Cette stratégie de placement comprend une série d’approches qui incorporent les questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) à l’analyse financière et aux décisions de placement pour répondre aux besoins des investisseurs en matière de capital et de conscience sociale.

Un rapport publié par les firmes européennes Robeco et Booz & Co. indique que le marché de l’ISR a énormément évolué depuis l’introduction du premier fonds communs de placement socialement responsable au Canada en 1985. Ce rapport prédit qu’à l’échelle mondiale, l’ISR deviendra un marché grand public d’ici 2015, atteignant entre 15 à 20 % du total des actifs sous gestion.

À la lumière de ce pronostic, un nombre croissant de Canadiens cherche à investir de façon à avoir un impact positif sur la société et sur l’environnement. Les actifs sous gestion des produits d’ISR a augmenté de 16 % au Canada entre 2010 et 2011, d’après un rapport de l’Association Investissement Responsable.

À l’heure actuelle, près d’une douzaine de sociétés au Canada offrent une gamme de produits d’ISR dans toute une série de catégories d’actifs.

D’après le dernier sondage biennal de l’association publié en 2012, l’ISR représente maintenant 20 % de l’ensemble de l’industrie de la gestion des placements, avec 600 milliards $ d’actifs sous gestion. Toutefois, les investisseurs institutionnels comme les caisses de retraite en constituent la plus grande partie, les fonds communs de placement et autres actifs sous gestion destinés aux particuliers représentant seulement 10 % du total.

Selon certaines études, les Canadiens sont réceptifs à l’investissement socialement responsable. Toutefois, cette discipline de placement semble entourée d’une ignorance générale et d’un manque de clarté. D’après les experts de l’ISR, c’est ce qui retient de nombreux investisseurs particuliers qui n’arrivent pas à concilier dans leur esprit les rendements et les avantages sociétaux.

 
Deb Abbey, directrice générale de l’Association Investissement Responsable, dit que le comportement des investisseurs est en train de changer et que l’industrie y réagit en conséquence. « Nous avons évolué et ne nous contentons plus d’éliminer les sociétés que nous n’aimons pas, dit-elle. De plus en plus, les gestionnaires de placements incorporent au processus de sélection et de gestion l’analyse environnementale, sociale et de gouvernance comme moyen de réduire le risque, reconnaître les occasions et générer des rendements supérieurs à long terme ».

Mais on est encore loin d’avoir dissipé toutes les idées fausses. Souvent, l’investisseur craint que l’investissement socialement responsable, appelé aussi investissement durable ou investissement écologique, soit moins performant que l’investissement traditionnel.

Pour Kim Buitenhuis, vice-présidente principale du marketing et des produits à Placements NEI, c’est une idée fausse. « Je pense que les investisseurs ont généralement une perception erronée de ce que sont des rendements raisonnables, dit-elle. Quand le discours officiel est de faire le bien, les investisseurs en déduisent tout simplement que le profit et le bien public sont incompatibles, et ça, c’est un mythe. » On peut être tout aussi performant avec des produits d’ISR, dit-elle, qu’avec n’importe quel autre type de placement.

Le conseiller financier Stephen Whipp de Stephen Whipp Financial à Victoria, en Colombie-Britannique, une division de Wolverton Securities, rejette la faute de cette méprise sur les conseillers financiers. « Elle est perpétuée en grande partie par des conseillers bien-pensants qui ne maîtrisent pas ce domaine et qui y voient un type de placement conçu pour les granolas, dit-il. Les rendements que nous avons observés au cours des dix dernières années sont égaux ou supérieurs à ceux de la plupart des autres produits offerts au grand public »

