Question : Pour essayer de fournir une perspective sur les actions européennes, pourrions-nous avoir une discussion rapide sur la situation de l’Asie dans votre évaluation de la santé économique mondiale?

Chuk Wong (CW), vice-président et gestionnaire à GCIC : Je commencerai par le Japon, un protagoniste majeur. Les trois idées du Premier ministre Shinzo Abe, qu’il appelle des « flèches », et qui visaient à revivifier l’économie, sont essentielles. La première flèche est le stimulus fiscal, la deuxième est de stimuler la politique monétaire dormante, et la troisième est de restructurer l’économie et le secteur des entreprises. Les deux premières flèches ont été tirées et ont commencé à produire un revirement économique.

Q : Chuk, à la fin de juillet, le Japon représentait la première pondération nationale dans votre Catégorie Valeur EAFE (Europe, Australie et Extême-Orient) Dynamique à 16 %, et à 10 % dans votre Fonds Valeur mondiale Dynamique .

CW : En fin de compte, il s’agit de la sélection des actions. Le Japon est un cas difficile et doit être surveillé. La troisième flèche de M. Abe est la base. Il est difficile de résoudre les problèmes fondamentaux du Japon. L’économie y est plus rigide que dans les économies occidentales développées.

Paul Musson (PMu), vice-président principal et chef de l’équipe Ivy à Placements Mackenzie : À la fin de juillet, nous avions 0,6 % au Japon par le truchement du Fonds d’actions étrangères Mackenzie Ivy , notre produit mondial.

Peter Moeschter (PMo), vice-président principal, Société de placements Franklin Templeton : Nous avons moins de 10 % d’investis au Japon dans nos fonds internationaux, et quelque 6 % dans les fonds mondiaux. Nous y avons trouvé quelques idées, mais elles sont arrivées à leur terme. Ce n’est pas un domaine que nous avons récemment étoffé.

PMu : Les deux premières flèches de M. Abe, notamment le doublement de la masse monétaire japonaise en deux ans, sentent le désespoir. Se lancer dans d’autres dépenses gouvernementales quand il y a déjà un déficit financier important et un endettement élevé est certainement téméraire.

Q : Avant d’en revenir à l’Europe, une évaluation rapide de la Chine et des autres économies émergentes, peut-être?

CW : La plus grosse économie du monde émergent est celle de la Chine. Le marché semble avoir de ce pays des vues extrêmes. Certains invoquent un effondrement total de l’économie, et d’autres sont optimistes. La réalité se situe quelque part entre les deux. L’économie, après 18 mois de ralentissement, montre des signes de revirement.

Ces derniers six à neuf mois, les nouveaux dirigeants de la Chine ont consolidé leur pouvoir et, lorsqu’ils auront repris suffisamment confiance, ils commenceront à prendre des mesures plus énergiques.

Il est difficile de généraliser le reste des économies émergentes, mais celles qui ont des doubles déficits, comme l’Inde, sont vulnérables. Le pessimisme sur les marchés émergents atteint son paroxysme. Pendant les mois qui viennent, certains de ces marchés durement touchés deviendront attrayants.

PMo : Pour les 12 mois se terminant à la fin du mois d’août, l’Indice MSCI Europe (qui représente les grosses et moyennes capitalisations dans 16 marchés développés d’actions en Europe) a eu un rendement total de 28,3 %, contre 26,5 % pour l’Indice MSCI Monde. Si l’on examine les indices MSCI nationaux, les États-Unis ont eu un rendement total de 27,3 %, le Canada a été l’un des pires pays avec 9,9 %.

Au sein de l’Europe, le Royaume-Uni a eu un rendement total de 21,3 %. Le rendement total de l’Allemagne pour les 12 mois se terminant à la fin du mois d’août a été de 31,8 %, et celui de la France de 33,5 %. L’Espagne a eu un rendement total de 28,8 % et le Portugal de 32,5 %. Le choc de l’année a été la Grèce. Elle a produit un rendement total de 53 %. Comme nous l’avons dit, cette force reflète chez les investisseurs le sentiment que les choses vont s’améliorer en Europe, plutôt que de prendre les chiffres au pied de la lettre.

Q : Et les rendements ces cinq dernières années jusqu’à la fin du mois d’août?

PMo : L’Europe a un rendement total de 1,8 % en dollars canadiens. L’indice mondial a un rendement total de 4,6 %, les États-Unis en tête avec un rendement total de 7,3 %. Sur cinq ans, le Canada a été presque inerte à 0,7 %.

