Le 29 octobre dernier, le groupe bancaire français BPCE est devenu l’unique actionnaire de Novo Banco, quatrième banque du Portugal. La transaction a toutefois été assombrie par des perquisitions policières menées au siège social de l’entreprise immédiatement après l’annonce, dans le cadre d’une enquête pour corruption et blanchiment d’argent.
Avec cet accord, BPCE a acquis les 25 % du capital restant de Novo Banco, soit 11,5% détenus par l’État portugais et 13,5% par le Fonds de résolution des banques portugaises, pour un montant total de 1,6 milliard d’euros (2,6 G$), prenant le contrôle total de l’entreprise, valorisée à 6,4 milliards d’euros (10 G$).
En juin dernier, BPCE s’était déjà porté acquéreur de 75 % de parts de la banque détenus par le fonds américain Lone Star, « une étape clé de la stratégie de développement du groupe en Europe », selon Nicolas Namias, président du groupe.
« En devenant l’unique actionnaire de Novo Banco, nous réaffirmons notre ambition de favoriser sa croissance et d’enrichir son offre de services pour les particuliers et les entreprises portugaises », a-t-il déclaré dans un communiqué.
Le ministre portugais des Finances, Joaquim Miranda Sarmento, a salué l’opération comme un signe de crédibilité retrouvée pour le système bancaire portugais, selon l’agence Lusa.
Les perquisitions de la police portugaise menées le jour même de la signature dans les locaux de Novo Banco, ceux de KPMG et de plusieurs entreprises liées à la vente d’actifs, jettent cependant une ombre sur le tableau.
Selon le parquet portugais, la banque est soupçonnée d’avoir commis « des crimes de corruption active et passive, de fraude aggravée et de blanchiment d’argent ». L’enquête policière concerne principalement les ventes d’actifs menées depuis 2018, dans le cadre de la restructuration de la banque.
Enjeux réglementaires
Créée en 2014 sur les cendres de l’institution financière Banco Espirito Santo (BES), disparue après des malversations comptables, Novo Banco a été fondée à partir des actifs jugés sains de la banque et grâce à l’injection de 4,9 milliards d’euros (8 G$) de l’État portugais. Au total, près de 10 milliards d’euros (16 G$) ont été injectés depuis par le gouvernement portugais.
Selon des analystes, l’affaire soulève des questions sur la gouvernance, la transparence et les responsabilités des acteurs financiers dans les restructurations bancaires. Elle renforce également l’idée d’un désengagement progressif de l’État, tout en mettant en lumière les risques de gouvernance et de conformité dans les cessions d’actifs.
La Banque du Portugal et la Commission des marchés de valeurs mobilières déclarent suivre de près les transactions impliquant des institutions financières et qu’elles imposent des normes strictes de transparence, de lutte contre la corruption et de conformité réglementaire.
Une fois complétée, au premier semestre 2026, la transaction, qui constitue la plus grande acquisition d’une banque européenne dans la zone euro depuis 10 ans selon BPCE, fera du Portugal le deuxième marché de détail du groupe français.
La quatrième banque portugaise détient des parts de marché d’environ 9 % auprès des particuliers et de 14 % auprès des entreprises. Elle compte 1,7 million de clients particuliers, un réseau de 290 agences et gère un portefeuille de prêts aux entreprises de 17 milliards d’euros (27 G$).
Au mois de mai, le gouvernement portugais s’était opposé à la prise de contrôle de Novo Banco par la banque espagnole CaixaBank, ouvrant ainsi la voie à l’acquisition par BPCE.
Encadré : Chronologie — de Banco Espirito Santo à Novo Banco
- 2014 — Effondrement de Banco Espirito Santo : l’État portugais injecte 4,9 milliards d’euros pour éviter la faillite.
- 2014-2017 – Restructuration : Novo Banco se concentre sur la réduction des risques et l’assainissement de son portefeuille de prêts et d’actifs immobiliers.
- 2017 — Vente à Lone Star : Le fonds américain acquiert 75 % de Novo Banco.
- 2018-2025 – Cessions et enquête judiciaire : Plusieurs ventes d’actifs, suivies d’enquêtes pour corruption et blanchiment d’argent
- Juin 2025 — Rachat par BPCE : Acquisition des 75 % détenus par Lone Star.
- Octobre 2025 — Acquisition des 25 % restants : L’enquête judiciaire se poursuit.
Sources : Reuters, Le Monde.