (et l’hydro-électrique) pourrait s’avérer plus abordable. Un réseau entièrement « renouvelable » avec stockage de batterie pourrait ajouter 7 G$ en coûts annuels, alors qu’un réseau plus diversifié pourrait couper la note de moitié.