Ventes croisées : les indépendants «doivent faire mieux»

Fondateur de Force Financière Excel en 1990 et président pour le Québec du Groupe Financier Horizons depuis 2011, James McMahon est assis aux premières loges du secteur de la distribution. Il constate, lui aussi, les difficultés des cabinets indépendants à se démarquer dans le domaine des ventes croisées.

«Oui, il y a un problème. Un problème de taille. Depuis les cinq ou six dernières années, le volume de primes stagne. Or, si le volume n’augmente pas, on régresse», prévient James McMahon.

L’enjeu des Y

En laissant filer le potentiel de croissance des ventes croisées, les cabinets indépendants risquent gros.

«Ils s’éloignent de la génération Y, une clientèle naturelle pour les ventes croisées», prévient Frédéric Perman.

En effet, ces Y, qui ont grosso modo entre 20 et 35 ans, ont des comportements d’achat bien différents de ceux de leurs aînés.

«Chez les Y, le temps est compté. Leur emploi du temps est chargé et ils ne veulent pas consulter une cascade de spécialistes en produits d’assurance et d’épargne. C’est ce qui explique leur réceptivité naturelle aux ventes croisées», précise Dominic Paquette, planificateur financier et président-fondateur de Partenaire-Conseils Groupe financier.

Il y a plus. «Les clients de 50 ou de 60 ans préfèrent acheter des produits financiers et d’assurance un par un. Quant à eux, les Y ont pris l’habitude de se faire présenter des stratégies en planification financière. Et on sait que les stratégies favorisent les ventes croisées», dit le planificateur de Laval.

C’est pourquoi les conseillers de la génération du millénaire disposent d’un gros avantage par rapport à leurs collègues plus âgés. «Les conseillers plus expérimentés ont été formés à une époque où la vente se faisait produit par produit. Les conseillers plus jeunes ont eu la chance d’avoir une formation dans une optique plus globale», remarque Dominic Paquette.

Et cette proximité générationnelle favorise, justement, les réseaux carrière.

«Les réseaux carrière ont investi beaucoup de ressources dans le rajeunissement de la moyenne d’âge de leurs conseillers. À l’inverse, la moyenne d’âge des indépendants est très élevée et atteint presque la soixantaine !» dit Frédéric Perman.

L’impact du vieillissement des effectifs des cabinets indépendants est indéniable, ajoute James McMahon. «Étant plus âgés et plus dépendants des revenus récurrents découlant de leurs commissions de suivi, les conseillers indépendants sont moins actifs dans leur travail de prospection téléphonique. Ils sont moins portés à rencontrer les clients que des conseillers plus jeunes», dit-il.

Des investissements accrus

Le vice-président de la Financière S_entiel ajoute que les réseaux carrière investissent beaucoup de ressources dans la formation, ce qui stimule les ventes croisées.

«Les conseillers des réseaux carrière ont l’occasion de s’immerger dans des contextes d’apprentissage de techniques de ventes croisées par des formations spécialisées, des simulations et des jeux de rôle», dit-il.

Bien sûr, les agents généraux favorisent également la formation des conseillers, mais rien n’oblige les cabinets indépendants à y participer.

«Par définition, les conseillers des cabinets indépendants font ce qu’ils veulent, contrairement à leurs collègues des réseaux carrière. Les agents généraux ne peuvent pas forcer les conseillers à participer à des formations. Ils doivent respecter leur indépendance», dit Robert Landry, consultant et ex-vice-président exécutif chez AXA Canada.

Solution : rajeunir

Selon Frédéric Perman, le développement des ventes croisées chez les indépendants repose principalement sur le rajeunissement des effectifs.

«Tout doit être orienté vers le renouvellement générationnel des conseillers indépendants», dit-il.

Frédéric Perman entend d’ailleurs rejoindre les conseillers dans la quarantaine et la cinquantaine afin de diffuser les meilleures pratiques.

«Aujourd’hui, les gros producteurs ont 60, 70 et même 80 ans. Ce n’est pas soutenable. Cet automne, nous organiserons un regroupement de conseillers de 40 à 50 ans. Le regroupement sera une source d’inspiration et il favorisera le partage des bonnes idées. Ultimement, il faudra attirer les trentenaires dans une profession qui en manque énormément», affirme-t-il.

Vers la consolidation

Du point de vue du dirigeant de Groupe Financier Horizons, la faiblesse des ventes des cabinets indépendants ne peut que favoriser la consolidation du secteur des agents généraux.

«Avec la consolidation viennent les économies d’échelle et une offre accrue de services aux cabinets indépendants, y compris les formations spécialisées», dit James McMahon.

Cela dit, malgré certaines carences, les cabinets indépendants posséderaient un avantage de taille par rapport aux réseaux carrière. «Ce sont des entrepreneurs-nés. Ils peuvent réagir rapidement et ainsi rejoindre les besoins actuels et futurs des consommateurs», remarque Frédéric Perman.