
Chaque année, les institutions financières consacrent des ressources colossales à la conformité réglementaire, notamment aux processus KYC (connaissance du client) et LBA (lutte contre le blanchiment d’argent). Et pourtant, selon Interpol, à peine 2 % des flux de criminalité financière mondiale seraient détectés.
Dans un rapport publié en août 2025, McKinsey identifie une piste prometteuse pour remédier à cette inefficacité persistante : l’introduction de l’intelligence artificielle (IA) agentique, une forme avancée d’IA capable de prendre des décisions autonomes, d’exécuter des tâches complexes et de collaborer avec des humains dans un cadre structuré.
Un coût élevé pour une efficacité limitée
Entre 2015 et 2022, les dépenses annuelles consacrées à la conformité KYC/AML ont bondi jusqu’à 10 % dans certains pays avancés, sans gains significatifs.
Jusqu’à 15 % des effectifs à temps plein dans les banques sont affectés à ces tâches, avec un faible taux d’automatisation en raison de la fragmentation des données et de leur manque de standardisation. Résultat : un lourd fardeau opérationnel et une expérience client souvent dégradée.
Trois formes d’intelligence artificielle
McKinsey distingue trois niveaux d’IA mobilisables dans le cadre de la lutte contre la criminalité financière :
- L’IA analytique, déjà bien implantée, permet d’accélérer les tâches de détection (faux positifs, filtrage de noms, modèles de notation) et d’améliorer la surveillance des transactions.
- L’IA générative, plus récente, facilite la synthèse d’informations non structurées, l’analyse des médias défavorables et la rédaction de rapports.
- L’IA agentique, quant à elle, marque un changement de paradigme : elle permet à des agents numériques d’exécuter de bout en bout des processus KYC/AML avec une supervision humaine minimale.
De l’efficacité à la transformation
L’IA analytique et générative améliorent la productivité (gains de 15 % à 20 %), mais l’IA agentique peut aller beaucoup plus loin. Selon McKinsey, un superviseur humain pourrait gérer jusqu’à 20 agents IA, pour des gains de productivité allant de 200 % à 2000 %. Ces « usines numériques » augmentent également la qualité et la cohérence des résultats grâce à des protocoles d’assurance qualité intégrés.
Étude de cas
Une grande banque internationale a mis en place une « usine d’IA agentique » couvrant l’ensemble du processus KYC, du déclenchement à la synthèse finale. Elle a déployé dix équipes d’agents numériques chacune composée de quatre à cinq agents IA incluant un agent principal, des agents experts-praticiens et un agent d’assurance qualité.
Chaque équipe se concentre sur une étape spécifique : extraction des données clients, recherche dans les registres gouvernementaux, analyse de la structure de propriété, filtrage des personnes politiquement exposées, ou encore compilation des résultats dans un dossier KYC consolidé.
Cette approche permet une traçabilité complète de chaque interaction, favorise la standardisation et réduit drastiquement les délais de traitement.
Conditions de succès
McKinsey identifie six conditions essentielles à la réussite :
- Mobiliser les bonnes compétences, notamment en KYC, en science des données et en DevOps (développement et opérations).
- Clarifier les processus pour éviter l’automatisation de pratiques inefficaces.
- Investir dans une architecture technologique évolutive et modulaire, compatible avec les infrastructures existantes.
- Miser sur la qualité des données, en identifiant et corrigeant les problèmes en amont.
- Optimiser la gestion des risques, avec des processus adaptés et des rôles bien définis.
- Accompagner le changement, car la transformation organisationnelle prend souvent plus de temps que le déploiement technologique lui-même.
McKinsey recommande de débuter par un projet pilote, afin d’évaluer les impacts concrets d’une usine numérique d’IA agentique. Une fois les bénéfices démontrés, l’extension à grande échelle devient envisageable. Les enjeux sont de taille : améliorer la conformité, renforcer l’efficacité opérationnelle, et offrir une expérience client plus fluide dans un contexte réglementaire de plus en plus exigeant.