Mme Abbey convient que ce porte-à-faux tient davantage à la connaissance qu’à la performance. Elle cite à cet égard certaines études, notamment une menée par les Nations Unies, comme preuve d’une corrélation positive entre les facteurs ESG et la performance. Chez nous au Canada, l’Indice social Jantzi a surclassé l’Indice composé S&P/TSX depuis sa création, dit Mme Abbey, auteure de Global Profit & Global Justice (Profit mondial et justice mondiale). « Dans le rapport trimestriel de l’Association Investissement Responsable sur le rendement des fonds communs de placement, on trouve des fonds d’investissement responsable qui se surclassent dans chacune des grandes catégories », ajoute-t-elle.
Les investisseurs veulent gagner de l’argent tout en faisant le bien, à condition que ce ne soit pas trop risqué. L’investissement responsable peut offrir des rendements ajustés selon le risque supérieurs tout en ayant un impact positif sur la société, dit Mme Abbey.

« De plus en plus, on s’accorde à penser que des évaluations justes et une gestion adéquate du risque ne sont possibles que si les sociétés sont assez claires sur la manière dont elles traitent ces questions, dit-elle. De récentes études ont démontré que les analystes recommandaient davantage les sociétés qui agissaient pour réduire les risques ESG. »

Le changement de comportement chez les investisseurs peut en partie être attribué aux tout récents développements financiers dans le monde, qui incitent les investisseurs à réexaminer de plus près leurs critères de placement pour savoir comment leurs actifs sont investis. Ils choisissent les produits d’ISR tout comme tous les autres placements, en soupesant les risques par rapport aux rendements escomptés.

Réagissant à ce changement d’attitude, de nombreux fonds ont incorporé plusieurs de ces nouvelles préférences à leurs produits. Au Canada, les gestionnaires financiers ont intégré les facteurs ESG au processus de placement pour réduire le risque et ajouter de la valeur aux stratégies de placement actives.

Certains adoptent une approche sectorielle consistant à identifier les sociétés qui sont les meilleures au sein de leur secteur ou de leur catégorie dans les domaines de la protection de l’environnement, de la gestion de la chaîne d’approvisionnement, des énergies de remplacement, de la rémunération des cadres et de la consultation avec les communautés autochtones.

D’autres adoptent une approche thématique et investissent dans des entreprises durables, c’est-à-dire des compagnies qui œuvrent dans l’efficacité énergétique, les infrastructures vertes, les carburants propres et « des compagnies qui offrent des solutions adaptatives à certains des plus grands défis de notre temps, dit Mme Abbey. Et comment peut-on ignorer les occasions générées par les billions de dollars d’investissements écologiques nécessaires dans le monde si l’on veut éviter les pires conséquences du changement climatique? »

Parallèlement à l’évolution des produits et des préférences, l’exécution des stratégies correspondantes a aussi changé. « Au cours des 10 à 20 dernières années, on a noté un réalignement des approches et des stratégies de mise en oeuvre de l’ISR », dit Rosalie Vendette, conseillère principale de l’investissement socialement responsable au groupe Desjardins. « Ce qui a commencé par l’introduction de filtres par les communautés religieuses a débouché sur plusieurs stratégies, dont l’exclusion fondée sur les principes (souvent les armes, le tabac et le nucléaire), l’intégration des principes ESG au modèle décisionnel relatif aux placements, l’investissement d’impact et les placements thématiques. »

L’investissement d’impact en particulier est né d’un désir de créer un impact plus délibéré que l’approche « ne faisons rien de mal » du filtrage négatif, dit Kelly Gauthier, conseillère principale chez Purpose Capital, une firme de conseil sur l’investissement d’impact à Toronto.

« La prolifération d’autres types de produits et de stratégies de placement provient du piètre degré d’adoption de l’investissement socialement responsable, dit-elle. Les investisseurs ont cherché d’autres moyens de créer un impact social ou environnemental avec leurs placements. »

Mais ce qui sous-tend ces approches distinctes, c’est un objectif commun de création de valeur, non seulement du point de vue économique mais aussi sur le plan des valeurs sociales fondamentales et de la préservation de l’environnement.