Pour y parvenir, Sentry a mis en place un logiciel de planification de la retraite qui permet aux conseillers en placement d’optimiser ces trois facteurs. «L’idée est également d’entamer la conversation avec les clients afin de trouver des compromis acceptables entre le revenu désiré à la retraite et l’assurance que ce revenu est versé aussi longtemps que nécessaire», indique Kos Lazaridis, vice-président Produits chez Sentry.

«Nous ne cherchons pas à concurrencer la rente viagère. Nous voyons notre produit de placement comme une solution parallèle qui permet de couvrir les dépenses discrétionnaires du retraité en générant des revenus qui croîtront avec l’inflation. Ces fonds seront accessibles en tout temps et possiblement disponibles pour la succession», souligne-t-il.

Solution sur mesure

La firme de fonds communs propose deux produits, soit un portefeuille géré et une solution sur mesure. La première option qui requiert un investissement initial minimum de 100 000 $, tient compte de l’année de naissance du client, qu’on a classé en trois groupes d’âge : 1951-1955, 1946-1950 et 1941-1945. Chaque cohorte a une allocation d’actifs qui lui est propre. Avec le temps, le portefeuille devient plus prudent et vers 90 ans, on aura une répartition qui se rapproche de 20 % en actions et 80 % en revenu fixe. Le ratio de frais de gestion est de 1 % pour la série F et de 2,1 % pour la série A.

Afin d’optimiser le revenu de retraite, ces trois portefeuilles sont composés au départ d’environ un tiers d’obligations à rendement réel gouvernementales et d’un tiers d’actions mondiales. S’ajoutent à cela des obligations à rendement nominal et des titres de sociétés de secteurs mondiaux, comme des infrastructures, de l’immobilier, de l’énergie et des métaux précieux.

Chaque portefeuille offre également une option de souscription qui ne procure pas de revenu. Si on n’est pas encore à la retraite, on peut investir aujourd’hui et choisir la date à partir de laquelle on souhaite commencer à recevoir un revenu. Un client peut donc arrêter de percevoir un revenu ou le réduire pour quelque raison que ce soit.

Par ailleurs, la solution sur mesure privilégie une approche plus dynamique avec un mandat croissance réelle qui s’ajoute au mandat revenu réel du portefeuille. Il faut un capital initial de 250 000$ et plus pour accéder à cette option de placement.

Âge cible bas

«À l’aide de notre logiciel (moteur de Revenu réel Sentry), on ajuste les revenus selon les paramètres choisis par le conseiller et son client. Si on augmente le revenu initial indexé pour un même montant de capital, le niveau de confiance sera moins élevé», remarque Kos Lazaridis. Notons que la durée de la retraite est fonction d’un âge prédéterminé dans les portefeuilles gérés, soit 90 ans. Pour la solution sur mesure, Sentry utilise comme hypothèse de longévité les tables de mortalité de Statistique Canada.

«Lorsqu’on considère les normes d’hypothèses de l’Institut québécois de planification financière (IQPF), l’âge cible de 90 ans semble plutôt bas», remarque Daniel Laverdière, directeur principal planification financière et service-conseil à la Banque Nationale Gestion privée 1859.

«Pour se protéger contre le risque de survie, il faut prévoir plus que la moyenne puisque la moitié de la population pourrait encore être en vie. On recommande donc de prendre une probabilité de survie de 20-25 %. Ainsi, pour un retraité de 60-65 ans, cela signifie qu’on planifie selon une espérance de vie de 94-95 ans», souligne-t-il.

Sentry affirme dans sa publicité qu’elle investit comme les caisses de retraite. Qu’est-ce que cela signifie ? «Nous adoptons une stratégie de placement qui est axée sur le passif, c’est-à-dire sur les revenus qu’il faut générer pour le client», explique Kos Lazaridis. Cela permet donc d’apparier les flux monétaires sortants avec les revenus de placement. Et les catégories d’actifs choisies vont procurer ces flux monétaires stables, notamment les titres à rendement réel.

On donne l’exemple d’un homme de 65 ans, né en 1951, qui investit 1 million de dollars dans un portefeuille géré. Ce dernier devrait, avec un niveau de confiance de 95 %, générer un revenu initial de 42 000 $ indexé jusqu’à au moins 90 ans, voire plus longtemps. On suppose un taux d’inflation annuel de 2 %. Dans les faits, le revenu versé mensuellement aux investisseurs augmentera (ou diminuera) d’un montant égal à la variable à la hausse ou à la baisse sur douze mois de l’indice désaisonnalisé des prix à la consommation du Canada (au 30 novembre de l’année précédente), souligne Sentry dans sa brochure.

Notons que les simulations et les tests rétroactifs (backtesting) tiennent compte des frais encourus par les clients. Quant au niveau de confiance, il est déterminé selon la volatilité historique et les corrélations entre les catégories d’actifs. On souhaite procurer une probabilité de 95 % que le revenu rajusté à l’inflation dure jusqu’à 90 ans ou plus.

