Le vulgarisateur
Martin Laprise

Le planificateur financier (Pl. Fin), «qui relève actuellement de l’Autorité des marchés financiers (AMF), se qualifie de professionnel, alors que c’est un titre d’emprunt, ce n’est pas un titre légalement reconnu. Si l’on veut être un vrai professionnel, il faut relever du Code des professions.»

Pour y parvenir, Gaétan Veillette estime qu’il vaut mieux positionner le rôle du Pl. Fin. «Si on ne l’élargit pas, si le dossier est cheminé tel quel, il n’y a aucun espoir que le législateur acquiesce à la requête et il serait déraisonnable de s’attendre à un encadrement éventuel par le système professionnel. La seule voie d’ouverture consiste à utiliser la porte du volet patrimonial [de l’OAAQ].»

Rappelons qu’en 2008, l’Office des professions du Québec recommandait de ne pas créer d’ordre des Pl. Fin. Gaétan Veillette n’en est pas à sa première divergence de vision avec l’IQPF, qui estime que le titre de planificateur financier doit malgré tout être retiré de l’encadrement découlant de la Loi sur la distribution de produits et services financiers afin de créer un ordre.

Gaétan Veillette, qui est aussi représentant en épargne collective et conseiller en sécurité financière chez Groupe Investors, a été impliqué en 2002-2003 dans les négociations avec le gouvernement du Québec sur le projet de loi 107 portant sur la révision de l’encadrement du secteur financier, alors qu’il présidait le secteur Planification financière de l’OAAQ.

Surtout, Gaétan Veillette a été le fer de lance du repositionnement de l’OAAQ relativement à la planification financière vers l’administration patrimoniale, destiné à «enrichir le modèle de pratique généralement reconnu du planificateur financier (Pl. Fin.) en lui permettant, par exemple, de prendre des rôles de fiduciaire liquidateur, administrateur de biens d’autrui, séquestre nommé par la Cour».

«Ça a été l’une des oeuvres de vie de ma carrière», dit-il. La démarche a mené, en 2004, à la mise en vigueur d’un programme de formation de l’OAAQ menant au titre de Gestionnaire de patrimoine privé (GPP), titre reçu par une première cohorte de plus de 110 membres Adm.A. Pl. Fin.

L’OAAQ a administré le titre GPP jusqu’en 2006, soit jusqu’au moment où l’Office des professions du Québec lui a demandé «de ne plus utiliser d’acronymes non enchâssés dans le Code des professions, afin de ne pas semer de confusion dans le public», selon l’explication fournie à cette époque par Denise Brosseau, alors directrice générale de l’OAAQ, lors d’un entretien avec Finance et Investissement.

Parallèlement, en mai 2006, l’AMF proposait d’ajouter le titre de GPP à la liste des titres similaires à celui de planificateur financier et qui «ne peuvent donc être utilisé par quiconque». Ce règlement, qui a sonné le glas du titre de GPP, est entré en vigueur le 30 août 2007.

L’abandon du titre GPP «fut une grande déception» pour Gaétan Veillette, mais se révèle aujourd’hui comme une occasion, estime-t-il.

«Il y avait à l’époque un mouvement pour créer un ordre professionnel exclusif aux planificateurs financiers, et de notre côté, nous arrivions en parallèle avec un programme comportant un nouveau titre, évoque-t-il. Ce qui est toutefois formidable, c’est que malgré l’abandon du titre, le programme en administration patrimoniale a subsisté. Il est encore bien actif et je pense qu’il a un beau potentiel de développement».

De formateur à conseiller

Natif de Sainte-Thècle, en Mauricie, Gaétan Veillette grandit sur une ferme laitière au sein d’une famille qui comptait 11 enfants. Après avoir obtenu son baccalauréat en administration des affaires à l’Université du Québec à Trois-Rivières, il amorce en 1980 une carrière de formateur. D’abord chez Dale Carnegie, puis à compter de 1982 au sein de la firme Perform.

«La formation est une passion pour moi, tout comme la relation d’aide. J’aime documenter», dit-il.

Chez Dale Carnegie, Gaétan Veillette fait la connaissance de Laurent Wermenlinger et de son épouse. Celui-ci est alors directeur régional chez Groupe Investors. Gaétan Veillette devient, à cette époque, un client du Groupe Investors et se familiarise avec leurs concepts d’épargne et d’investissement. Il entre dans l’organisation en août 1990 et le 1er janvier 1992, il devient directeur de division au bureau de Montréal / Centre-ville.

«Laurent m’a incité à venir chez Groupe Investors. Il est aussi celui qui m’a incité à devenir membre de l’OAAQ», évoque-t-il.

Gaétan Veillette figure parmi les membres de l’OAAQ à compter de 1992. Il s’implique aussitôt auprès du comité de travail du secteur Planification financière (P.F.) et occupe au fil des ans plusieurs fonctions officielles qui l’amèneront à s’engager dans de grands dossiers. Il est notamment le principal concepteur et coordonnateur du comité de rédaction de la première édition du Guide des meilleures pratiques en gestion de patrimoine privé, publié en 2004 par l’OAAQ.

À la même époque, il fait partie de la première cohorte d’étudiants diplômés du programme de l’IQPF. Impliqué également auprès de l’IQPF, Gaétan Veillette siègera à son conseil d’administration de 1998 à 2000. Il contribue aussi activement à la révision du règlement de base de l’IQPF et à l’établissement de ses normes de formation de base et continue.

