Deux personnes regardant une feuille
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L’encadrement de la relation professionnelle entre les intermédiaires financiers et les clients gagnerait à être uniformisé pour mieux assurer la protection des épargnants, a souligné Raymonde Crête, avocate et codirectrice du Groupe de recherche en droit des services financiers (GDSR), à l’occasion d’un colloque organisé par le Laboratoire en droit des services financiers de l’Université Laval le mois dernier.

« Le client se trouve placé dans une situation de dépendance et de vulnérabilité, car il se fie à la compétence du conseiller. Il tient pour acquis que le professionnel est censé défendre ses intérêts. Or, en raison d’un manque de connaissances et de temps, il peut difficilement évaluer la qualité des services rendus », a souligné la professeure.

Rapport de force

En résumé, un client qui confie ses économies à un intermédiaire (firme, courtier en placement, représentant) lui délègue des pouvoirs et lui donne une certaine autonomie pour choisir les placements qui conviennent à son profil d’investisseur.

Cependant, un client qui ne possède pas de connaissances en investissement, peut difficilement savoir si une diminution de rendement de son portefeuille résulte d’une baisse normale des marchés ou d’une mauvaise qualité des services rendus par le conseiller.

Les obligations professionnelles de diligence peuvent alors se heurter à la logique commerciale d’une entreprise qui souhaite faire plus de profit ou d’un conseiller qui veut augmenter ses commissions.

Intérêts divergents

C’est là que le bât blesse, estime l’avocate. La conciliation entre les intérêts du client et ceux des intermédiaires est un élément qui peut devenir problématique.

« Il y a un risque de manquement professionnel. L’intermédiaire pourrait faire primer ses intérêts sur ceux des clients en effectuant des placements inappropriés ou non autorisés, ou en commettant de l’abus ou de la fraude. » Ces manquements peuvent entrainer des préjudices graves, comme des pertes financières ou des dommages physiques et psychologiques, pour le client.

Les régulateurs tiennent compte de cette spécificité en exerçant un contrôle à l’entrée de la profession, en établissant des normes de conduites rigoureuses, en formant les intermédiaires et en ayant un processus disciplinaire.

Une approche holistique

Cependant, malgré les efforts, des enjeux subsistent. L’encadrement actuel est fragmenté, avec une multiplicité d’autorité d’encadrement et de catégories d’inscription engendrant une profusion de contenus réglementaires, de mises en application et de fonds d’indemnisation pour les épargnants. En outre, il est axé sur les produits plutôt que sur les activités, en dépit de la convergence entre les services offerts.

Le tout se solde par une protection inégale des consommateurs, des risques de confusion, d’inefficience, et des lourdeurs administratives et financières.

Pour y remédier, le groupe de recherche propose d’aborder l’encadrement des services financiers selon une approche holistique, plus globale. « Nous voulons amener l’autorité d’encadrement à analyser et évaluer une situation problématique dans sa globalité, et non pas de manière cloisonnée ou en silos », précise la professeure.

Privilégier l’intérêt des clients

La protection des épargnants devrait réunir trois composantes principales, selon le groupe de recherche. La première est d’instaurer des normes de conduite qui obligent les intermédiaires à agir avec loyauté, compétence et diligence, dans l’intérêt des clients.

La deuxième consiste à prévoir des mécanismes efficaces pour prévenir les manquements professionnels. La troisième est de mettre en place des procédures pour réparer ou minimiser les préjudices subis par les clients.

« L’objectif est d’assurer le bien-être financier des épargnants pour ultimement maintenir la confiance du public dans l’industrie », résume Raymonde Crête.

Cet encadrement intégré devra également couvrir l’ensemble des services d’investissements, pas seulement le secteur des valeurs mobilières, mais aussi le domaine de l’assurance de personnes, pour les produits qui comportent un volet d’investissement, comme les fonds distincts.

Il devra par ailleurs être soumis une même autorité afin d’intervenir tant auprès des entreprises de services financiers que de leurs dirigeants et de leurs représentants.

Le groupe de recherche projette de publier l’an prochain un traité en droit des services d’investissement. Ce guide visera entre autres à bonifier l’encadrement actuel de l’industrie dans ce domaine dans la perspective de mieux protéger les consommateurs.