L’investissement des entreprises serait en chute au Canada, selon une étude de l’Institut C.D.Howe, qui préconise des pistes de solutions fiscales et réglementaires. Vraiment ?
Cette étude, Canada’s Investment Crisis : Shrinking Capital Undermines Competitiveness and Wages, fait le constat que l’investissement des entreprises au Canada a chuté depuis dix ans. Pour cela, l’étude se base sur le montant de capital investi, divisé par le nombre de travailleurs canadiens.
Les travailleurs canadiens reçoivent 70 cents de nouveau capital pour chaque dollar reçu par leurs homologues de l’OCDE, et 55 cents pour chaque dollar reçu par les travailleurs américains, calcule l’étude.
L’Institut C.D.Howe constate que l’écart s’était réduit avec les États-Unis jusqu’en 2015, avant que les mesures fiscales et réglementaires américaines élargissent à nouveau l’écart. L’Étude suggère donc que le Canada devrait rétablir un avantage fiscal compétitif ou au moins éliminer le désavantage fiscal actuel, afin de rivaliser avec les États-Unis.
L’étude recommande de modifier les réglementations afin d’encourager les entreprises de l’industrie des combustibles fossiles à reprendre des investissements importants, notamment dans les projets de sables bitumineux. Elle ne mentionne cependant pas les impacts de tels investissements en matière climatique ni leurs effets potentiellement négatifs sur la productivité de l’économie canadienne.
L’étude conteste la différenciation du taux d’imposition entre les petites entreprises et les grandes entreprises. Selon les auteurs de l’étude, cette distorsion incite les entreprises à rester petites et moins productives. En effet, l’étude considère que la productivité est reliée à la taille des entreprises.
Des chiffres à relativiser
Une limite de cette étude est qu’elle se base sur un indicateur unique pour mesurer l’investissement des entreprises canadiennes. Or, il peut être étonnant de comparer l’investissement en capital par travailleur entre le Canada et d’autres pays, alors que leurs tissus industriels et économiques peuvent être très différents.
De plus, la forte croissance de la population active canadienne entre 2015 et 2024 pourrait également fausser la comparaison avec les autres pays de l’OCDE, qui n’ont pas connu une telle augmentation de leur population active. La croissante moyenne de la population active l’OCDE (8,3 %) est en effet deux fois plus faible que celle du Canada (16,2 %) entre 2015 et 2024.
Or, l’investissement des entreprises n’a pas de lien en soi avec la croissance de la population active, tout au moins pas à court terme. Cela signifie que l’indicateur retenu n’est pas forcément pertinent.
Si un manque d’investissement peut être pointé, il ne peut l’être que de manière sectorielle, pour chaque industrie et sur chaque marché. Cette démarche plus précise pourrait mener à détecter une autre limite de cette étude : de petites entreprises dégagent une productivité très élevée en investissant fortement, tandis que de grandes entreprises présentes sur des marchés traditionnels peuvent être relativement moins productives et investir moindrement.
Enfin, comme mentionné plus avant dans le texte, aucune mention n’est faite des défis climatiques qui se présentent déjà face à l’économie canadienne.