Selon la firme d’information financière Lipper, ce sont plus de 50 G$ US qui ont été déplacés dans des fonds ciblant ces prêts aux États-Unis depuis le début de l’année. Il s’agit d’une hausse de plus de 60 % de l’actif, selon Bank of America.

De sorte que désormais, plus de 20 % de ces prêts sont détenus par ces fonds, un niveau qui pourrait contribuer à des fluctuations plus importantes du prix de ces prêts, selon Bloomberg.

«Le marché des prêts prioritaires dépasse un billion de dollars», précise Anthony Imbesi, cogestionnaire du Fonds de revenu à taux variable Trimark. Lancé en janvier 2005, ce fonds a été le premier de ce genre au Canada.

Outre leur rendement élevé, leur attrait tient à ce que le taux d’intérêt sur ces prêts est ajusté tous les 30 à 90 jours en fonction d’un écart convenu avec un taux de base bancaire reconnu, souvent le taux interbancaire offert à Londres (Libor).

Si ce taux augmente, les rendements de ces titres augmentent. À l’inverse, si les taux d’intérêt baissent, le rendement des prêts à taux flottant baisse.

La duration d’un portefeuille de prêts à taux variable est donc très courte, souvent inférieure à six mois, limitant ainsi l’impact des variations de taux d’intérêt sur sa valeur. Cependant, la protection du capital que les fonds de revenu à taux variable font miroiter aux investisseurs est-elle un mirage ?

Protection du capital

«On dit de ces prêts qu’ils sont prioritaires (senior loans) parce que, habituellement, ils sont garantis par des biens précis de la société émettrice, comme des hypothèques sur des propriétés, des immeubles, des équipements, de la machinerie, en fonction de ses activités, explique Anthony Imbesi. Ils ont priorité de rang sur la plupart des autres titres de la société émettrice.»

Par conséquent, en cas de liquidation d’une entreprise en faillite, les biens qui garantissent le prêt seraient vendus pour rembourser les prêteurs avant les détenteurs d’obligations et d’actions privilégiées, d’après lui.

«Les prêteurs ont aussi priorité lorsque vient le moment de dicter les termes d’une restructuration en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Historiquement, dans le cas de faillites, les prêts prioritaires ont recouvré en moyenne 70 % de leur valeur au pair, par rapport à 44 % seulement pour les obligations à haut rendement», affirme Anthony Imbesi.

Les rendements un peu inférieurs aux obligations à rendement élevé (ORE) qu’affichent ces prêts sont le reflet de la note de crédit spéculative des sociétés qui les contractent, assimilable à celle des ORE.

Un bref survol des FNB américains qui ciblent ces prêts montre qu’environ 90 % de ces derniers ont une note de crédit BB et B, souvent en proportion semblable.

«Ces prêts affichent un risque de crédit un peu moins élevé que des ORE en raison de leur priorité et de leur risque de taux moindre, car leur durée est plus courte», convient Anthony Imbesi, qui estime que de 5 à 20 % des titres à revenu peuvent être alloués aux prêts et aux ORE.

Il évalue que les prêts offrent actuellement un meilleur profil risque-rendement que les ORE.

«Je m’attends à ce que ces fonds protègent les investisseurs contre les hausses de taux d’intérêt. Mais les investisseurs séduits par ces placements devraient être conscients du fait que ceux-ci leur font courir un risque de crédit important», prévient Dan Hallett, vice-président et directeur, Gestion d’actifs, chez HighView Financial Group.

Ce risque est plus apparent durant les crises financières, lorsqu’un déséquilibre entre l’offre et la demande pour ces prêts a pour effet de faire fondre leur valeur.

Ainsi, d’après les données Paltrak de Morningstar Canada, les versions en dollars américains du fonds Trimark cité précédemment et du Fonds de revenu à taux variable BMO – Conseiller ont généré en 2008 une perte de 42,1 % et 58,1 %, respectivement, alors que la crise financière atteignait son paroxysme.

Certes, les deux fonds ont rebondi respectivement de 54,4 % et 77 % en 2009, toujours selon Paltrak. Malgré cela, le fonds BMO n’a dégagé qu’un rendement annualisé de 1,7 % pour la période de cinq ans terminée au 30 septembre dernier, et de 0,1 % sur sept ans.

«Ces circonstances étaient exceptionnelles. Avant cela, lors de récessions normales, il n’y avait eu que des rendements de – 1 %, au pire, alors que la baisse de valeur de 6 à 7 % de ces prêts était presque compensée par les revenus d’intérêt. Mais en cas de récession massive ou de ventes massives des FNB qui détiennent ces prêts, ces titres peuvent être sérieusement touchés», reconnaît Anthony Imbesi.

Complexes

«S’il est vrai que la plupart de ces prêts sont adossés à des actifs, ce n’est pas toujours le cas et il faut vraiment connaître les clauses restrictives (covenants) qui y sont rattachées. Lorsque vous achetez un fonds, vous n’avez pas accès à cette recherche ; vous pouvez tout au plus vérifier la cote de crédit moyenne des prêts», souligne Dave Paterson, président de Paterson and Associates, une firme de consultants spécialisée dans la recherche et l’analyse de fonds.

Ces produits sont plus complexes qu’on veut vous le laisser croire, d’après Dave Paterson : «Plus vous donnez de détails, plus ils sont difficiles à mettre en marché auprès de l’investisseur moyen.»

«Le fait qu’une notation de « risque moyen » est accolée à un fonds qui vous fait perdre la moitié de votre argent et qui prend au moins cinq ans pour se rétablir est un échec général du système de notation de risque acceptée dans l’industrie. En ne se basant que sur l’historique des trois dernières années, le nouveau Fonds de revenu à taux variable O’Leary accole à ce fonds une notation de risque « faible »», déplore Dan Hallett.

C’est un cran au-dessus de la notation de risque «très faible» accordée en général aux fonds de marché monétaire, alors que les prêts prioritaires sont les cousins des ORE.

«Ce ne sont PAS des fonds de marché monétaire. Vous devez être prêt à accepter qu’une chute de 40 ou 50 % puisse se reproduire quand vous achetez ces fonds. C’est en les traitant comme des ORE qu’on devrait envisager d’inclure ces prêts dans un portefeuille diversifié de titres à revenu, dont ils ne sauraient en aucun cas constituer le noyau. Ils ne devraient pas être vendus à des clients réticents à prendre des risques. Ils peuvent représenter 5 % de portefeuilles équilibrés ou de croissance», suggère-t-il.