Investissement responsable : encore marginal, mais...
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Fondateur de Grantham Mayo Van Otterloo, une société gérant plus de 100 milliards de dollars d’actifs, Jeremy Grantham est une célébrité dans le monde de la finance. Investisseur britannique immigré à New York il y a de cela une quarantaine d’années, il est connu à Wall Street pour annoncer les crises, mais également pour être un fervent écologiste et participer aux manifestations environnementales.

Regardé de travers pour son activisme environnemental, son dernier pari le fait définitivement passer pour un fou auprès de nombre de ses collègues. Jeremy Grantham veut consacrer presque toute sa fortune (98 %), soit environ 1 milliard de dollars, à la cause environnementale.

Si nombre d’investisseurs généreux acceptent de céder une bonne partie de leur richesse aux bonnes œuvres, peu d’entre eux abandonneraient la quasi-totalité de leur argent et encore moins de leur vivant. Jeremy Grantham avoue se sentir seul. Aux États-Unis, seuls 2% des dons philanthropiques vont aux projets « verts », selon ce que rapporte le journal Les Échos.

Sa démarche reste incomprise par nombre de ses pairs qui préfèrent miser notamment sur les valeurs technologiques. Les investisseurs ont investi 6,5 milliards de dollars dans les cleantechs l’an dernier, soit à peine 15% de ce qu’ils ont consacré aux start-up Internet.

« Ils sont à la recherche d’argent facile. Mais s’asseoir sur leur tas d’or, alors que les océans montent, ne leur permettra pas de rester au sec », déclare le milliardaire au quotidien français.

Même seul contre tous, Jeremy Grantham est sûr d’avoir raison. Appuyé par de nombreuses décisions qui l’ont sauvé par le passé de mauvais investissements, comme en l’an 2000 lorsqu’il décide de transformer le portefeuille de ses clients en une combinaison de liquide et d’obligations, l’investisseur estime encore une fois ne pas se tromper.

« Mon pari sera payant à long terme. Le risque environnemental est le seul qui a 100% de chance d’arriver. Et c’est paradoxalement le seul dont Wall Street se fiche ! Le problème est qu’on ne sait ni quand, ni où, ni comment cela se traduira. Et quelles seront les conséquences financières pour Facebook, Pfizer et les obligations chinoises », ajoute-t-il.

Miser sur le vert ou tout perdre

Véritable spéculateur dans l’âme, Jeremy Grantham pense encore avoir vu plus loin que tous les autres. Selon lui, le jour où une taxe carbone sera instaurée, la capitalisation des entreprises s’effondrera, peu importe leur secteur d’activité. Pour lui, cela ne fait aucun doute, car la valeur de la plupart des entreprises est corrélée à celle du pétrole.

Les investisseurs qui continuent de croire dans les compagnies pétrolières risquent de déchanter. Selon les prédictions du Britannique, l’argent va passer de l’ancienne économie, basée sur le pétrole, à la nouvelle économie qui se construira autour des énergies vertes. Ainsi, les gagnants seront ceux qui miseront sur les entreprises qui anticipent ce changement.

« La décarbonisation de l’économie va apporter des fortunes à ceux qui en font le pari. Un changement de paradigme est en train d’avoir lieu, peut-être l’événement économique le plus important depuis la révolution industrielle », appuie-t-il.

Lui-même parie sur le lithium et le cuivre qui vont devenir les piliers de l’économie future qu’il entrevoit. Il soutient plusieurs start-up vertes comme QuantumScape, une entreprise qui promet de révolutionner les batteries.