Question : Est-ce qu’on peut acheter tout simplement des obligations individuelles et les détenir jusqu’à l’échéance sans me soucier de la hausse des taux d’intérêt?

Réponse : En substance, oui, mais cela pourrait présenter quelques inconvénients.

Acheter une obligation individuelle rapporte une somme fixe, et si on la détient jusqu’à l’échéance (pourvu que vous achetiez une obligation qui ne soit pas en défaut de paiement), on recevra de intérêt et du capital quelles que soient les fluctuations des taux d’intérêt.

Les détenteurs de fonds obligataires, eux, n’auront pas nécessairement la garantie que la valeur de leur capital restera la même, et les intérêts qu’ils recevront de leurs fonds obligataires pourraient aussi fluctuer. La différence essentielle est que le gestionnaire d’un fonds obligataire, tout comme le gestionnaire d’un fonds d’actions, supervise une corbeille de titres dont la valeur doit être calculée tous les jours; cette valeur dépend du prix de chaque titre du portefeuille à la fin de cette journée. Cela veut dire que la valeur du portefeuille pourrait changer même si le gestionnaire ne lève pas le petit doigt.

En période de hausse des taux d’intérêt, qui ont tendance à faire baisser le prix des obligations existantes aux coupons plus faibles par rapport aux nouvelles obligations aux taux plus élevés, les détenteurs de fonds obligataires peuvent connaître une réduction de la valeur de leur capital. (L’avantage, en revanche, est que parfois le gestionnaire est en mesure de compenser partiellement certaines de ces baisses de prix en achetant des obligations au rendement plus élevé.) Ainsi, une des grandes différences entre un fonds obligataire et une obligation individuelle détenue jusqu’à l’échéance est que, dans le cas d’un fonds obligataire, il y a plus de chances que, en bien ou en mal, la valeur de votre capital quand vous le vendez soit différente du montant que vous l’avez payé en l’achetant.

Compte tenu de leur niveau exceptionnellement bas, les taux d’intérêt ont actuellement beaucoup plus de marge pour monter que pour descendre. Il y a davantage de chances que la valeur des obligations d’un fonds obligataire baisse durant votre durée de détention. Les détenteurs d’obligations individuelles n’auront pas à se heurter au même problème. S’ils investissent 10 000 $ dans une obligation et que l’émetteur de cette obligation honore sa dette, le montant investi sera le montant récupéré.

En même temps, il serait peu judicieux de se sentir trop en sécurité avec les obligations individuelles. Même si les détenteurs d’obligations individuelles peuvent circonvenir le risque lié aux taux d’intérêt en les détenant jusqu’à l’échéance, d’autres types de risques peuvent surgir. Voici quelques-uns des plus importants.

Les difficultés liées à la recherche

On entend souvent vanter la gestion professionnelle comme une des grandes vertus des fonds communs de placement, et c’est sans doute encore plus important pour les obligations que pour les actions. En effet, en plus d’évaluer la sensitivité des obligations aux taux d’intérêt, les gestionnaires de fonds obligataires passent aussi du temps à évaluer la solvabilité des émetteurs d’obligations ainsi que d’autres caractéristiques de l’obligation. Jusqu’à quel point la société est-elle en bonne santé, et donc est-il probable qu’elle va honorer sa dette? Si une société n’est pas d’une solidité à toute épreuve, quel est le rendement supplémentaire qu’elle doit assurer en compensation du risque supplémentaire que comporte l’achat de ses obligations?

La plupart des grands gestionnaires obligataires ne font pas que croire sur parole les organismes de cotation quant à la solvabilité d’un émetteur, mais se retroussent les manches et évaluent eux-mêmes la santé financière des sociétés. La plupart des plateformes de courtage fournissent aussi des éléments d’information comparative de base sur les obligations, notamment ceux qui concernent l’échéance et la qualité du crédit.

Néanmoins, les acheteurs d’obligations individuelles peuvent avoir des difficultés à trouver des informations indépendantes fiables sur des obligations moins liquides émises par des entités plus petites et par des municipalités, et ils peuvent aussi trouver difficile d’évaluer les caractéristiques propres à une obligation donnée, comme si elle est rachetable et combien de revenu supplémentaire ils devraient recevoir si c’est le cas. Et même s’ils s’en tiennent aux types d’obligations plus liquides, ils n’ont pas nécessairement le temps ou le désir de bâtir un portefeuille bien diversifié de qualité élevée.

Le manque de diversification

Une autre difficulté à laquelle se heurtent les acheteurs d’obligations individuelles et que ne partagent pas les détenteurs de fonds est la difficulté de construire un portefeuille bien diversifié sans avoir à y mettre une fortune. Les obligations se vendent habituellement à une valeur nominale de 1 000 $, mais dans certains cas il faut acheter un lot d’obligations pour en avoir un bon prix. Pour réunir un portefeuille d’obligations individuelles qui présente une diversification sectorielle satisfaisante, il faut généralement pas mal de foin : on cite souvent le chiffre de 100 000 $ comme seuil minimum pour que la détention d’un portefeuille d’obligations individuelles commence à avoir du sens par rapport à un fonds obligataire. En revanche, les investisseurs dans les fonds obligataires réunissent à peu de frais un portefeuille d’obligations très diversifié — obligations de sociétés, obligations gouvernementales, obligations adossées à des actifs — et réduisent ainsi les dégâts que peut infliger un titre particulier à la totalité de leur portefeuille.

Les coûts de transactions

Dans la même veine, les acheteurs d’obligations individuelles, surtout ceux qui n’ont pas beaucoup d’argent à investir, peuvent encourir des coûts de transactions élevés en achetant et vendant des obligations individuelles; même les investisseurs qui achètent des milliers de dollars d’obligations peuvent encourir des écarts cours vendeur/cours acheteur beaucoup plus élevés que les prix que paient les acheteurs institutionnels dont les transactions s’élèvent à des millions. Ces écarts élevés entre les cours acheteur et vendeur se produisent quand un acheteur d’obligations en achète une qui se négocie déjà sur le marché; le courtier ou le négociateur, qui souhaite se faire payer pour avoir facilité la transaction, majorera le prix de l’obligation par rapport à son cours et la rachètera à un prix inférieur à sa valeur actuelle. Ces écarts auront tendance à être plus élevés pour les petits investisseurs que pour les grands, et peuvent donc rogner le rendement à l’échéance et le rendement total que touche l’investisseur plus petit. Par conséquent, même si le gestionnaire d’un fonds d’actions fait payer des frais de gestion, le gestionnaire pourra récupérer ce montant en pratiquant des coûts de transactions plus favorables. (Plus tôt cette année, les autorités canadiennes ont annoncé qu’elles allaient se pencher sur la transparence des prix sur le marché obligataire.)