Ces changements ont ralenti d’un seul coup la vente de produits à GRV au Canada.
De décembre 2012 à février 2013, les ventes brutes de fonds à GRV se sont chiffrées à 741 000 $, soit la moitié de celles enregistrées à la même période l’année précédente, selon Investor Economics.
À 379 000 $, les ventes nettes de fonds à GRV ont quant à elles trébuché de 70 % si l’on compare les deux mêmes périodes.
Les plus récentes données d’Investor Economics, qui datent de juin 2012, ne permettent pas encore de savoir si cette chute a profité aux ventes de rentes viagères. Cependant, sur le terrain, le besoin de produits de décaissement sécuritaires pour les baby-boomers n’a pas disparu pour autant.
«Étant donné la disparition graduelle des fonds distincts à GRV, la rente viagère va redevenir intéressante. D’autant plus que les rentes ont changé : l’offre est plus souple et elle s’est démocratisée», indique Jean-François Rémillard, directeur, commercialisation des produits de placement, chez Mica services financiers.
Regard sur les rentes
Les clients apprécient la rente pour sa simplicité, selon Jean-François Rémillard.
Ce produit permet en effet au client de créer l’équivalent de son propre régime de retraite à prestations déterminées (PD) et de savoir au dollar près ce qu’il recevra chaque mois.
En revanche, il perd tout le contrôle de son capital. D’où l’idée d’y souscrire seulement pour couvrir les besoins de base du client, comme les frais de logement, de chauffage ou de nourriture, selon lui.
«À tort ou à raison, [les clients] ne veulent pas que leur conseiller dise : « Cette année, ça a monté. » ou « Cette année ça a descendu ». Avec la rente, ceux qui ont besoin d’un revenu stable n’ont pas de soucis», remarque Jean-François Rémillard, qui a pourtant souvent offert les fonds distincts à GRV à sa clientèle ces dernières années.
Ce déclin des produits à GRV est une bonne chose, selon Denis Preston, planificateur financier, formateur et consultant à honoraires en gestion des risques.
«Je n’ai jamais été favorable aux GRV. Mathématiquement, ça a toujours été moins avantageux qu’acheter une rente viagère et, avec le reste du capital, un fonds commun de placement.»
Même son de cloche de Martin Dupras, actuaire et planificateur financier chez ConFor financiers.
«Les conclusions d’une étude sur la question montraient que 19 fois sur 20, les garanties ne servaient pas à grand-chose et que la fois sur 20 où elles auraient servi, elles auraient coûté trop cher.»
Selon Denis Preston, jumeler une rente et un fonds commun procure au client plus de revenus qu’un fonds distinct avec GRV.
«Par contre, cette combinaison garantit moins de valeur successorale. C’est un choix entre moi comme retraité et mes enfants», résume-t-il.
Solution de rechange
D’après Denis Preston, une rente viagère avec une garantie de paiement pendant un minimum de 15 ans constitue une solution de rechange aux fonds distincts avec GRV.
«Avec un GRV, si je décède avant, l’assureur donnera l’excédent du solde résiduel à mes héritiers. Ainsi, pour moi ou pour mes héritiers, il est garanti qu’on remboursera le solde du capital investi, explique Denis Preston. Si on veut avoir le même genre de garantie avec une rente viagère, on a juste à choisir une garantie de paiement minimum de 15 ans. Généralement, après 15 ans, on a récupéré au minimum son capital.»
Toutefois, selon Martin Dupras, lorsque vient le moment de choisir une rente, le client ne devrait pas se demander s’il reverra ou non la couleur de son argent.
«Quand j’achète une rente, je vise un revenu sécuritaire, car je pense vivre vieux. Par contre, je dois évaluer, en cas de décès prématuré, si je laisse des problèmes aux gens. S’il n’y a pas de problème pour personne, je peux choisir des rentes avec une très faible garantie.»
Rente conjointe
Si un décès prématuré laisse le conjoint du client dans la précarité, la rente conjointe a alors du sens.
Dans ce cas, la rente continuera d’être versée au décès du premier membre d’un couple.
Le client peut choisir différents pourcentages de réduction de la rente au premier décès, car les dépenses personnelles du défunt disparaîtront avec lui.
Bien entendu, plus le pourcentage de réduction est élevé, plus le versement de la rente augmente.
«Tout dépend des finances du couple, dit Jean-François Rémillard. Si j’ai devant moi deux fonctionnaires de carrière qui ont un régime PD leur donnant une pleine pension, je peux prendre le minimum de réversibilité. Au décès du conjoint, le survivant aura sa pleine pension et la moitié de celle du conjoint décédé.»
Bémols
Avant de conseiller une rente, Jean-François Rémillard souligne à grands traits le caractère irréversible de la rente.
«Il faut poser des questions sur leurs objectifs à court et moyen termes. La retraite peut être de 20, 25 ou 30 ans. Des choses peuvent changer pendant ce temps», note-t-il.
Par exemple, le client peut se découvrir une nouvelle passion onéreuse, comme les voyages internationaux. Il peut aussi souffrir d’une maladie qui le forcera à devoir adapter son logis à sa condition.
«Selon l’actif du client, j’alloue de 20 à 50 % à l’achat d’une rente. Quand j’ai mis plus, j’ai aussi vendu de l’assurance maladie, comme des soins longue durée», dit Jean-François Rémillard.
La faiblesse actuelle des taux d’intérêt peut également rendre l’achat d’une rente désavantageuse, d’après Martin Dupras.
«Le caractère irréversible d’une rente ennuie beaucoup de gens. On peut alors dire : « Monsieur, madame, théoriquement, ce serait une bonne chose, mais ce n’est pas le meilleur moment. », puis reporter la décision d’un an ou deux, le temps qu’il y ait une hausse potentielle des taux.»
En raison des taux, Jean-François Rémillard oriente actuellement ses clients vers des portefeuilles de REER ou de fonds enregistré de revenu de retraite (FERR).
Denis Preston souligne que les achats de rente peuvent aussi se faire par étapes, afin de les diversifier dans le temps.
«C’est un avantage plus psychologique que monétaire pour le client. En pratique, si les taux montent, son portefeuille peut perdre beaucoup de valeur.»
Puisqu’«une faillite d’un assureur est malheureusement possible», Denis Preston suggère de diversifier son capital de rente auprès d’assureurs différents dans la mesure où la rente dépasse la protection de 2 000 $ par mois qu’offre Assuris lors d’une liquidation d’une compagnie d’assurance de personnes.