L’histoire de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) et tout ce qui se rapporte aux coulisses de l’institution fondée en 1965 suscitent toujours beaucoup d’intérêt. Il suffit de jeter un coup d’œil dans le moteur de recherche d’un libraire pour en mesurer l’ampleur.
Comme le relève toutefois assez justement Les éditions du Septentrion, l’éditeur de ce nouvel ouvrage, le « public entretient une relation ambiguë avec la Caisse de dépôt et placement du Québec. Saluée comme une des grandes réussites du Québec moderne, sa gouvernance est cependant scrutée à la loupe. Écrire sur la Caisse, comme on l’appelle familièrement, est une entreprise délicate. Pour certains, la critique n’est jamais assez dure et l’accusation de complaisance surgit à la moindre remarque élogieuse ; pour d’autres, la plus petite critique est perçue comme une attaque, nécessairement grevée d’injustice. »
C’est le prolifique romancier Jean-Jacques Pelletier qui relève cette fois le défi d’écrire sur « la Caisse », en espérant « contribuer à nuancer le regard que l’on porte sur cette institution », affirme son éditeur.
Son ouvrage, Le bas de laine des Québécois mangé par les mythes, se distingue d’ailleurs des précédents livres traitant de la CDPQ, tant par sa forme que par sa facture. De l’aveu même de Jean-Jacques Pelletier, « ce livre, c’est trois livres en un, et chacun des trois volets découle de motivations différentes », a-t-il affirmé à Finance et Investissement, lors du lancement tenu le 22 avril à Montréal.
Trois livres en un
« La première partie a été écrite par irritation, lance d’emblée Jean-Jacques Pelletier. J’étais fatigué d’entendre n’importe qui écrire et dire n’importe quoi sur la Caisse. » Dans un format pratiquement éditorial, cette première partie d’une quinzaine de pages s’affaire ainsi à « débusquer quelques préjugés entretenus sur la Caisse de dépôt qui biaisent souvent la perception qu’on peut en avoir ».
Dans ce segment, Jean-Jacques Pelletier présente la CDPQ tel que vu par différents observateurs, par exemple le Gouvernement du Québec ou l’opposition officielle, le milieu financier ou les clients. Ainsi, remarque l’auteur, tout le monde s’approprie « la Caisse », mais « ce que les gens mettent sous ce vocable passe-partout varie grandement, chacun la voyant à partir d’intérêts qui biaisent peu ou prou son regard ».
Pour compléter cette partie, Jean-Jacques Pelletier s’affaire ensuite à aborder directement les mythes les plus répandus sur la CDPQ, et à offrir une meilleure compréhension de ce qu’est réellement cette institution, de son rôle et de la manière dont elle s’emploie à remplir sa double mission. Une double mission qui est demeurée jusqu’ici celle qui lui fut confiée lors de sa création, soit « d’investir l’épargne des Québécois recueillie par de grandes institutions dans l’intérêt de ces Québécois », et de « s’acquitter de cette mission de manière à contribuer au développement économique du Québec, tant celui du secteur public que du secteur privé ».
Le deuxième volet se présente sous une forme plus analytique et documentaire. Il découle à la fois de « l’étonnement et de la curiosité » de l’auteur. Il admet ainsi être « étonné de voir à quel point la Caisse est mal comprise, à quel point il est facile de l’instrumentaliser à des fins politiques ou médiatiques », notamment. Mais également curieux de « ces axes de développement cohérents » qu’il a « cru déceler à travers la diversité des orientations décidées sous les différentes présidences ».
La présentation historique et davantage factuelle de cette section rend notamment compte du fait que la CDPQ n’est pas une entité immuable figée dans le temps, malgré que sa mission soit demeurée intacte au fil des ans. Comme le signale Jean-Jacques Pelletier, « la Caisse d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’elle était au moment de sa fondation, ou même dans les années 1980, si on considère son offre de services ou la diversité de ses investissements ».
Il relate ainsi l’histoire de la CDPQ, « présidence par présidence, du point de vue de l’évolution de la Caisse dans son rapport au bilan, et dans ses pratiques financières ». On survole donc les différentes périodes, au fil des mandats, depuis ceux des Claude Prieur et Marcel Casavant, en passant par ceux des Jean Campeau et Jean-Claude Scraire, jusqu’à ceux des Henri-Paul Rousseau et Michal Sabia, notamment.
Quant à la troisième partie, du fait qu’elle résulte de « l’appréhension que peut inspirer l’évolution de la situation mondiale et des effets que celle-ci risque d’avoir sur le rôle que la Caisse sera appelée à jouer en tant qu’investisseur mondial », elle a une tonalité plus « anticipatrice », signale Jean-Jacques Pelletier.
Ce segment propose un scénario de ce qui peut attendre l’institution, compte tenu des nouveaux risques qu’elle doit gérer. Des risques qui sont davantage des risques transversaux susceptibles de toucher toutes les catégories d’actifs, par exemple des risques géopolitiques, climatiques, et même, militaires. Ainsi, « il se pourrait que la Caisse soit appelée à redéfinir sa façon de gérer les risques d’une part et sa façon de s’impliquer dans l’évolution économique du Québec, d’autre part », explique l’auteur.
« Quand j’ai commencé à écrire la troisième partie, les gens avec qui j’en discutais trouvaient que j’anticipais beaucoup. Mais là, la réalité est en train de me dépasser », témoigne d’ailleurs Jean-Jacques Pelletier.
Du roman, en passant par la gestion financière
Jean-Jacques Pelletier a signé plus de vingt livres, dont une quinzaine de romans policiers, et a remporté plusieurs prix littéraires.
S’il a déjà évoqué la CDPQ dans quelques-uns de ses romans, dont L’Argent du monde, qui traite de l’univers des fraudes financières, ce n’est pas par hasard. Jean-Jacques Pelletier connait bien la CDPQ, avec qui il est en relation depuis 35 ans. « D’abord à titre de membre du comité du RREGOP, puis de son sous-comité de placement, et comme conseiller de la partie syndicale du même sous-comité de placement », précise-t-il.
L’auteur a également écrit deux ouvrages techniques sur le sujet des caisses de retraite, dont Caisses de retraite et placements : introduction à la gestion des placements.
Ainsi, cet ouvrage « n’a pas été écrit par quelqu’un de l’intérieur, qui a connu intimement ce qu’on pourrait appeler la vie secrète et les rouages internes de la Caisse. Mais il n’a pas davantage été écrit de l’extérieur, par un historien qui consulterait uniquement des documents d’archives, des témoignages de participants et des comptes rendus médiatiques. Il a plutôt été écrit à la frontière, par quelqu’un qui a eu accès aux documents publics, mais à qui des relations prolongées avec la Caisse ont donné un aperçu de sa vie interne : on ne fréquente pas une institution pendant 35 ans sans développer une certaine connaissance de son fonctionnement », résume Jean-Jacques Pelletier.