Différente rente viagère

Il pourrait être opportun de comparer cet exemple avec la prime d’une rente viagère pleinement indexée et ayant un revenu initial identique à ce que propose Sentry. «Ce produit d’assurance est rarement offert aux clients, car c’est beaucoup trop cher», affirme Daniel Laverdière. Ce dernier rappelle que la majorité des régimes de pension ne protègent pas contre l’inflation et quand c’est le cas, ce sera souvent une indexation partielle.

Il faut aussi souligner que le revenu de la rente viagère de l’assureur est garanti à vie. Le niveau de confiance est donc de 100 %. Bien sûr, si le client assuré décède prématurément, il aura perdu une bonne partie de la prime investie.

Dans le cas de Sentry, il n’y a aucune garantie que l’actif et les montants de rachats durent jusqu’à l’âge de 90 ans ou plus. On propose plutôt un taux de probabilité à 95 % selon 1 000 simulations de résultats potentiels sur une période donnée.

Nous avons demandé son opinion à Dan Hallett, analyste et vice-président chez HighView Financial Group. Afin de contourner la pleine indexation d’une rente viagère, ce dernier a comparé le produit de Sentry avec une rente viagère pour un homme de 65 ans qui souhaite générer un revenu mensuel indexé de 3 500 $ par mois (42 000 $ par an). «Si on ajoute une garantie de 10 ans et qu’on fait croître les revenus de 2 % par an, comme le taux d’inflation utilisé par Sentry dans ses projections, le client devra débourser environ 814 000 $. Ceci laisse donc presque 200 000 $ à l’investisseur afin de placer cet argent et laisser un héritage», souligne-t-il.

Avec ce produit, si le client décède à 76 ans et plus, la succession ne touchera plus de nouvel argent, la garantie étant échue. Le programme revenu réel de Sentry permet quant à lui de retirer son argent en tout temps sans frais de rachat.

«Toutefois, le client devra aussi débourser plus de 2 % de frais par an et les revenus ne sont pas garantis, comme c’est le cas avec une rente viagère où la compagnie d’assurance peut mutualiser les risques en les répartissant sur des milliers de clients», ajoute Dan Hallett.

Selon Kos Lazaridis, il faut également tenir compte de la fiscalité de ces solutions de retraite. Dans une rente viagère, une part de la rente est taxée comme du revenu ordinaire, ce qui peut être fiscalement moins efficient que l’impôt sur du gain en capital ou des revenus de dividende dans des comptes non enregistrés, facture fiscale qui peut être liée au programme de Sentry. «Le produit Sentry Revenu Réel verse du revenu, en s’assurant que le montant initial soit approprié peu importe le moment où le client a acheté le fonds. Les versements sont fiscalement plus efficaces que du revenu taxable», précise-t-il.

Que disent les tests rétroactifs ?

Par ailleurs, Sentry a testé sa stratégie de placement en prenant l’exemple d’un client de 70 ans qui aurait investi 1 million de dollars en 1996 et qui aurait eu 90 ans en 2015. On a utilisé les rendements historiques des différentes catégories d’actifs du portefeuille géré. On a versé à l’an un, un revenu annuel de 51 500 $ qu’on a indexé à l’inflation atteinte pendant cette période. À la fin de 2015, le portefeuille avait encore une valeur de 950 000 $. Rappelons que l’allocation en revenu fixe du portefeuille croît avec le passage du temps.

«Avec ce logiciel, on pousse donc un peu plus loin le processus en précisant dans quelles catégories d’actifs investir le capital afin de générer un revenu désiré selon des niveaux de confiance, ce qui n’est pas une mauvaise chose. Il est cependant difficile de dire si leur optimisation est efficace puisque personne ne connaît les rendements futurs», remarque Dan Hallett.

«Les rendements passés ne sont effectivement pas garants de l’avenir et des baisses de taux comme on a connu depuis une vingtaine d’années peuvent difficilement se réaliser dans les prochaines 20 années», acquiesce Daniel Laverdière. C’est pour cette raison que l’IQPF a créé les normes d’hypothèses de projection afin d’éviter qu’on se fie aux rendements historiques pour prédire l’avenir. Puisque le niveau de confiance de 95 % est lié à la volatilité historique des rendements, il est difficile de dire à quel point le revenu initial est réaliste. «Une volatilité plus élevée des rendements peut déjouer bien des scénarios», met en garde Daniel Laverdière.

Selon lui, le programme Revenu réel se compare aux fonds cycle de vie qui ajustent l’allocation en actifs et le niveau de risque en vieillissant, ce qui est sage. Le logiciel permet de mesurer l’effet des retraits sur la projection de la retraite. On aborde des thèmes importants avec les clients. «Cependant, je ne crois pas que ce produit de placement protège véritablement contre le risque de longévité et l’inflation. Seule une rente viagère indexée peut tenir une telle promesse», croit-il.

«On a tort de penser qu’on peut régler le problème de la retraite avec la répartition d’actifs. La seule manière de contrôler l’épuisement du capital du portefeuille, c’est d’être plus modeste dans la cadence de nos retraits, quitte à se réajuster si notre situation financière s’améliore», conclut Daniel Laverdière.