Seuls l’Ordre des CPA, l’OAAQ et la CNQ se sont prévalus de ce droit. Le Barreau du Québec n’a jamais établi d’entente avec l’AMF en ce qui a trait au titre de Pl. Fin.
Les professionnels membres de ces ordres doivent passer l’examen auprès de l’Institut québécois de planification financière (IQPF), mais n’ont pas besoin de payer leur permis à l’AMF, puisque c’est leur ordre qui les encadrera.
Toutefois, depuis 2004, si le professionnel exerce dans un environnement où il se vend des produits financiers ou s’il détient d’autres permis régis par l’AMF, il doit s’enregistrer auprès du régulateur, et non auprès de son ordre. En 1999, les différents ordres professionnels encadraient 1 000 Pl. Fin. En 2012, ce chiffre avait diminué de façon importante.
À la fin de l’année dernière, la CNQ a décidé de ne pas reconduire l’entente qu’elle avait conclue avec l’AMF. Depuis le 31 mars 2013, les 100 notaires Pl. Fin., sur près de 3 900 notaires au total, doivent donc s’inscrire auprès de l’AMF.
«Nous avons décidé de reconnaître les fonctions et les responsabilités qui découlent de notre champ de compétence, soit le notariat, explique Martin Scallon, directeur des communications à la Chambre des notaires. Nous avons préféré laisser tomber les autres champs de compétence, puisqu’ils ne relèvent pas de notre responsabilité.»
Parmi la centaine de notaires concernés, la déception est visible. Paolo Cusan, notaire, planificateur financier et délégué de l’IQPF pour la région de Québec, est l’un de ceux qui critiquent la décision de la CNQ.
«Les notaires qui portent le titre de Pl. Fin. devront désormais s’inscrire à l’AMF et souscrire une assurance responsabilité en plus de celle qu’ils paient déjà à la CNQ, souligne-t-il. J’y réfléchis moi-même, puisque je paie déjà énormément d’assurance responsabilité. Les coûts supplémentaires pourraient atteindre de 1 300 à 1 400 $ par an.»
Pour ce notaire de Québec, le titre de Pl. Fin. était un outil complémentaire à sa profession : «Il m’aidait à voir ma pratique et mes clients de façon différente. Je l’ai toujours considéré comme un titre professionnel qui, par ailleurs, ne m’amenait pas nécessairement plus de clients.»
Paolo Cusan a demandé à l’AMF s’il lui serait possible d’envoyer une déclaration solennelle dans laquelle il promettrait de ne pas pratiquer la planification financière tout en conservant son titre de Pl. Fin. : «Ils m’ont répondu que si j’inscrivais mon titre quelque part, je devrais payer mon permis. Cela représente plusieurs centaines de dollars par an. D’ailleurs, ma cotisation à la Chambre des notaires ne sera pas abaissée en conséquence du fait qu’elle ne réglemente plus la planification financière.»
La Chambre des notaires s’attendait à ce qu’une minorité des notaires touchés par sa décision soient déçus : «Il s’agissait pour nous d’un phénomène marginal, mais cela ne l’était pas pour les 100 notaires concernés, indique Martin Scallon. Toutefois, la décision du conseil est justifiée, parce que nous considérons que nous n’avons pas les compétences requises pour encadrer le titre de Pl. Fin. Même si c’est un titre complémentaire, cela ne nous donne pas les compétences pour le gérer.»
Diminution chez les Adm.A.
En 1998, 450 administrateurs agréés (Adm.A.) détenaient le titre de Pl. Fin., et en 2002, ce nombre était passé à 675. Aujourd’hui, on ne retrouve plus que 75 Adm.A. qui ont le titre de Pl. Fin. sur près de 1 376 membres de l’OAAQ.
«Les Adm.A. qui étaient planificateurs financiers se sont davantage regroupés auprès de la Chambre de la sécurité financière (CSF) il y a cinq ou six ans afin d’éviter une multiplication des coûts liés à leurs divers permis. Cela m’a causé une grande déception», dit François Morency, Adm.A. et président d’AVISO, les conseillers financiers.
Contrairement aux autres ordres, l’OAAQ offre l’ensemble de la formation nécessaire en planification financière intégrée à ses membres. S’ils ne souhaitent pas repasser par l’IQPF une fois leur examen réussi, les membres Adm.A. peuvent donc effectuer leur formation continue au sein de l’ordre.
Gaétan Veillette, Pl. Fin. et Adm.A. voit de nombreux liens entre la profession de planificateur et celle d’administrateur. Cette complémentarité devrait, selon lui, assurer la survie des Adm.A. Pl. Fin.
«L’OAAQ a beaucoup contribué à l’innovation professionnelle en planification et en gestion patrimoniale. L’OAAQ continue de s’affirmer dans l’encadrement de ces champs d’expertise», estime Gaétan Veillette.
Nouvellement fusionné, l’Ordre des CPA est pour sa part en plein processus d’intégration de ses bases de données. Il lui était donc difficile de déterminer un nombre précis de CPA portant le titre de Pl. Fin. Il est toutefois certain qu’en date de janvier dernier, 53 anciens comptables agréés (CA) portaient le titre de Pl. Fin. sur un total de 35 600 membres CPA.
«Avant la fusion, en mai 2012, les CA et les CGA avaient une entente avec l’AMF en ce qui a trait au titre de Pl. Fin. Ces ententes seront reconduites pour l’Ordre des CPA, bien qu’elles ne soient pas automatiques pour les CMA. Des discussions doivent toujours avoir lieu avec l’AMF afin de déterminer ce qui sera fait pour nos membres CMA», dit Cédrick Beauregard, chargé d’affaires publiques pour l’Ordre des CPA.
Michel Lavoie, CPA, Pl. Fin. et formateur à l’IQPF, ne croit pas que les comptables qui ont le titre de planificateur financier connaîtront le même sort que les notaires : «Il faut comprendre que le conseil, surtout en ce qui a trait aux REER, est un peu le dada des comptables. À moins d’un retournement, par exemple, si l’Ordre des CPA nous demandait de nous inscrire à l’AMF, nous ne disparaîtrions pas. Personnellement, si quelque chose de semblable se produisait, je m’inscrirais à l’AMF pour conserver mon titre.»
La présidente-directrice générale de l’IQPF, Jocelyne Houle-Lesarge, refuse de prédire la mort prochaine des CPA ou des Adm.A. qui détiennent le titre de Pl. Fin. Elle pense plutôt qu’ils sont simplement plus nombreux qu’avant à passer par l’AMF afin d’obtenir leur permis, plutôt que par leur ordre professionnel.
«Je ne suis pas prête à dire qu’ils sont en voie de disparition. En 2004, l’AMF a changé ses règles et ces planificateurs financiers n’ont pas abandonné leur titre, ils sont simplement allés s’enregistrer auprès du régulateur. Il y a donc toujours autant de membres qui portent le titre de Pl. Fin., bien qu’une minorité d’entre eux relèvent exclusivement de leur ordre. C’est un titre qui est très complémentaire à leur profession de base, rappelons-le.»
D’ailleurs, l’IQPF n’a pas noté de changement dans la quantité de demandes d’équivalences venant de membres des ordres professionnels : «Nous continuons à recevoir des demandes et à voir des candidats passer l’examen d’équivalence. Il n’y a pas de diminution de ce côté-là».