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La pandémie et le confinement qui en a découlé a obligé nombre d’entreprises à se revirer très rapidement en s’appuyant largement sur la technologie. Si ce passage en inquiète plus d’un pour des raisons de sécurité, Francis Nadeau, PDG chez HydraLab, une société offrant des solutions blockchain pour entreprises, et cofondateur du Blockchain Hub Québec, estime qu’il était temps de se tourner davantage vers le numérique.

« Je pense que les services numériques doivent être constamment réfléchis, pandémie ou non. Chaque entreprise est toujours encline à se faire dépasser par une version plus numérique ou améliorée », confie-t-il en entrevue avec Finance et investissement.

De plus, souligne-t-il, le consommateur devrait être au centre des réflexions et si la technologie permet de leur offrir une meilleure expérience, elle devrait être davantage considérée.

Un saut trop rapide

Malgré ce besoin de se tourner davantage vers la technologie, Francis Nadeau est tout de même inquiet de la rapidité avec laquelle certaines entreprises ont fait le saut.

« Lorsqu’on fait des changements, qu’ils soient techno ou propres au modèle d’affaires, c’est important de bien réfléchir aux impacts, d’autant qu’en techno ces impacts sont parfois difficiles à prévoir », fait-il valoir.

Il estime ainsi qu’il ne faudrait jamais déployer à 100 % un nouveau service sans l’avoir d’abord testé. Il rappelle que les nouveaux services offrent des ouvertures aux cyberattaques. C’est pourquoi selon lui, il vaut mieux s’assurer que le service est entièrement fonctionnel, au lieu de devoir rebrousser chemin en raison d’un problème quelconque.

« Il faut prévoir beaucoup de scénarios, pour s’assurer que la sécurité et le service vont suivre. Par exemple, que va-t-il se passer si un client souscrit à une assurance et que la connexion tombe morte? Il est donc important de prévoir un tiers passage entre le monde classique, non connecté, et le monde numérique », martèle-t-il.

Selon lui, la sécurité est trop souvent mise de côté. « C’est moins sexy d’y réfléchir et souvent c’est plus difficile de calculer un retour sur investissement », souligne-t-il.

Deux niveaux de sécurité

Il rappelle ainsi aux entreprises qui ont dû très rapidement changer leur mode de fonctionnement en raison du confinement et passer au télétravail qu’elles doivent penser à la sécurité sur deux niveaux :

  1. À l’interne : puisque les gens sont majoritairement confinés, il y a beaucoup de télétravail. Il faut donc s’assurer que les outils qu’utilisent les employés chez eux sont sécuritaires. Des mesures de sécurité basiques peuvent être mises en place rapidement. Par exemple, on pourrait décider qu’à partir d’une telle heure, toutes les sessions sont désactivées.
  2. À l’externe : s’assurer que les moyens de communications, notamment pour les données confidentielles ou pour les rencontres avec les clients ou d’autres collègues, sont sécuritaires.

Pour innover, certaines entreprises décident également de faire affaire avec des logiciels de tierce partie. Ils vont ainsi acheter un logiciel existant sous-forme de software ou de service. Il faut alors s’assurer d’analyser la gouvernance de la tierce partie. Par exemple, si on collecte des données avec leur technologie, il est important de savoir où celles-ci sont stockées et ce qu’il se passe avec. Il est également essentiel de déterminer qu’elles seraient les conséquences dans le cas où l’entreprise externe rencontre des problèmes : notre société en serait-elle impactée?

« Il y a beaucoup de réflexion à faire. La pandémie a accéléré cette réflexion-là, mais certaines ont sûrement été minimisées », note Francis Nadeau.

La blockchain dessine un tout autre futur

Si pour le moment Francis Nadeau estime que la technologie va surtout aider les institutions financières et les courtiers en assurance en matière de communications, il note que dans le futur, la blockchain pourrait apporter de belles opportunités.

« C’est un nouveau type de base de données où on peut décentraliser du stockage », explique Francis Nadeau.

Mais des registres de type blockchain demandent un niveau de collaboration plus élevé. C’est donc plus difficile à mettre en place, car tous les participants vont devoir s’asseoir à la même table pour définir un type de gouvernance qu’ils devront ensuite tous respecter en tant que participants du registre, déclare Francis Nadeau.

Toutefois, cela permettrait d’avoir un plus haut niveau de sécurité, et cela permettrait aussi aux citoyens de savoir exactement ce qu’il adviendrait de leurs données et comment ces dernières seraient traitées, ce qui renforcerait le niveau de confiance.

Cependant, cette technologie a ses propres enjeux notamment en matière d’identité numérique. « Le plus vieux problème de l’informatique, c’est l’identité numérique, donc comment on bien parvenir à identifier qui est derrière l’appareil. On n’a pas encore solutionné ce problème », note-t-il.

De plus, il faudrait que l’identité numérique ne provienne pas d’une entreprise privée seule et ne devrait pas être monétisable. « L’identité numérique c’est comme un droit, mais c’est le fondement de tous les services numériques », précise Francis Nadeau.

« Aujourd’hui le monde numérique que l’on connaît n’est pas forcément celui qu’on va avoir lorsqu’on va avoir une id numérique vraiment fondamentale », conclut-il.