Q : Après une performance aussi bonne de l’Indice MSCI Europe cette dernière année, est-ce la fin des beaux jours?

CW : Non. L’Europe est deux ans derrière les États-Unis en termes de restructuration, d’approche de ses problèmes bancaires et de croissance des profits. Les profits des sociétés européennes sont encore de 20 % à 25 % au-dessous de leur maximum de 2007, alors que les profits des sociétés américaines sont à 20 % au-dessus de leur sommet de 2007. Les profits des sociétés européennes peuvent rattraper ce terrain. Les sociétés européennes ont, avec le temps, bien géré leurs structures de coûts et bien augmenté leurs marges de profits et, en même temps, elles ont désendetté leurs bilans. Cela n’a pas été totalement incorporé dans le prix des actions. Une mesure d’évaluation à long terme bien connue pour une place boursière dans son ensemble, sur la base des ratios cours/bénéfices, montre que les actions européennes se négocient au plus bas en 40 ans par rapport aux actions américaines. Il s’agit du ratio cours-bénéfices de Shiller, défini comme étant le ratio du prix de l’action par rapport à la moyenne sur 10 ans des bénéfices par actions ajustés selon l’inflation.

PMo : Le marché boursier européen a connu une forte remontée pendant l’année écoulée en prévision d’une amélioration de la situation. Si l’on ne voit pas de preuves tangibles d’une amélioration des bénéfices, on risque à court terme de voir un affaiblissement des actions. Pour évoquer les trois à cinq années qui s’annoncent, comme nous l’avons indiqué, les bénéfices des sociétés sont encore au-dessous de leur maximum, et il y a donc pour elles un énorme potentiel de croissance, qui stimulerait le marché. Il n’est pas trop tard pour y participer.

Il est difficile d’évaluer les cours/bénéfices européens, car dans bien des cas les bénéfices sont extraordinairement déprimés. Par exemple, l’Espagne se négocie à un ratio cours/bénéfices de 26, mais les bénéfices des sociétés espagnoles sont tellement déprimés que ce chiffre à court terme est trompeur.Pour ce qui est du ratio cours/valeur comptable, les sociétés espagnoles, par exemple, se négocient juste au-dessus de leur valeur comptable. Les États-Unis se négocient actuellement à 2,4 fois leur valeur comptable, alors que pour l’Europe développée ce chiffre est de 1,6. Il y a certaines sociétés européennes dont les évaluations sont séduisantes.

PMu : L’encaisse de la Catégorie Mackenzie Ivy Européen , à 21,5 % à la fin de juillet 2013, est plus élevée que d’ordinaire. Nous sommes très axés sur les actions individuelles. Notre fonds européen contient 17 ou 18 sociétés. Nous visons les sociétés de très haute qualité.

L’année dernière, leurs évaluations, sans être extraordinaires, étaient raisonnables. Au cours de l’année échue au 31 août 2013, le secteur des biens de consommation discrétionnaires de l’Indice MSCI Europe a connu un rendement total de 41 %, et celui des produits de consommation de base 12,2 %. Ces entreprises liées à la consommation n’ont pas grandi aussi vite. L’augmentation du cours des actions est davantage le fait de l’espoir que de résultats tangibles. (Ces deux secteurs représentaient quelque 50 % de la Catégorie Macknzie Ivy Européen à la fin de juillet.)

Il y a une différence entre la croissance des bénéfices et la croissance des ventes. Diminuer les coûts, en tant qu’outil de croissance, a ses limites. Il faut une croissance des ventes. Les bénéfices des sociétés européennes ne sont pas mauvais, mais les ventes en Europe même ne sont pas bonnes. La plupart de nos sociétés sont des multinationales à grande capitalisation, mais leurs ventes en Europe sont en stagnation ou en baisse. Deux des sociétés que nous avons néanmoins trouvées en Europe sont à moyenne capitalisation. Nous nous inscrivons dans un horizon de 10 ans. Si la croissance mondiale est faible, les entreprises que nous ciblons dans les secteurs défensifs comme les biens de consommation courante, les soins de la santé et les valeurs industrielles de qualité supérieure tendront à être chères. Ce n’est pas seulement le cas des sociétés européennes, ces principes s’appliquant aussi aux entreprises de n’importe quelle partie du monde.

C’était la deuxième partie d’une série de trois dont la suite sera publiée la semaine prochaine.