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De façon générale, les entreprises familiales (EF) présentent de meilleures performances que les entreprises classiques (EC), montre une récente étude de McKinsey. Et les meilleures parmi les EF font preuve d’une compétence qui laisse tous les concurrents loin derrière.

McKinsey a analysé 600 EF cotées en bourse, 600 autres qui ne sont pas cotées en bourse et 600 EC cotées en bourse qui ne sont pas des EF. Parmi les EF on trouve des géants comme L’Oréal et Levi Strauss qui engrangent des revenus allant de 5 à 100 milliards $US, mais aussi plusieurs firmes de taille moyenne dont les revenus s’établissent entre 150 M $US$ et 5 G $US.

On se tromperait en pensant que les EF représentent un simple épiphénomène qui mérite tout au plus un regard expéditif. Au contraire. McKinsey constate qu’elles recouvrent 70% du PIB mondial, abritent 60% de l’emploi de la planète, et produisent des revenus annuels de l’ordre de 60 à 70 billions $US. Les EF sont la règle. Les entreprises cotées en bourse classique forment plutôt l’exception.

Surperformance systématique

Au cours des 23 dernières années, sauf pour une courte période de 2002-03, les EF ont produit des résultats systématiquement meilleurs que leurs homologues classiques. De 2017 à 2022, elles ont généré un rendement aux actionnaires moyen de 2,6% comparé à 2,3% pour les EC. Sur cette même période, leurs profits moyens se sont élevés à 77,5 M $US, comparé à 66,3 M $US pour les EC.

Les grandes EF, pour leur part, s’avèrent des opérateurs de calibre supérieur, produisant des marges brutes supérieures de 1,5% à leurs homologues classiques. « Ces chiffres reflètent en grande partie la capacité des EF de tirer parti d’efficacités de processus et de relations de chaînes d’approvisionnement établies au cours des générations », note l’étude.

McKinsey découvre aussi que les plus jeunes EF de moins de 25 ans affichent une croissance démesurée comparée à leurs équivalents EC. La croissance annuelle moyenne des premières est de 16,8%, seulement de 8,1% pour les EC. Par contre, au-delà de 25 ans, l’écart se rétrécit considérablement : 4,7% pour les premières contre 3,6% pour les secondes. L’emphase passe de l’énergie entrepreneuriale débordante des fondateurs vers la préservation de valeur.

Ressorts identifiés

L’étude fait remarquer que cette surperformance des EF est un phénomène connu de longue date, mais ses ressorts étaient mal connus. McKinsey, en menant des entrevues exhaustives et en étudiant les entreprises en profondeur, croit avoir identifié ces ressorts.

Ces ressorts tiennent à quatre attitudes de base, sur lesquelles s’échafaudent cinq actions stratégiques. Première attitude distinctive, les EF entretiennent des objectifs qui vont au-delà des profits. Ce sens d’une mission peut prendre plusieurs formes : dans une perspective introspective, ça peut être de protéger la marque ou de développer une forte culture d’entreprise. Dans une perspective extrovertie, ça peut être de maximiser la valeur pour les clients ou veiller à des impacts positifs dans leur communauté.

McKinsey donne l’exemple d’une société Sud-Américaine de services financiers qui suit avec autant de soin ses activités sociale, environnementale et de gouvernance que sa performance financière.

Le premier impératif des EF est le long terme. Elles optimisent, de façon impitoyable s’il le faut, leur performance à long terme, même s’il faut sacrifier les résultats à court terme. Chez 92% des EF qui surperforment, la famille détient au moins 40% de la propriété. « Puisqu’elles ne sont pas liées par les demandes des actionnaires et la pression des rapports trimestriels, elles peuvent adopter une approche plus patiente et stratégique de leurs investissements », écrivent les auteurs.

Elles sont conservatrices et prudente vis-à-vis de l’endettement et des investissements à haut risque. Cette approche prudente aide les sur-performeurs à mieux naviguer dans les eaux de chocs économiques comme la grande crise financière de 207-08 et les remous de la Covid. Autres signes de ce conservatisme, les EF distribuent des dividendes plus bas que les EC, et leur prudence se manifeste dans un ratio d’endettement sensiblement plus bas : chez les meilleures sociétés classiques, ce ratio est de 73%, chez les EF championnes, il est de 65%.

Elles ont un processus de décision efficace qui sait faire la différence entre décider vite et décider de façon efficace. Quand les membres de la famille s’entendent, les choix se font rapidement, mais quand ils sont en désaccord, ils prennent le temps de considérer les différents points de vue. Les EF « comprennent que la prise de décision peut être à la fois rapide et délibérée, note McKinsey, et que la capacité de s’ajuster aux circonstances fait une différence dans la performance. »

Des actions qui surgissent de la base

Ces attitudes de base se manifestent à travers cinq activités stratégiques. En premier lieu, les EF sont des as de la diversification. « Notre recherche montre que 40% des championnes recueillent plus de 50% de leurs revenus hors de leurs activités de base, fait ressortir McKinsey. À la différence, seulement 7% des autres EF moins performantes faisaient de même. »

Elles réassignent leurs ressources de façon très dynamique. Ainsi, 60% des championnes, au cours des cinq dernières années, ont déplacé plus de 30% de leur capital à travers leurs lignes d’affaires et leurs régions. Chez les autres EF, cette proportion est de 20%.

Elles sont des opératrices très efficaces et gardent les mains à la pâte. Dans une société Sud-Coréenne, le président du conseil d’une EF visite chaque jour depuis des décennies toutes ses lignes de production et connaît chaque employé par son nom. Une telle implication aide à susciter un sentiment de loyauté et d’appartenance chez les employés. Aussi, les meilleures EF investissent deux fois plus en innovation que les autres EF.

Elles s’occupent continuellement d’attirer et de développer les meilleurs talents. Par exemple, une EF européenne a mis au point une série de « posts » qui visent les étudiants universitaires et qui présentent des vignettes « d’un jour dans la vie » de divers employés. De plus, elle a entraîné des milliers d’ambassadeurs à l’interne qui aident à faire monter à bord de nouvelles recrues.

Enfin, elles révisent constamment leurs mécanismes de gouvernance, notamment en délimitant très clairement les rôles des membres de la famille, et les meilleures EF ont mis en place un conseil d’administration indépendant.