Les gourous du marché s’attendent depuis plusieurs années à une hausse des taux d’intérêt. Lorsque les taux montent, de nombreux investisseurs semblent croire que les fonds obligataires sont pires que les obligations individuelles. On a coutume de penser que puisqu’on peut détenir une obligation individuelle jusqu’à son échéance, on est protégé contre les effets d’une hausse des taux d’intérêt et l’on peut empêcher des pertes éventuelles. Un fonds obligataire typique ne détient pas des obligations jusqu’à leur échéance, et cela le force à essuyer des pertes après que les taux d’intérêt ont augmenté.
Relation inverse : quand les taux montent, le prix des obligations baisse
Examinons comment le prix des obligations est calculé. La valeur actualisée d’un paiement devant être reçu dans l’avenir égale la valeur de ce paiement divisée par un plus le taux d’intérêt composé pendant le nombre de périodes appropriées. Ce processus s’appelle l’actualisation. Puisque le taux d’intérêt en est le dénominateur, le prix des obligations a une relation inverse avec les taux d’intérêt. Le prix des obligations est égal à la valeur actualisée des paiements de coupons futurs plus la valeur actualisée de la valeur nominale payée à l’échéance.
Supposons que les taux du marché soient de 2 % et que nous ayons une obligation de 10 ans nouvellement émise rapportant un intérêt de 2 % avec une valeur nominale de 1 000 $. (Théoriquement, cette obligation paierait deux coupons semi-annuels de 10 $). Actualiser ces coupons et la valeur nominale au taux du marché de 2 % se traduit par un prix de 1 000 $. Si les taux du marché passent à 4 % le jour qui suit immédiatement celui où nous achetons cette obligation, nous devons désormais actualiser tous les paiements futurs à 4 %, ce qui se traduit par une valeur présente nette de 836 $. Donc, lorsque les taux du marché augmentent, le prix des obligations chute. Le nouveau prix de 836 $ représente une perte de 164 $, soit une perte en capital de 16,4 %. Bien entendu, si l’on s’accroche jusqu’à la date d’échéance dans 10 ans, on récupère ses 1 000 $ et on gagne les 2 % d’origine sur la durée de l’obligation.
Conserver notre vieille obligation ne va nous rapporter que 2 %, mais les taux du marché sont désormais à 4 %. Au lieu de 20 $ en coupons annuels, une obligation nouvellement émise paierait 40 $, soit 20 $ de plus en coupons que la vieille obligation. La valeur présente de ces 20 $ supplémentaires en coupons sur la vie de l’obligation est de 164 $, soit exactement le montant de la perte sur la vieille obligation. Puisqu’une obligation nouvellement émise aurait une valeur supplémentaire de 164 $ en termes de valeur présente, la vieille obligation doit offrir un rabais équivalent pour séduire un acheteur.
Quel serait notre rendement, compte tenu de notre perte en capital, si nous vendions l’obligation et utilisions le produit de 836 $ pour acheter une nouvelle obligation rapportant 4 %? Puisque le produit de la vente de la vieille obligation est de 836 $, nous pourrions seulement nous permettre d’acheter 83,6 % d’une obligation ayant une valeur nominale de 1 000 $ nouvellement émise qui paye 4 %. Au lieu des 40 $ annuels en coupons d’intérêt, nous recevrions 83,6 %, soit 33,45 $. C’est toujours plus que les 20 $ en coupons annuels de notre vieille obligation. La somme totale recueille à l’échéance serait de 836 $, soit 83,6 % de 1 000 $. Le taux de rendement interne de ce flux de paiements est de 2 %. Donc, si nous vendons la vieille obligation à 2 % et en achetons une nouvelle rapportant 4 %, nous gagnons en fin de compte 2 %. Que nous conservions la vieille obligation ou la vendions et en réinvestissions le produit dans une nouvelle obligation, nous gagnons toujours 2 %. Oui, on enregistre une perte en capital sur la vente, mais vendre donne l’occasion d’investir à un taux plus élevé et de compenser la perte en capital.
Un fonds d’obligations ne détiendra pas toujours des obligations jusqu’à leur échéance, car il doit vendre et acheter des obligations en fonction des rachats ou pour pister un indice. Toutefois, comme nous l’avons vu, peu importe, à toutes choses égales, si nous détenons un fonds obligataire ou une obligation individuelle lorsque les taux d’intérêt augmentent. À supposer qu’ils aient tous deux la même durée, une augmentation des taux les touchera de façon égale. Et détenir une obligation directement ou dans un fonds ne nous permettra pas non plus d’éviter facilement l’impact de la hausse des taux.
Ma collègue Christine Benz a déjà parlé de ce sujet et Matt Tucker, chef de l’équipe des stratégies à revenu fixe chez iShares, a offert l’explication suivante : « Un fonds ou FNB obligataire traditionnel est perçu comme étant plus sensible aux fluctuations des taux d’intérêt car il n’a pas de paiements de revenu ou du capital prédéfinis. Ce que beaucoup d’investisseurs ne saisissent pas dans cette analyse est que lorsque les taux d’intérêt augmentent, le revenu provenant d’un fonds ou d’un FNB obligataire augmente généralement, alors que le revenu d’une obligation est fixe. Avec le temps, le revenu plus élevé payé par le fonds ou le FNB compense un investisseur de la chute de prix initiale réalisée lors de la hausse initiale des intérêts. »
Il y a d’autres avantages présentés par la structure de fonds
Bien que les obligations individuelles ne présentent aucun avantage par rapport aux fonds obligataires dans un scénario de hausse des taux, de nombreux investisseurs les préfèrent tout de même parce qu’ils permettent un contrôle plus précis du portefeuille, comme lorsqu’on essaie d’en aligner l’échéance avec un besoin futur. Néanmoins, les fonds obligataires ont des atouts par rapport aux obligations individuelles dans la plupart des autres scénarios. Les fonds obligataires offrent une meilleure diversification, ce qui est crucial pour les obligations présentant un risque lié au crédit où les avantages de récupérer son argent peuvent être moins importants que les inconvénients en cas de défaut de paiement. Les coûts transactionnels sont élevés sur le marché obligataire et l’échelle imposante des fonds obligataires les aide à réduire ces dépenses.
Pour ceux qui préfèrent la possibilité de cibler une échéance spécifique et qui veulent la diversification et les coûts transactionnels inférieurs d’un fonds, les FNB à échéance cible peuvent être une option viable. RBC offre toute une série de ces produits-là, dont la liquidation s’opère pendant leur année cible. Chacun d’entre eux détient une corbeille d’obligations qui arrivent à échéance la même année.
Un fonds obligataire traditionnel vendra une obligation à l’approche de son échéance, ou réinvestira le produit des obligations venant à échéance dans une nouvelle obligation, et la durée sera donc assez stable. Les fonds obligataires à échéance cible permettent aux obligations d’arriver à l’échéance et détiennent le produit en argent liquide jusqu’à ce que le fonds mette fin à sa position. Cela veut dire que la durée baissera graduellement avec le temps. Parce que les obligations à échéance cible permettent aux obligations d’arriver à échéance, ils évitent les coûts transactionnels causés par la vente de l’obligation ou par l’achat d’une nouvelle.
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