Le même jour, un autre rapport publié par l’Institut C.D. Howe conclut que la NHF améliore la liquidité et l’efficience des marchés financiers, un avantage net pour les opérateurs de marchés.
Ces deux études illustrent la polarité des opinions relatives à la NHF.
«Le débat autour de la NHF est plus émotionnel qu’autre chose, en grande partie parce que les gens ont peur de ce qu’ils ne comprennent pas», écrit Larry Harris, professeur de finance à la Marshall School of Business, dans le Financial Analysts Journal.
La NHF, effectuée par des ordinateurs ultra-puissants qui négocient des volumes élevés de titres à la vitesse de l’éclair, a recours à diverses stratégies.
Celles-ci visent principalement les arbitrages statistiques, notamment le fait de profiter d’une inefficience qui influe sur le prix de titres financiers, et le maintien de liquidités par l’intermédiaire d’opérations de tenue de marché (market making), expose la World Federation of Exchanges dans un récent rapport.
Le développement de la NHF est attribuable à l’innovation technologique, à la prolifération des places de négociation, à l’évolution de la réglementation et à la réduction des barrières à l’entrée de l’industrie, constatent William Barker et Anna Pomeranets, analystes de la Banque du Canada.
Plus de 40 % des ordres sur les marchés canadiens et plus de la moitié des ordres aux États-Unis proviennent actuellement de la NHF, selon les estimations de TABB Group.
En moyenne, 50 % des ordres de NHF durent moins d’une seconde, montrent les chiffres fournis par Aequitas Innovations, une société qui vise à créer le septième système de négociations parallèle aux Bourses du Canada.
Inquiétude des régulateurs
La NHF inquiète les autorités de contrôle des marchés financiers. En février dernier, l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) a dévoilé la liste de cinq stratégies utilisées par les négociateurs à haute vitesse qui sont interdites parce que manipulatrices.
En mai, l’OCRCVM a lancé un appel à la collaboration pour recourir à des tiers dans la phase finale de son étude qui vise à comprendre l’effet de la NHF sur la qualité et l’intégrité des marchés.
Pour l’instant, l’organisme n’a toujours pas dévoilé les résultats préliminaires de son étude. Des résultats intermédiaires seront exposés lors de la conférence sur la structure des marchés organisée à Toronto le 21 novembre prochain par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) et l’OCRCVM, selon Karen Archer, spécialiste des affaires publiques à l’OCRCVM.
Pour les régulateurs canadiens, les résultats de cette étude sont d’autant plus importants qu’à l’international, il n’y a pas encore de projets de réglementation, constate Robert Pouliot, professeur à l’UQAM et administrateur à la Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs (FAIR Canada).
«Il y a bien eu une consultation et une mise en garde de l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) en 2011, mais les seules références à la NHF portent sur le risque technologique et la manipulation des marchés», dit-il.
Une arme à double tranchant
Telle une arme à double tranchant, la NHF est fort utile, mais elle est aussi très dangereuse. Le krach éclair de mai 2010, les syndromes du gros doigt (fat-finger trade) sur l’action d’Apple en mars 2012 et sur celle de Google en avril dernier, ou plus récemment, les 26 082 ordres non voulus lancés en deux secondes par la chinoise Everbright sont quelques exemples des déboires attribués à la NHF.
«Si la NHF apporte certains avantages, dont le resserrement des écarts entre les cours acheteurs et vendeurs, une diminution de la volatilité ainsi qu’une résilience et une efficience accrues des marchés, elle n’est pas sans risques», préviennent les analystes de la Banque du Canada.
En avril 2011, lors d’une consultation sur un projet de réglementation, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont répertorié plusieurs risques majeurs associés à la NHF, dont celui d’atteinte à l’intégrité du marché et d’arbitrage réglementaire.
En moyenne, la NHF réduit de façon importante les coûts de négociation pour les investisseurs, mais elle pose aussi un risque systématique pour les marchés, désavantage les investisseurs en manipulant les cours (front running), et réduit leur confiance, écrit Larry Harris.
Queue de peloton
Jos Schmitt, président de Aequitas Innovations, remarque que les investisseurs à long terme sont toujours à la fin de la file d’attente du carnet d’ordre des courtiers. «Les ordres des investisseurs à long terme ne sont jamais exécutés, car ils n’entrent pas dans le marché à la même vitesse que ceux des négociateurs à haute fréquence.»
Pour ces investisseurs, la seule manière d’entrer dans le marché est de placer un ordre au cours du marché. «Au final, ils paient beaucoup plus cher que le prix affiché sur leur écran. Les négociateurs à haute fréquence ont fait gonfler les cours artificiellement», poursuit Jos Schmitt.
Les investisseurs à long terme sont devenus des preneurs de liquidité. «Ils paient des frais qui sont transférés aux négociateurs à haute fréquence, dit Jos Schmitt. Ces négociateurs au comportement prédateur encaissent la profitabilité des marchés.»
L’encadrement de la NHF semble donc un mal nécessaire. Mais l’empêcher n’est pas une solution. «Interdire la NHF serait une grossière erreur. On inviterait ainsi l’industrie à opérer clandestinement. Cela aurait le même effet que la prohibition !», lance Robert Pouliot.