En effet, cette performance est en grande partie due à la baisse de 62 points de base du rendement des obligations fédérales de dix ans (Canada 10 ans) au cours de cette période.

Ceci a poussé à la hausse le prix des obligations, puisque les rendements des obligations évoluent de façon inverse aux prix des obligations.

Le renversement de cette tendance pourrait résulter en un rendement de l’indice légèrement négatif sur un horizon de 12 mois.

Rappelons que le rendement des Canada 10 ans est passé de 1,7 % le 30 avril 2013 à 2,82 % le 10 septembre 2013, en raison de l’annonce du retrait du programme d’achat d’obligations de la Réserve fédérale des États-Unis (Fed). Le taux oscillait autour de 1,93 % le 16 octobre dernier, après avoir atteint un creux de 1,91 % le 15 octobre.

Et ce, malgré une recrudescence de l’inflation, qui est passée de 1,24 % en décembre 2013 à 2,1 % en août dernier. De sorte que le rendement réel après inflation des Canada 10 ans est presque nul.

Pour l’heure, la tendance des taux d’intérêt au Canada reste tributaire de la situation économique et géopolitique en Europe. Or, l’annonce au début de septembre par la Banque centrale européenne (BCE) qu’elle abaissait son taux directeur à 0,05 % et qu’elle continuerait d’acheter massivement des actifs a renversé la chute des taux des obligations de dix ans.

Hausse des taux à court terme

«Ces interventions musclées de la BCE devraient toutefois aider à assurer une reprise se traduisant d’abord par une stabilisation, et ensuite par une augmentation graduelle des taux des obligations gouvernementales de dix ans d’ici la fin de l’année, en Europe comme en Amérique du Nord. Les Canada 10 ans pourraient augmenter de 20 à 30 points de base d’ici la fin de l’année», prévoit Steve Locke, gestionnaire principal du Fonds canadien d’obligations Mackenzie.

Celui-ci ne croit cependant pas que la hausse se poursuivra de manière soutenue par la suite. Pour cela, il faudrait une reprise économique beaucoup plus soutenue que celle à laquelle il s’attend dans plusieurs régions du globe. Il faudrait de plus une inflation plus élevée qu’elle ne l’est en ce moment.

En 2015, une hausse du taux directeur de la Fed pourrait se répercuter en une hausse des rendements des obligations, mais surtout sur celles de 3 à 5 ans.

Les taux des obligations du Trésor américain de dix ans devraient donc osciller entre 1,75 % et 3 % au cours des 12 prochains mois, selon Steve Locke.

Le rendement des Canada 10 ans demeurerait inférieur d’environ 30 points de base à celui des obligations du Trésor américain de même échéance, une indication de la préférence des investisseurs étrangers pour nos titres cotés AAA, explique Steve Locke.

«Nous demeurerons dans un environnement de faibles taux d’intérêt au cours des cinq prochaines années, peut-être plus longtemps. Il reste beaucoup à faire pour effacer les traces de la crise du crédit de 2008-2009», indique Steve Locke.

Pas de hausse rapide des taux

Lorsqu’il recommencera à monter, le taux directeur de la Fed n’atteindra pas son sommet de 5,25 % de 2006, anticipe-t-il.

«Je ne prévois pas de hausse rapide des taux et si cela était, il est fort probable que les banques centrales feront ce qu’elles ont fait en 2013 lorsque les taux sont montés en flèche : elles répéteront sur toutes les tribunes qu’elles sont mal à l’aise avec des taux si élevés», avance-t-il.

Steve Locke rappelle que la Fed avait alors tracé la limite sur les obligations du Trésor de dix ans à 3 %, en montrant comment l’économie ralentirait si la hausse se maintenait. La preuve étant qu’au moment même où le taux atteignait 3 % en septembre, les montants de refinancement hypothécaire chutaient de façon très marquée, ce qui freinait l’activité économique. Il admet que sous la gouverne de Janet Yellen, il est possible que la Fed tolère un taux légèrement supérieur à 3 %.

En raison d’une duration oscillant autour de 6,6 ans, le portefeuille surpondère habituellement les obligations de sociétés, qui comptaient récemment pour 43,3 % du fonds.

Une question d’embellie

Une embellie des conditions économiques en Amérique du Nord sera à terme le facteur principal qui déterminera l’évolution du taux des obligations, affirme Jean-Guy Mérette, cogestionnaire du Fonds d’obligations Banque Nationale.

