«J’ai longtemps été un grand partisan de ces rentes variables. Leurs versements garantis étaient très alléchants, surtout lorsqu’ils se situaient à 5 % par an», dit le conseiller de Sainte-Julie, sur la Rive-Sud.
Or, les uns après les autres, les promoteurs de GRV ont jeté l’éponge.
Le dernier en date à quitter le ring, SSQ Groupe financier, a annoncé à la mi-février la «suspension pour une période indéterminée» des ventes et des nouvelles cotisations à son produit de GRV connu sous le nom de Revenu garanti ASTRA (RGA) 2.1.
Marc Gagnon estime que les deux acteurs restants, Empire Vie et la Financière Manuvie, en feront bientôt tout autant.
Il estime que Manuvie a déjà, d’une certaine façon, quitté ce terrain en diminuant en décembre les rendements de son produit RevenuPlus. Ceux-ci sont alors passés de 5 % à 3,5 %. Il croit que la décision finale de la direction de l’assureur torontois ne tardera pas à venir.
L’autre grand acteur, Empire Vie, a pour sa part éliminé en fin d’année son généreux Catégorie Plus, qui comportait une distribution de 5 %. Son remplaçant, Catégorie Plus 2, offre des distributions moins importantes. Celles-ci se situent à 3 % chez les 55 à 59 ans, à 3,5 % chez les 60 à 64 ans, à 4 % chez les 65 à 69 ans, à 4,25 % chez les 70 à 74 ans, et finalement à 5 % chez les 75 ans et plus.
Selon Marc Gagnon, un seul type de client peut encore tirer profit de ces GRV, soit l’épargnant conservateur qui sait qu’il continuera à travailler après 65 ans. «En différant la date d’encaissement, les détenteurs de ces contrats bénéficient d’un boni pour retraits reportés. Ce qui rend le produit plus intéressant», dit-il.
Ce qui ne fonctionnait pas
Une récente étude du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) met un peu en lumière les raisons qui ont conduit la presque totalité des assureurs à abandonner leurs GRV 1.
D’une part, les chercheurs constatent que ces produits menaçaient la santé financière de leurs promoteurs, les compagnies d’assurance.
Une partie des frais de gestion leur échappaient, puisqu’ils étaient pris par les gestionnaires de fonds communs. Et la garantie de retrait leur coûtait cher, d’autant plus que le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a exigé un haut niveau de capital réglementaire, ce auquel les assureurs ne s’attendaient pas.
D’autre part, les rendements boursiers des dernières années ont été décevants, et les taux d’intérêt, historiquement bas. Résultat : les assureurs ont puisé à même leur avoir net pour soutenir la viabilité de ces produits.
Ce n’est pas tout. D’après ces chercheurs, les GRV n’étaient tout simplement pas avantageux du point de vue du client, et ce, pour les raisons suivantes.
En premier lieu, la valeur du produit ne pouvait pas être augmentée d’une façon significative lors de la réinitialisation. Selon les auteurs, les retraits pouvaient s’accroître de 2 % à la condition expresse que le rendement sous-jacent explose de 11 %, ce qui est peu réaliste. Le grand coupable est, selon eux, les frais de gestion, qu’ils situent en moyenne à 3,5 %.
Ensuite, la probabilité que la valeur des retraits puisse augmenter entre 65 et 80 ans n’était que de une sur deux.
Des solutions de rechange ?
Plutôt que l’achat d’un produit GRV, les chercheurs du CIRANO préconisent l’acquisition d’une rente non indexée.
C’est ainsi, disent-ils, qu’un homme de 65 ans qui désire acheter une rente non indexée avec garantie de dix ans aurait à débourser 15 $ pour chaque dollar de rente viagère. Par opposition, il lui en coûterait 25 $ pour chaque dollar de rente versé par un GRV comportant une distribution de 4 %.
En entrevue, un des auteurs de la recherche, Richard Guay, professeur à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, va encore plus loin.
«Acheter des obligations du gouvernement du Québec, qui rapportent actuellement quelque 3,2 % par année sur dix ans, est même plus avantageux que les GRV», estime-t-il.
Richard Guay explique que les frais de gestion des GRV diminueront inévitablement le capital des rentiers. «En raison des frais de gestion, les souscripteurs de GRV qui encaisseraient leurs 4 % annuels grugeraient plus rapidement leur capital que les détenteurs d’obligations», soutient-il.