Les régulateurs canadiens ont beau accroître la transparence de l’industrie des valeurs mobilières pour favoriser une relation basée sur le conseil, leurs efforts risquent d’être affaiblis s’ils négligent de considérer un des risques qui peut en résulter : l’arbitrage réglementaire.

Cet arbitrage peut se faire de différentes façons : un conseiller qui a le droit de distribuer à la fois des valeurs mobilières et des produits bancaires ou d’assurance pourrait favoriser les derniers, puisqu’ils sont moins réglementés. Ce processus se ferait à l’insu de ses clients.

Un conseiller pourrait aussi tout simplement abandonner son permis de représentant de courtier en épargne collective pour concentrer ailleurs ses affaires et celles de son client.

Le but reste le même : miser sur les produits les moins contraignants sur le plan de la réglementation. Ce choix est susceptible de s’effectuer au détriment du client, qui risque ainsi de payer plus cher sans raison, tout en ayant accès à moins d’information pertinente permettant d’éclairer ses décisions.

Depuis plusieurs années, des analystes et des associations de l’industrie expriment cette crainte. Nous saluons l’initiative des régulateurs, qui ont commencé à la dissiper.

Dans les minutes avant de mettre sous presse, l’Autorité des marchés financiers (AMF) dévoilait, par l’intermédiaire du Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance (CCRRA), un document de consultation sur la possibilité d’harmoniser les régimes de réglementation des fonds distincts et des organismes de placement collectifs, comme les fonds communs et les fonds négociés en Bourse. On propose que les premiers divulguent, de manière analogue aux seconds, différents éléments, dont les rendements sur les produits. Le CCRRA consulte l’industrie sur le sujet jusqu’au 15 juillet.

Par ailleurs, l’écart risque de se creuser encore de manière importante si les propositions mises en avant dans l’avis consultatif 33-404 déposé en avril par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) sont implantées. Celles-ci visent entre autres à rehausser les exigences de conformité et de divulgation avant transaction (voir «Vers de nouvelles divulgations en valeurs mobilières», en une).

La mise en oeuvre de ces exigences entraînerait l’implantation d’un train de mesures réglementaires et de contrôles par les courtiers et les conseillers : gestion, atténuation et divulgation aux clients des conflits d’intérêts, divulgation accrue concernant les produits maison, exigences plus élevées en matière de convenance. Toutes ces nouvelles exigences représentent du travail et des coûts pour les firmes et les représentants.

On peut débattre du bien-fondé de ces mesures. Il est toutefois légitime de se demander si elles risquent de favoriser l’arbitrage réglementaire et toutes les conséquences qui en découlent.

Il serait injuste de passer sous silence l’effort des ACVM en matière d’arbitrage réglementaire contenu également dans l’avis 33-404 : «Si un représentant également assujetti à d’autres régimes réglementaires recommande à un client d’investir dans un produit financier autre qu’un titre, par exemple un fonds distinct, et que le client peut supposer qu’il envisageait de placer des titres, le représentant doit être en mesure de démontrer qu’il a géré le conflit découlant du fait qu’il détient deux permis».

Voilà un pas dans la bonne direction. Il reste à voir comment se ferait l’application d’un tel règlement s’il entrait en vigueur. Car, comme dit l’adage : le diable est dans les détails.

Quoi qu’il en soit, les régulateurs doivent accentuer leurs efforts afin d’atténuer et de gérer l’arbitrage réglementaire. Surtout, ils doivent travailler de pair avec leurs homologues des milieux bancaires et de l’assurance. Sinon, les problèmes qu’ils cherchent à résoudre pourraient tout simplement se déplacer ailleurs.

L’équipe de Finance et Investissement