«Le taux d’intérêt des Canada 10 ans reviendra au début de 2015 à son niveau de la fin de 2013, soit 2,76 %. Tous les indicateurs économiques sont en hausse. Le PIB a augmenté de 4,2 % au deuxième trimestre aux États-Unis, et l’indice manufacturier ISM est à son plus haut niveau depuis le début de 2011. Les taux actuels ne reflètent pas le dynamisme de l’économie nord-américaine», dit-il.

Il est tout de même possible que la hausse de taux stoppe avant d’atteindre 2,75 %, selon lui.

Le potentiel de croissance économique du Canada, qui oscillait entre 3 et 4 % au cours des 20 dernières années, pourrait avoir été ramené à un taux de 2 à 3 % en raison de facteurs structurels, notamment la démographie.

Cela pourrait abaisser la structure de taux nécessaire pour équilibrer cette croissance. Les taux d’intérêt à long terme devraient être près du taux de croissance du PIB, suggère-t-il.

Répercussion de la situation en Europe

Malgré cela, l’engouement pour les obligations nord-américaines (et donc la hausse de leur prix) s’explique du fait que leurs taux restent intéressants quand on les compare aux taux des obligations allemandes ou françaises de dix ans, qui atteignaient récemment des creux de 0,88 et 1,24 %, respectivement.

«Plusieurs investisseurs internationaux ont donc été poussés depuis le début de l’année à investir dans des économies qui fonctionnent et qui affichent des taux d’intérêt plus élevés», raisonne Jean-Guy Mérette.

Grâce à une duration moyenne d’environ 6,65 ans, par rapport à 7,2 ans pour l’Univers Obligataire FTSE TMX Canada, le fonds favorise les obligations de sociétés au détriment des obligations du Canada, avec des pondérations de 40,93 % et de 23,42 %, respectivement.

Remontée en vue

L’incertitude économique et géopolitique qui perdure en Europe force Terry Carr, gestionnaire du Fonds d’obligations canadiennes Plus Manuvie depuis avril dernier, à abaisser de 50 points de base sa prévision sur le taux des Canada 10 ans, mais ce taux devrait tout de même remonter à 2,4 % vers la fin de 2014 et osciller entre 3 et 3,25 % dans un an.

Cela se traduira par des rendements négatifs des obligations de qualité (Investment grade) et légèrement positifs des obligations à rendement élevé (ORÉ). Le terme «Plus» dans l’appellation du fonds sert justement à indiquer la présence d’ORÉ dans ce fonds.

«Si la vigueur de l’économie américaine persiste, les taux d’intérêt se remettront graduellement à refléter cette réalité plutôt que la conjoncture étrangère, ce qui se traduira par une liquidation (sell-off) dans le marché obligataire. Le brusque revirement à la hausse des taux du début de septembre en donne un avant-goût», prévient Terry Carr.

Le scénario de base qu’il envisage est que la croissance économique se poursuivra, mais sur une plus basse trajectoire, alors que l’impact des diverses crises se fera sentir.

Le tout se traduira par des échanges commerciaux moindres, plus de sanctions et de contre-sanctions, peut-être même un impact sur certaines banques et sociétés exposées à la Russie, autrement dit, par une série de facteurs qui réduiront quelque peu la croissance américaine, sans qu’elle s’affaisse pour autant. Le Canada bénéficiera de cette croissance.

Terry Carr admet cependant qu’il y a une chance sur trois pour que ce scénario ne se concrétise pas et que l’économie américaine affiche une croissance faible, et que les taux tant canadiens qu’américains soient moins élevés.

Tournant à venir

«Les 12 prochains mois pourraient marquer un tournant : si les économies mondiales se normalisent, les obligations de qualité auront une année difficile, mais les ORÉ produiront quand même un rendement positif, parce que les actions se porteront bien et que les taux d’intérêt n’augmenteront que modérément», relate Terry Carr.

«La plupart de nos ORÉ, qui comptent pour environ 22,5 % du portefeuille, offrent un rendement courant qui oscille entre 5 et 6 %, et leur durée est relativement courte, soit de 4 et 5 ans. Leur présence dans le fonds explique que la duration de notre portefeuille oscille autour de 6,1 ans», ajoute-t-il.

Avec un écart de rendement de 435 points de base avec les obligations du Trésor américain de 5 ans, les ORÉ seraient à leur juste valeur, selon lui, mais elles restent de bons placements, car les bénéfices des sociétés sont élevés et le taux de défaillance de ces titres demeure sous les 2 %.

«En raison du rendement plus élevé de nos ORÉ, le rendement courant du portefeuille est de 3,5 %, par rapport à 2,3 % pour le marché obligataire dans son ensemble. Si notre scénario de base se réalise, ce rendement additionnel devrait nous permettre de dégager un rendement total nul ou légèrement positif», estime Terry Carr.