Un tas de bitcoins.
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Après l’immense faillite apparemment frauduleuse de l’échange FTX, plusieurs se demandent si bitcoin réussira à prospérer à nouveau, voire à rester en vie. Mais un fort rebond de la crypto-monnaie suscite plutôt une autre question : pourquoi revient-il à la vie?

Ulrich Bindseil, directeur général de la Banque centrale européenne (BCE) et le conseiller Jürgen Schaaf ont rapidement prononcé l’eulogie de la fameuse crypto-monnaie en novembre 2022, affirmant que les récentes fluctuations du bitcoin et la volatilité de 2022 constituaient le dernier clou du cercueil pour la crypto-monnaie. « Il s’agit d’un dernier souffle artificiellement induit avant la route vers l’inutilité – et cela était déjà prévisible avant que FTX ne fasse faillite et n’envoie le prix du bitcoin bien en dessous de 16 000 dollars. »

Par ailleurs, d’autres inconditionnels de bitcoin refusent obstinément de jeter la serviette, prédisant, comme le financier de capital-risque Tim Draper, que bitcoin, comme le Phénix, va émerger de ses cendres et voguer vers un sommet inégalé de 250 000 $US dès la mi-2023. Plus mesurée, mais optimiste quand même, Carol Alexander, professeur de finance à l’Université Sussex, prédit un prix de 50 000 $US à la fin de 2023.

D’autres, loin de partager un tel enthousiasme, ne partagent pas non plus le pessimisme de la BCE. Par exemple, Mark Mobius, investisseur émérite de Franklin Templeton, annonce un prix de 10 000 $US en 2023, tandis que Standard Chartered prédit une autre dégelée à 5 000 $US.

Bitcoin a connu pire

La chute vertigineuse de bitcoin dans le cours de 2022, depuis son sommet de 58 194 $CAD en mars jusqu’à son creux de 21 693$ en novembre peut laisser croire qu’il sera difficile de ressouder les os éparpillés du cadavre. C’est le cas encore plus si on considère le plongeon vertigineux depuis le sommet historique de 75 934$ atteint en octobre 2021.

En chiffres absolus, ces deux plongeons semblent irrévocables et définitivement condamner bitcoin aux oubliettes de « l’inutilité », comme l’annoncent les deux analystes de la BCE.

C’est oublier que bitcoin, dans sa courte vie très mouvementée depuis son lancement en 2009, a connu pire. Les deux plongeons depuis mars 2021 représentent des reculs respectifs de -268% et -350%. Or, de décembre 2017 à décembre 2018, bitcoin a connu un parcours qui l’a mené d’un sommet de 24 641 $ à 4 353, un écrasement de -566%.

À présent, contre toute attente, en cette dernière semaine de janvier 2023, bitcoin a refait son chemin à 30 744$, une remontée de 42% en moins de deux mois.

La juste question

Savoir si bitcoin reviendra en vie n’est peut-être pas la bonne question. Il faudrait plutôt savoir pourquoi il revient en vie – et si vite.

Les banquiers de la BCE alignent pourtant de multiples raisons qui militent en faveur du décès de bitcoin. On espérait au départ que la crypto-monnaie soit une monnaie d’échange à l’abri de toute surveillance, une dimension de plus en plus évacuée au profit de bitcoin en tant qu’investissement.

« Mais bitcoin ne convient pas non plus en tant qu’investissement, écrivent Bindseil et Schaaf. Il ne génère pas de flux de trésorerie (comme l’immobilier) ou de dividendes (comme les actions), ne peut pas être utilisé de manière productive (comme les matières premières) ou fournir des avantages sociaux (comme l’or). L’évaluation du bitcoin sur le marché est donc purement spéculative. »

Comme l’affirme une chronique du magazine Forbes, « (…) la valeur future d’une crypto-monnaie ne peut être calculée à partir d’une base fondamentale, parce qu’elle est fondée dans la spéculation. »

« Les gros investisseurs en bitcoin sont les plus incités à entretenir l’euphorie, jugent Birdseil et Schaaf. À la fin de l’année 2020, des entreprises isolées ont commencé à promouvoir le bitcoin aux frais (de ces mêmes entreprises). Certaines sociétés de capital-risque (VC) continuent également à investir massivement. »

Il est indéniable que bitcoin a profondément fait son lit dans le monde financier, constate Forbes. « Non seulement les investisseurs particuliers sont plus nombreux à détenir des positions, mais aussi les entreprises de Wall Street, les fonds de capital-risque et même certaines grandes entreprises publiques. Nous arrivons au stade où le secteur des crypto-monnaies fera trop partie des marchés financiers traditionnels pour ne pas se redresser. Nous y sommes peut-être déjà, mais cela reste à voir. »

Carol Alexander constate la même chose jugeant que les plus grands portefeuilles bitcoins – qu’on appelle les « baleines » – représentent 14,15% des actifs totaux. Elle s’attendait à la fin de 2022 à ce que ces baleines entrent en jeu pour soutenir le marché.

Un coup d’œil sur les volumes de transaction pourrait lui donner raison. À la fin de 2022, le nombre de transactions s’élevait à 150 000, remontant à 300 000 au 15 janvier 2023. C’est une fraction des volumes de 6,790,000 et de 4,100,000 qui inondaient les échanges en janvier 2018 en février 2020. Et les faibles volumes actuels appuient une remontée de 42%.