Alors que l’inflation atteignait les 6,1 % en août 2013, soit bien au-dessus des 4,5 % initialement prévus par la Reserve Bank of India (RBI), et que la croissance était d’à peine 4,4 % pour le trimestre s’étant terminé en juin, l’état de l’économie indienne en inquiétait plusieurs.

Afin de résorber la crise, le premier ministre indien Manmohan Singh a nommé, le 4 septembre dernier, l’ancien économiste en chef du Fonds monétaire international, Raghuram Rajan, à la tête de la RBI.

Raghuram Rajan est une sorte de vedette rock chez les économistes, puisqu’il avait détecté dès 2005 que le système financier était en train de changer et que tant sa modernisation que le comportement des banques augmentaient la possibilité d’une crise éventuelle.

L’ancien secrétaire américain au Trésor, Lawrence Summers, s’était alors moqué de lui en qualifiant ses propos de déraisonnables, soutenant que Raghuram Rajan avait tout simplement peur du progrès.

Or, la crise financière de 2008 s’est chargée de donner raison à Raghuram Rajan, qui à son arrivée en poste n’a pas déçu ses admirateurs. En effet, seulement 30 minutes après son entrée en fonction, soit à peine le temps de prononcer son discours inaugural, Raghuram Rajan avait rassuré les marchés et stoppé la chute de la roupie, selon Le Monde.

«Rien de ce qu’il avait dévoilé ce jour-là n’était pourtant spectaculaire : une plus grande liberté accordée aux banques pour ouvrir des agences dans le pays ou encore la création d’obligations d’État indexées sur le taux d’inflation», note le quotidien français.

La cible : l’inflation

Sa première décision importante a été de relever le taux directeur de la RBI d’un quart de point de pourcentage pour le fixer à 7,50 %.

Raghuram Rajan s’est ainsi attaqué directement à l’inflation qui, surtout dans le secteur des denrées alimentaires, faisait des ravages en Inde.

Selon le réseau CNBC, l’inflation dans ce secteur atteignait 9,5 % en juillet alors que le prix des oignons, un aliment de base utilisé par presque tous les Indiens, particulièrement par les moins fortunés, grimpait de 34 % durant cette période.

Cette hausse du taux directeur s’est ajoutée à une autre mesure mise en place depuis le mois de juillet par la RBI, soit l’augmentation des taux à court terme et le drainage des liquidités sur le marché, afin de contrôler l’inflation.

L’inflation n’est qu’un des nombreux défis que devra relever Raghuram Rajan. On retrouve aussi dans la liste de ses préoccupations la valeur de la devise indienne, qui avait chuté de 13 % et s’échangeait à 61,87 roupies pour un dollar américain en juillet dernier.

La roupie indienne souffrait alors du fait que la Réserve fédérale américaine (Fed) avait annoncé qu’elle ralentirait le rythme de son programme de rachats d’actifs.

«Les investisseurs, souhaitant bénéficier de la remontée des taux d’intérêt aux États-Unis, rapatrient massivement les sommes investies dans les pays émergents qui leur semblent présenter des fragilités structurelles», selon une dépêche récente de l’Agence France-Presse.

Dans beaucoup d’économies en difficulté, une monnaie faible permettrait d’augmenter les exportations et favoriserait ainsi la croissance économique, mais ce n’est pas le cas en Inde.

En effet, les industriels du pays sont très sensibles aux prix de certaines matières et de l’énergie qui doivent être importés. «Leurs coûts explosent lorsque la valeur de la roupie diminue, ce qui vient par ricochet exacerber l’inflation déjà importante en Inde», écrit la journaliste Jeannette Rodrigues dans les pages du numéro de novembre de Bloomberg Markets Magazine.

Malgré l’efficacité relative de ces mesures à court terme, Raghuram Rajan devra travailler avec le gouvernement central afin de mettre en place des mesures plus vastes qui pourraient remettre pour de bon l’économie indienne sur les rails.

«La vraie solution pour l’économie est de faciliter les affaires en Inde en améliorant les infrastructures, en diminuant la réglementation qui ralentit l’investissement, et en agissant pour réduire les déficits publics, souligne l’Hindustan Times. Ce sont toutes des tâches qui ne sont pas la responsabilité de la RBI, mais plutôt celle du gouvernement.»

À titre de gouverneur de la banque centrale indienne, Raghuram Rajan devra user de sa réputation et de sa popularité pour faire pression sur le gouvernement afin de l’amener à mettre en place des réformes économiques durables, et ce, même si des élections prévues en mai 2014 rendent la mise en application de telles politiques peu tentante pour le premier ministre Manmohan Singh.