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L’IPFI estime que la décision d’investisseur institutionnel de quitter des secteurs épineux comme le tabac et les hydrocarbures est avant tout de nature politique. Ce faisant, les caisses de retraite manqueraient à leur «devoir fiduciaire» vis-à-vis de leurs cotisants.

«Bien que le personnel de CalPERS ait encouragé le conseil d’administration à mettre fin à sa stratégie de désinvestissement, le conseil a voté en 2016 la reconduction de cette orientation d’investissement ESG pour des raisons politiques», signale l’IPFI

L’IPFI a été créé par Christopher Burnham, ex-vice-président de PIMCO, ex-secrétaire au Trésor de l’état du Connecticut et ex-secrétaire général adjoint à la gestion de l’ONU. Il est actuellement à la tête de Cambridge Global Capital, une firme d’investissement située en Virginie.

La mission de base

Jacques Lussier est président et chef des placements d’Ipsol Capital, une firme de placement s’adressant aux investisseurs individuels et institutionnels.

Il explique qu’il existe deux approches vis-à-vis des secteurs qui engendrent des questionnements moraux ou éthiques : l’exclusion ou la limitation des investissements réservés aux «meilleurs de classe» de façon à renforcer leur poids et à récompenser leurs bonnes pratiques.

En principe, certains secteurs comme les hydrocarbures se prêtent aux investissements sélectifs dans les firmes ayant les meilleures pratiques. «Avec les compagnies de tabac, ce n’est à peu près pas possible. Ce secteur est très concentré et le produit est à peu près le même d’une compagnie à l’autre», dit Jacques Lussier.

Les régimes de retraite devraient-ils donc, pour des raisons éthiques ou morales, quitter ce genre de secteur où il n’y a pas de meilleurs de classe ?

«La question se pose dans le cas d’organismes voués à la santé et au bien-être de la population, comme les caisses de retraite d’hôpitaux ou de chaînes de pharmacies», dit le coauteur du livre Rational Investing: The Subtleties of Asset Management (New York, Columbia Business School Publishing, 2017).

«Il faut voir si les investissements sont en accord ou en contradiction avec la mission de base des caisses de retraite», signale Jacques Lussier.

Où investir ?

Ex-économiste au Fonds monétaire international et cofondateur du cabinet de recherche financière Sustainable Market Strategies, François Boutin-Dufresne envisage la question sous un autre angle.

«Qu’a fait CalPERS de l’argent qu’elle a retiré du secteur du tabac ? L’a-elle investi dans des secteurs ou des entreprises plus performantes comme PayPal, par exemple ? Les études comme celle de l’IPFI ne le disent pas», dit-il.

D’autre part, les conseils d’administration doivent également prendre en considération les risques de réputation et de réglementation.

«Les investisseurs institutionnels ont une réputation à défendre. À la limite, il y a parfois un prix à payer ! Ces investisseurs tentent aussi de prévoir les futures actions des gouvernements afin de s’y adapter. Un moment donné, l’interdiction pure et simple du tabac était envisagée dans certains milieux influents de Californie. Il fallait alors en tenir compte», dit François Boutin-Dufresne.