«J’étais à la fois vice-président communication du secteur P.F. à l’OAAQ et membre du conseil d’administration de l’IQPF. Il s’agissait de deux fonctions qui se combinaient très bien, qui demandaient beaucoup de diplomatie, mais qui me permettaient de faire le lien entre les deux organismes», analyse-t-il.

Concernant son implication auprès de l’IQPF, Gaétan Veillette évoque une participation intensive avec de bons collègues, qui a été très enrichissante. «Je pense avoir fait un apport considérable, mais lorsqu’on est bénévole, on ne peut pas s’impliquer partout et je me suis finalement concentré du côté de l’OAAQ. Je percevais que l’administration patrimoniale était en émergence et qu’il s’agissait d’une voie distincte permettant d’enrichir le rôle du planificateur financier.»

Gaétan Veillette est d’avis que la force d’une société est basée sur la qualité de ses référentiels. La documentation en planification financière de l’IQPF diffusée sur Internet constitue un excellent référentiel, cite-t-il en exemple. Son grand souhait est d’ailleurs de rendre public le référentiel de l’OAAQ en administration patrimoniale. Une demande de subvention a été déposée à cet effet auprès de l’AMF dans le cadre du Fonds pour l’éducation et la saine gouvernance.

D’un point de vue personnel, Gaétan Veillette, qui est un grand amateur d’histoire régionale, considère Wikipédia comme la plus grande encyclopédie du monde, au point d’en être devenu contributeur. Au 17 octobre 2016, selon les statistiques du site, Gaétan Veillette a effectué plus de 32 000 contributions, y compris la création de 1 474 articles en français, notamment sur les cours d’eau du Québec.

Gaétan Veillette confesse investir un minimum de 20 heures par semaine sur Wikipédia. «C’est un beau loisir et c’est constructif. Mon objectif principal consiste à enrichir le contenu québécois. C’est une grande cause que j’embrasse et que je compte bien soutenir une fois à la retraite.»

Miser sur le conseil

Après différents mandats au sein de plusieurs bureaux du Groupe Investors, notamment comme directeur régional, Gaétan Veillette en est aujourd’hui à sa 27e année au sein de l’entreprise.

Établis au bureau régional de Brossard, son équipe et lui gèrent une clientèle d’environ 685 clients en fonds communs de placement (FCP), avec un actif sous gestion en FCP de 48 M$ au 30 septembre 2016, auxquels s’ajoutent des fonds distincts, un portefeuille de police d’assurance, des prêts hypothécaires, des programmes collectifs, notamment pour les PME, et plusieurs autres produits du Groupe Investors.

La pratique de Gaétan Veillette se distingue par la planification de type patrimonial qu’il fait pour ses clients. «À l’aide d’un logiciel interne, je produis des rapports en planification financière très articulés, qui sont de véritables plans de vol permettant d’évaluer, par exemple, quel sera le patrimoine net d’un client à 90 ans selon différents scénarios».

Selon lui, au-delà de la gamme de produits financiers offerts, un bon conseiller doit miser sur les services-conseils et faire équipe avec ses clients et l’équipe de professionnels qui les entoure. De même, ses clients devraient tous avoir des plans financiers. Il affirme en avoir «fait au moins 1 000» pour ses clients dans les dernières années.

Gaétan Veillette estime que l’intention annoncée par le Groupe Investors de mettre un terme à l’option d’achat avec frais d’acquisition reportés pour ses FCP à compter du 1er janvier 2017 constitue «un excellent repositionnement corporatif qui fera plaisir aux clients et entraînera beaucoup plus de possibilités».

Selon lui, cette décision reflète bien l’évolution du marché et celle du Groupe Investors, qui mise aujourd’hui sur le service-conseil.

«Alors que notre institution s’adressait au consommateur ordinaire, nous avons développé une expertise pour les clients à valeur élevée. Il s’agit d’une très belle vision et je suis impressionné par ce repositionnement dont la plus-value repose notamment sur l’objectif d’amener tous nos conseillers à être Pl. Fin. dans les cinq premières années qui suivent leur entrée en carrière», témoigne Gaétan Veillette.

Il est aussi d’avis que le conseiller de l’avenir devra davantage connaître les technos. «Je vise le bureau sans papier le plus possible. Les dossiers de ma clientèle de base se répartissaient sur neuf classeurs et je n’ai plus que deux tiroirs».

Si la numérisation modifiera l’environnement des conseillers, le développement des transactions électroniques aussi, avance-t-il : «Lorsque les clients signeront directement sur l’écran, qu’ils participeront par Internet à la conception de leur dossier, ce sera une innovation considérable.»

Ce dont rêve surtout Gaétan Veillette, c’est d’en arriver au point où son logiciel de gestion de patrimoine sera interconnecté à Revenu Québec, à l’Agence du revenu du Canada, à Retraite Québec, à Service Canada, et aux différents fonds de pension, «pour qu’on soit vraiment capable de pratiquer l’administration patrimoniale avec les bonnes informations, parce que parfois le client croit connaître son droit de cotisation au REER, par exemple, mais ne se réfère pas toujours à son avis de cotisation».