Un article du Financial Times paru le 21 juin soulignait qu’à la suite de la grosse pression à la vente qui avait eu lieu, certains FNB cotés aux États-Unis s’étaient négociés à un prix inférieur à la valeur de leurs actifs sous-jacents. Plusieurs autres commentaires ont été publiés depuis lors sur la déconnexion apparente entre le prix d’un FNB et sa valeur d’actif net (VAN) pendant les périodes de volatilité accrue.

Il y a des leçons importantes à glaner des signaux d’alarme qu’a déclenchés cette vente en masse et de la couverture médiatique qui s’en est suivie. Parfois, un événement comme la volatilité boursière attisée par la déclaration de la Réserve fédérale américaine l’après-midi du 19 juin procure un catalyseur idéal pour promouvoir une meilleure éducation des investisseurs.

On vante souvent les FNB pour leur capacité à se négocier constamment au niveau ou presque de leur valeur d’actif net. Par conséquent, quand une source d’informations réputée affirme que le mécanisme s’est enrayé, la réaction naturelle qu’ont beaucoup de personnes est de commencer à sonner l’alarme. Avant de nous plonger dans cette question, commençons par passer en revue le mécanisme en question.

Les informations requises pour calculer la valeur d’actif net (VAN) d’un FNB qui piste, disons, l’Indice S&P/TSX 60 sont simplement les prix courants de tous les 60 éléments constitutifs de l’indice, cumulés selon leur pondération dans l’indice. La valeur de l’actif net intrajournalière permet aux protagonistes boursiers de voir si le FNB se négocie au rabais ou à prime par rapport à son portefeuille sous-jacent. Cela peut se faire facilement pendant toute la journée boursière, parce que le FNB et ses titres sous-jacents se négocient ensemble pendant les mêmes heures d’ouverture du marché. À tout moment de la journée, les protagonistes boursiers peuvent se procurer une estimation précise de la VAN du FNB à partir de la façon dont les actions sous-jacentes se négocient.

Gardant cela à l’esprit, penchons-nous sur les FNB en question : un des marchés émergents, et l’autre d’obligations municipales.

Comme vous l’avez probablement deviné, le problème principal avec le FNB des marchés émergents est que les titres sous-jacents se négocient dans des fuseaux horaires différents du monde entier. En fait, 75 % environ des marchés émergents sont fermés au moment où les marchés canadiens et américains sont en activité. Par conséquent, à la différence de l’exemple du S&P/TSX 60 où le marché des FNB et celui des actions sous-jacentes se superposent fidèlement, le FNB des marchés émergents se négocie au moment où les marchés de la majorité de ses actions sous-jacentes sont clos.

Dans ce cas, la VAN intrajournalière du FNB, qui est le dernier cours de clôture des actions, n’a que peu de valeur. Imaginez être détenteur d’un FNB qui se négocie activement, mais dont la VAN est essentiellement gelée parce qu’elle se base sur les derniers cours de marchés fermés depuis plusieurs heures. Cela veut dire qu’il y a une forte probabilité qu’une « prime » ou un « rabais » apparaisse quand se dessinent certaines nouvelles ou certains événements boursiers agitant le marché. En réalité, la VAN est une valeur périmée, alors que le prix marchand du FNB représente la valeur la plus actuelle que les participants actifs au marché affectent aux titres.

Quel chiffre reflète donc le plus fidèlement la véritable valeur boursière? Dans le cas de cette dernière vente en masse, les FNB ont en fait agi comme le mécanisme de détermination des prix. En tant qu’unique marché ouvert et en cours, le marché des FNB fournissait l’opinion générale en incorporant les nouvelles informations qui étaient transmises à ce moment-là.

L’autre exemple cité dans la presse financière est un FNB d’obligations municipales, présentant donc une situation comparable. Là aussi, le problème a trait aux différences opérationnelles entre le FNB et le marché sous-jacent qu’il piste. Dans ce cas, nous avons affaire à des obligations relativement non liquides qui se négocient encore au téléphone et à un FNB qui se négocie électroniquement sur une place boursière centralisée.

À la différence des actions, qui sont normalisées et se négocient assez fréquemment, les obligations manquent d’homogénéité, et peuvent dans bien des cas n’enregistrer aucune transaction pendant des jours ou des semaines. Cela rend un indice fondé sur les cours des dernières transactions assez inutile pour un FNB qui se négocie fréquemment au cours de la journée.

La plupart des indices obligataires s’en remettent donc à des modèles d’évaluation matriciels pour exprimer des valeurs indicielles plus précises et plus récentes. Les modèles d’évaluation matriciels représentent une grosse amélioration par rapport aux prix périmés des obligations, mais ils ont leurs limites, surtout quand les marchés réagissent fortement et vivement à des informations récemment publiées (comme nous l’avons vu l’après-midi du 19 juin, quand la Réserve fédérale américaine a publié sa déclaration).

Nous avons donc un autre scénario où le FNB est le seul vrai marché actif, où les investisseurs peuvent effectuer en temps réel un achat ou une vente. Cela veut dire qu’il y a une bonne chance que la valeur marchande du FNB déviera du prix périmé de l’indice, les nouvelles informations étant actualisées par le marché.

Si une « prime » ou un « rabais » se développent temporairement, cela veut-il dire que la structure de FNB est défectueuse, ou que les FNB sont une bombe à retardement pour les marchés financiers? Malgré ce que certains articles mal informés des médias conduiraient à penser, c’est loin d’être le cas. En fait, les FNB peuvent se targuer d’être le seul marché véritable en fonctionnement au cours d’une période hyperactive de stress boursier.

J’utilise des guillemets et qualifie les « primes » ou « rabais » comme des notions fantômes parce qu’elles ne sont pas réelles et ont une nature extrêmement temporaire. La plupart du temps, ce que nous verrons dans ces cas est que les primes ou rabais s’effondreront en un jour ou deux. Dans le cas du FNB des marchés émergents, la prime ou le rabais disparait à la réouverture du marché boursier sous-jacent, les actions convergeant immédiatement sur ce que le FNB annonçait déjà. Dans le cas du FNB d’obligations municipales, la prime ou le rabais s’effondre aussitôt que de nouvelles transactions d’obligations municipales sont enregistrées et que les modèles d’évaluation matriciels qui conditionnent les indices ont l’occasion de combler le retard.

Sans compréhension ferme de la manière dont fonctionnent les FNB, il est facile de voir comment on pourrait en arriver à une conclusion erronée sur les primes ou rabais fantômes des FNB. La pléthore d’articles mal informés en provenance des médias financiers en offre l’exemple typique. Par bonheur, les investisseurs prendront le temps de creuser un peu plus profondément plutôt que de crier au sauve-qui-peut.