Photo portrait de Lea Saade.
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Près de neuf gestionnaires d’actifs sur dix (86 %) admettent cibler majoritairement des hommes avec leurs produits, selon une étude de la Banque de New York. Résultat : des pertes considérables en termes d’investissements potentiels.

Les femmes ne sont pas seulement sous-représentées chez les investisseurs. Elles le sont aussi dans l’industrie. Les trois quarts des gestionnaires d’actifs (73%) interrogés par la Banque de New York estiment que le secteur de l’investissement manque cruellement de femmes gestionnaires qui pourraient représenter des modèles pour la clientèle féminine. Seulement 10% ou moins des gestionnaires de fonds ou analystes d’investissement sont des femmes dans la moitié des firmes sondées.

Faute d’être suffisamment inclusive, l’industrie se priverait ainsi de près de 4000 milliards de dollars chaque année, selon BNY Mellon Investment Management, qui a interrogé 8 000 investisseurs et une centaine de gestionnaires d’actifs dans une quinzaine de pays.

Des obstacles à surmonter

Trois obstacles principaux découragent les femmes d’investir, selon la Banque de New York. Elles considèrent qu’il faut avoir un revenu annuel disponible d’au moins 60 000 $ pour faire des placements, ce qui est bien supérieur à la moyenne mondiale.

Elles affichent une tolérance au risque moins élevé que les hommes. Seulement 9 % des femmes déclarent avoir un niveau de tolérance au risque élevé ou très élevé, tandis que 49 % démontrent un niveau de tolérance modéré et 42% un niveau faible.

De plus, moins d’un tiers des femmes disent se sentir assez en confiance pour investir une partie de leur argent.

Prendre un pas de recul

« L’industrie doit prendre un pas de recul pour analyser le segment des femmes, car la diversité n’est pas seulement un atout pour les organisations, mais une occasion de développer un marché supplémentaire », estime Léa Saadé, vice-présidente régionale, gestion de patrimoine, chez la Financière des professionnels, qui compte plus de 70% de femmes parmi ses gestionnaires.

Créer un lien de confiance est la clé pour attirer la clientèle féminine, affirme-t-elle. « Il faut apprendre à bien écouter les besoins des femmes, leur parler un langage moins technique et s’assurer de comprendre toutes les étapes de leur vie, incluant la grossesse, dans la planification de la retraite. »

La clientèle des femmes possède plusieurs avantages, selon Léa Saadé. « Elles sont très loyales une fois que lien de confiance est établi. Elles sont plus préoccupées que les hommes par le long terme. Elles ont également tendance à référer davantage de clients quand elles sont satisfaites. »

Pour assurer son avenir, l’industrie a donc intérêt à assurer une plus grande complémentarité en incluant davantage de femmes dans les équipes, estime la gestionnaire. Alors que 70 % des femmes quittent leur conseiller au décès de leur conjoint et que la progression de l’équité salariale contribue à améliorer la situation financière des femmes, la vice-présidente considère que la discussion sur l’inclusion est absolument nécessaire avec les équipes.

L’étude de la BNY démontre par ailleurs que les femmes, en particulier les plus jeunes, ont tendance à privilégier des investissements à impact social et environnemental positif qui correspondent à leurs valeurs personnelles. Sept femmes de moins de 30 ans sur dix déclarent ainsi préférer investir dans des entreprises qui soutiennent leurs valeurs personnelles, contre 53 % des femmes de plus de 50 ans.

Ce phénomène se traduit par la présence sur le marché d’un nombre de plus en plus important de produits qui ciblent spécifiquement la clientèle féminine, tels les fonds axés sur le leadership féminin, observe Léa Saadé, une tendance qui devrait se poursuivre.