Ce fonds ciblera des gestionnaires de portefeuille qui ont créé leur firme ou qui souhaitent le faire et des firmes qui cherchent de nouveaux clients. Le programme leur permettra ainsi de «se bâtir un historique de rendement, de mieux comprendre le milieu et de se présenter à la communauté», ajoute Stéphane Corriveau.
Les 200 M$ seront partagés entre quatre ou cinq gestionnaires d’actif en incubation, qui les géreront pendant quatre ans en moyenne.
Le but est qu’après trois ou quatre ans, des investisseurs institutionnels qui auront suivi leur évolution veuillent leur donner directement des mandats pour qu’ils puissent voler de leurs propres ailes, d’après Stéphane Corriveau.
L’été dernier, Stéphane Corriveau et Vital Proulx, le président et chef des placements d’Hexavest et dirigeant du Chantier entrepreneuriat, ont rencontré de nombreux actuaires et responsables de la répartition d’actif de régimes de retraite.
«La difficulté pour les caisses de retraite d’évaluer les gestionnaires en émergence dans le but de leur confier des actifs à gérer est sans doute le commentaire qui nous a été le plus fréquemment fait, dit Stéphane Corriveau. En contrepartie, nous avons été agréablement surpris de constater à quel point la volonté d’engagement était présente si le modèle proposé parvenait à répondre à ce besoin.»
La politique de placement du fonds correspondra aux besoins des caisses de retraite.
«Il y a 98 % des actifs gérés au Québec qui sont basés sur des stratégies : actions et obligations à long terme seulement. On ne parle pas de fonds de couverture, mais bien d’actions basées sur l’indice S&P 500. C’est ce que le marché demande, et grâce à notre plan, nous souhaitons répondre à la demande du marché», rappelle Stéphane Corriveau.
Les caisses de retraite seront invitées à investir de 1 à 2 % de leur actif sous gestion, de manière à constituer le fonds de 200 M$. Le fonds imposera des frais de gestion comparables à ceux des gestionnaires institutionnels, estime Stéphane Corriveau.
Processus rigoureux
Pour l’administrer, Finance Montréal créera un comité indépendant d’ici février 2015, qui tiendra compte des exigences des caisses de retraite. Puis, ce comité mandatera un fournisseur de services chargé d’analyser la structure des firmes en émergence ciblées afin d’évaluer leur capacité à devenir un gestionnaire institutionnel.
Ce fournisseur déposera par la suite un rapport d’analyse auprès du comité indépendant, composé notamment d’actuaires et de membres de comités de retraite. Le comité procédera aussi à une analyse qualitative des firmes. Il se penchera sur la structure de gouvernance, sur les principes d’investissement et sur la manière dont les rendements seront présentés. Puis, une fois que le comité aura attribué les actifs, il fera les suivis sur les résultats.
Plusieurs intéressés
Les membres du Conseil des gestionnaires en émergence (CGE), une organisation qui regroupe une quarantaine de gestionnaires d’actif québécois, constituent un bassin naturel de firmes susceptibles de recevoir un mandat du fonds. Le CGE est également soutenu par Finance Montréal.
«Il s’agit d’une excellente nouvelle pour les gestionnaires émergents», affirme Philippe Hynes, président de Tonus Capital et membre du conseil d’administration du CGE.
Selon lui, l’obtention d’un actif de 40 à 50 M$ comme prévu au programme «peut permettre à un gestionnaire émergent d’atteindre et de franchir le seuil à partir duquel les investisseurs institutionnels sont prêts à investir avec lui.»
Philippe Hynes évalue à 50 M$ l’actif sous gestion moyen détenu par les gestionnaires membres du CGE. «L’actif se situe généralement entre 20 et 200 M$», dit-il.
«L’industrie de la finance de Montréal a reçu de mauvaises nouvelles depuis quelques années. Des entreprises ferment leurs portes, nous assistons à des fusions, et en fin de compte, nous perdons notre centre d’expertise. Nous croyons qu’il y a beaucoup de talent à Montréal, et nous ne voulons pas que dans dix ans, les caisses de retraite soient toutes gérées de Toronto, de Boston, de New York ou de Londres. Nous avons du potentiel à Montréal, et il faut seulement se donner des instruments pour lui permettre de se réaliser», constate Stéphane Corriveau.
Initiatives en développement
Le Chantier entrepreneuriat de Finance Montréal, qui vise à soutenir les entrepreneurs financiers, est un groupe de travail divisé en trois comités. Outre le comité chargé de trouver de l’actif à gérer, un deuxième comité est consacré au mentorat, et un troisième s’intéresse aux questions propres à la réglementation et à la conformité.
En novembre par exemple, le comité mentorat dirigé par Martin Dufresne, vice-président principal et directeur général Québec, marchés institutionnels chez Fiera Capital, a rencontré huit gestionnaires du CGE lors d’une activité de coaching.
«L’activité permettait aux gestionnaires d’obtenir une rétroaction immédiate sur la qualité d’une présentation de 30 minutes de leur firme et d’un produit, effectuée devant des acteurs du milieu», explique Michel Delisle, directeur de projets chez Finance Montréal.
«L’objectif : expliquer aux gestionnaires émergents ce que les clients institutionnels veulent voir et comprendre dans une présentation, et la manière de présenter ce message», mentionne Philippe Hynes.
Il souligne l’engagement de dirigeants de grandes firmes de gestion d’actif. «C’est intéressant de voir qu’ils sont prêts à donner un coup de main, c’est apprécié. Dans un marché en consolidation où le nombre de firmes diminue, les plus petits ne peuvent qu’en bénéficier. On ne voyait pas de telles interactions il y a tout juste un an», dit Philippe Hynes.
Le troisième comité prépare une trousse à outils qui sera disponible sur le Web, «gérée et montée par l’Autorité des marchés financiers (AMF) et qui permettra à l’entrepreneur de s’inscrire, de satisfaire ses obligations de conformité et de bénéficier d’un suivi», évoque Michel Delisle.
Cet outil, dont le lancement est prévu avant la fin du deuxième trimestre de 2015, ne visera pas seulement les membres du CGE, mais toutes les firmes.