Le taux d'épargne serait sous-estimé

«Ce taux ne baisse pas, il est plutôt en hausse», affirme Malcolm Hamilton dans son étude «Do Canadians Save Too Little» (http://bit.ly/2dJiz9C).

D’après le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), les Québécois épargnent peu. Beaucoup moins même que le taux d’épargne de 10 % du revenu disponible, souvent fixé comme le minimum à atteindre.

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Selon une étude publiée par l’organisme, les Québécois épargneraient 717 $ par an sur un revenu disponible (après impôts et autres cotisations) de 26 774 $ par habitant, soit un taux d’épargne de 2,7 % (données de 2013). En Ontario, l’épargne s’élève à 1 398 $ sur un revenu disponible de 30 401 $, un taux d’épargne de 4,6 % (http://bit.ly/1BNKgoR).

Ces données étonnent d’autant plus qu’en 1981, le taux d’épargne chez les ménages québécois s’établissait à 15 %, par rapport à 20 % chez les ménages ontariens.

Calculs faussés

David Truong, conseiller principal en planification financière de Banque Nationale Gestion privée 1859, atteste de la baisse du taux d’épargne. Il renvoie aux indicateurs économiques de Statistique Canada, qui révèlent que le taux d’épargne canadien serait maintenant de 4,2 %, par rapport à 5,2 % un an auparavant.

Dans les faits, le taux d’épargne est peut-être sous-estimé si on l’établit selon la simple méthode des comptes nationaux (revenus disponibles des ménages moins les dépenses de consommation).

David Truong cite ainsi une étude du ministère des Finances du Canada publiée en 2009 : «En 2007, les Canadiens et leurs employeurs ont versé 76 G$ à des régimes de pension. Cela représente presque 8,5 % du revenu disponible, et environ 10,8 % des revenus déclarés à l’impôt», écrit l’auteur Keith Horner, qui est maintenant consultant (http://bit.ly/2eGlK24).

«Il est faux de considérer les cotisations aux régimes publics comme une dépense dans le calcul du revenu, mais c’est pourtant ce que l’on fait dans nos déclarations de revenus», explique David Truong.

Keith Horner soulève un autre point. «Les biens de consommation durables sont traités comme des dépenses. Sur le plan économique, toutefois, ils représentent des achats d’actifs qui rendront des services pendant plusieurs années et devraient être considérés principalement comme de l’épargne», précise l’auteur.

David Truong admet que ce point de vue a du vrai. «Les clients en début de vie active accumulent des actifs immobiliers, par exemple, qui représenteront éventuellement de l’argent disponible qu’ils pourront utiliser pour la retraite», observe-t-il.

Toutefois, le planificateur financier ne recommande pas de tout miser sur la valeur de son patrimoine immobilier, car il faut quand même se loger une fois à la retraite.

L’effet des gains en capital

De plus, Keith Horner juge que le taux d’épargne devrait tenir compte des gains en capital (pensons à la hausse récente de l’immobilier).

D’ailleurs, l’accroissement de la valeur des actifs d’un ménage (de son REER, par exemple) réduit le taux d’épargne, car il est considéré par Statistique Canada comme un revenu.

Ainsi, le ménage qui épargne 5 000 $ sur un revenu disponible de 50 000 $ aurait un taux d’épargne de 10 %. Toutefois, si la valeur de ses actifs augmente de 50 000 $, son taux d’épargne passera à 5 % (5 000 $ d’épargne divisés par son revenu de 50 000 $, plus le gain en capital de 50 000 $, soit 100 000 $, pour un taux d’épargne de 5 %).

C’est pourquoi Malcolm Hamilton et Keith Horner prêchent en faveur de l’utilisation du taux d’épargne fondé sur la variation de l’avoir net du secteur des particuliers (qui considère les gains en capital comme une épargne).

«À long terme, le taux d’épargne basé sur la variation de l’avoir net du secteur des particuliers est plus élevé que celui qui repose sur les comptes nationaux», précise Keith Horner.

Malcolm Hamilton constate une autre lacune dans le calcul du taux d’épargne traditionnel. «Dans le calcul de l’épargne, les retraits effectués dans les régimes de pension agréés et les REER sont déduits des cotisations versées aux mêmes régimes par la population active, observe-t-il. Pourtant, ces sommes sont faites justement pour être versées à la retraite», clame-t-il.

L’actuaire fait remarquer dans son étude qu’une société ayant une population vieillissante verra forcément son taux d’épargne diminuer s’il est calculé selon la méthode traditionnelle, car les retraits des personnes à la retraite viendront réduire les épargnes des travailleurs toujours actifs dans le calcul du taux.

Des retraités à l’aise

Malcolm Hamilton utilise également une autre série de données pour illustrer son point de vue.

Selon une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le revenu des retraités canadiens après impôts et programmes sociaux représente 91 % de celui des ménages canadiens toujours actifs (http://bit.ly/2fcq4YR).

Puisque les ménages en âge de travailler épargnent pour la retraite et effectuent des paiements hypothécaires, cela signifie que les retraités vivent mieux que la population active, malgré les affirmations selon lesquelles les Canadiens n’épargnent pas assez.

«Je ne me souviens pas d’une période où on a prétendu que les Canadiens épargnaient suffisamment», dit avec sarcasme Malcolm Hamilton.

L’auteur de l’étude de l’OCDE, Edward Whitehouse, mentionne que «les revenus moyens des personnes âgées par rapport à ceux de la population dans son ensemble sont relativement élevés. La pauvreté chez les personnes âgées est assez rare, si l’on compare le pays aux autres membres de l’OCDE et à la situation de la population en âge de travailler au Canada».

Quant à la viabilité financière à long terme du système de retraite canadien, l’étude constate que le Canada se compare avantageusement à la moyenne des 30 pays de l’OCDE en ce qui concerne le pourcentage des dépenses publiques consacrées aux pensions par rapport au PIB.

De plus, l’enquête sur la sécurité financière de Statistique Canada montre que les Canadiens ont doublé leur valeur nette à 8 000 G$ entre 1999 et 2012. Par ménage, la valeur est donc passée de 368 000 $ à 646 000 $.

De plus, le compte satellite des pensions (actifs de retraite selon la valeur marchande, par catégorie de régime) démontre que les actifs de pension ont crû de 500 G$ (1,5 fois les revenus d’emploi) de la fin de 1990 à 2 600 G$ (3,2 fois les revenus d’emploi) à la fin de 2012.

La croissance de ces actifs s’est d’ailleurs poursuivie, puisqu’à la fin de 2014, ils totalisaient 3 300 G$, en hausse de 27 % en deux ans.