Avec son ouvrage, il cherche maintenant à convaincre les petits investisseurs de s’y intéresser. «Dans les années 1990, c’était difficile pour un petit investisseur de mettre en oeuvre une telle stratégie. Par exemple, pour les monnaies et les ressources naturelles, on devait négocier des contrats à terme (futures)», explique John Murphy en entrevue.

Il souligne qu’à l’époque, si l’on voulait investir par secteurs, il fallait utiliser des fonds communs contraignants. Pour John Murphy, l’arrivée des fonds négociés en Bourse est une véritable «révolution» qui permet aujourd’hui aux investisseurs de toutes sortes de «faire ce qu’ils veulent.»

Colin Cieszynski, stratège chez CMC Markets, un courtier à escompte, est aussi un fervent de l’analyse inter-marchés. «Si vous ne vous intéressez pas à plusieurs marchés et aux impacts qu’ils ont les uns sur les autres, vous manquez quelque chose et le contexte de certains mouvements peut vous échapper.»

Des relations changeantes

L’or et le dollar américain ; le dollar canadien et le pétrole ; les obligations et les actions ; la liste des liens et des corrélations est longue. Mais que faire exactement de toutes ces interrelations, qui ne sont par ailleurs pas toujours stables ? Par exemple, si les ressources naturelles ont autrefois permis de prédire les hauts et les bas de la Bourse, depuis quelque temps, le pétrole et les actions montent et descendent, avec un synchronisme presque parfait.

«Le pétrole et la Bourse ne sont pas si corrélés normalement, ça dépend de la période, explique John Murphy. Historiquement, ils ne vont pas dans la même direction. À peu près chaque fin de marché haussier (à la Bourse) depuis 40 ans a été précédée par un pic dans les prix du pétrole.»

Cela s’explique par le fait qu’une hausse des prix du pétrole éveille des inquiétudes au sujet de l’inflation et qu’elle peut pousser les banques centrales à hausser les taux d’intérêt, ce qui fait ensuite chuter la Bourse.

Pour Ron Meisels, président de Phases & Cycles, une firme montréalaise de recherche et d’analyse technique, c’est en effet devenu une vérité communément admise qu’on doit acheter des obligations, puis des actions, et finalement des ressources naturelles, pour ensuite les revendre dans le même ordre.

«Ça dépend toujours de votre point de départ, souligne néanmoins Ron Meisels. C’est un beau plan, mais ça ne marche pas pour tous les cycles ! La situation qui prévalait dans les années 1980 n’est pas la même qu’aujourd’hui, alors que les taux d’intérêt sont pratiquement négatifs.»

Selon John Murphy, la peur de la déflation explique la nouvelle corrélation entre le pétrole et les actions. «Normalement, la baisse des prix du pétrole devrait être bonne pour l’économie. Mais cette fois-ci, les prix ont chuté de façon si spectaculaire que les investisseurs ont commencé à avoir peur, comme en 2008, d’une déflation.» Il pense que le pétrole a maintenant atteint son creux et qu’un rebond devrait être bénéfique pour la Bourse, notamment en raison de son effet sur l’inflation.

Ron Meisels croit par ailleurs qu’une autre relation inter-marchés est relativement atypique en ce moment. «On dit souvent que l’or et la Bourse ne peuvent pas grimper simultanément. Ce n’est pas vrai ! Il y a eu plusieurs moments où les deux sont allés dans la même direction. C’est le cas maintenant», juge-t-il.

Rotations entre secteurs

S’il existe des relations à plus long terme entre actions, obligations et ressources naturelles, il y a aussi des liens entre secteurs (à la Bourse) qui peuvent être exploités par un investisseur qui a un horizon de trois à six mois. La rotation de routine entre secteurs est cependant aussi touchée par les conditions de marché actuelles.

«La rotation entre secteurs ne fonctionne pas en ce moment, et cela dure depuis un an ou deux, prévient John Murphy. Normalement, au commencement d’une accélération économique, les titres « économiquement sensibles » (technologie, transport, industrie, petites capitalisations) sont les premiers qu’il faut acheter. Après, on peut aller vers des titres plus sensibles à l’inflation comme ceux liés aux matières premières.»

Selon la rotation traditionnelle, la montée des titres énergétiques – comme celle qui a lieu actuellement – est un signe qu’on approche d’un pic et qu’il est temps d’acheter des titres plus «défensifs» (services publics et denrées de base). La conjoncture le mène pourtant à encourager l’achat de titres plus sensibles à la croissance économique, comme les titres industriels.

Quand on lui demande si l’étude des relations entre les marchés permet vraiment de «battre les marchés», comme le titre de son livre le prétend, John Murphy répond que ce n’est pas lui qui a choisi ce titre. «Battre les marchés ? Il y en a tellement ! L’important, c’est plutôt de tenter de profiter des marchés.»