Un tas de cryptomonnaies.
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« Si vraiment Facebook et ses partenaires réussissent à mettre en circulation leur Libra en 2020, ce qui est tout sauf évident, ce sera un événement historique, sans précédent, à savoir une monnaie transnationale portée par un groupement d’entreprises privées », affirme André Orléan, économiste et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales à Marianne.

Cependant, si cet événement est sans précédent, il est également loin d’être une surprise. Selon lui, après « l’échec » du Bitcoin, il fallait s’attendre à d’autres propositions et l’idée d’une monnaie adossée à un géant de la Toile est une proposition logique, car elle allie trois forces « qui sont au cœur du capitalisme » :

  • La puissance du capital
  • la puissance de la technique
  • la puissance des réseaux

Cependant, il note qu’il reste encore de nombreux obstacles à ce projet ce qui le rend encore incertain.

Daniel Cohen prévient quant à lui qu’accorder à Facebook le pouvoir de battre monnaie c’est lui offrir les moyens d’une hégémonie sans partage. Selon lui, les géants d’Internet cherchent à dématérialiser les rapports sociaux et l’économie et leur permettre d’offrir leur propre monnaie ça serait leur donner encore davantage de données sur chaque personne.

« Lorsque nos corps et nos âmes seront des données qui diront tout de nous, qui permettront que l’on soit soignés, éduqués, divertis en ligne, alors, par algorithmes interposés, les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) seront véritablement les maîtres du monde », écrit-il dans un article pour l’OBS.

Un nouveau moyen pour blanchir de l’argent

Au gouvernement américain, ce projet est également loin de faire l’unanimité. Steven Mnuchin, le secrétaire au trésor, a déjà lancé un avertissement, car il craint que cette monnaie ne soit utilisée pour de mauvaises raisons.

« Le Trésor a de très grandes inquiétudes sur la Libra, qui peut être mal utilisée pour blanchir de l’argent ou financer le terrorisme », a-t-il déclaré le 15 juillet dernier.

À titre d’exemple, Steven Mnuchin rappelle que le Bitcoin a été exploité dans de nombreuses activités illicites, allant de l’évasion fiscale à des extorsions en passant par du trafic de drogue.

En réponse à ces inquiétudes, il demande à Facebook de ne pas procéder au lancement de la Libra avant d’avoir répondu à toutes les préoccupations des régulateurs.

Critiquée par les partisans des cryptomonnaies

Après les régulateurs et les experts en finance, c’est aux partisans des cryptomonnaies d’exprimer leur méfiance face à la Libra. Ceux-ci s’inquiéteraient particulièrement de la gouvernance de cette association selon les dires d’Helen Disney, fondatrice d’Unblocked Events, à l’AFP.

Bien que la Libra soit une monnaie virtuelle, elle ne fonctionnera pas exactement comme les autres cryptomonnaies. Alors que le Bitcoin est décentralisé, la Libra sera, quant à elle, cogérée de Genève par une centaine d’entreprises partenaires, dont une filiale de Facebook du nom de Calibra.

Parmi les entreprises qui géreront cette devise virtuelle, on retrouve des firmes aussi diverses que les émetteurs de cartes bancaires MasterCard, Visa, les services de paiement Stripe et PayPal et les entreprises de réservation de voitures Lyft et Uber, cite Le Devoir.

Facebook ne sera donc pas seule aux commandes de cette cryptomonnaie. Mais, même si le réseau social affirme qu’il n’aura pas accès aux données de paiement, les partisans des cryptomonnaies restent sceptiques.

Une opinion pas unanime

Tous les partisans de cryptomonnaies ne jugent pas la Libra aussi durement, certains y voient au contraire une opportunité. Depuis l’annonce de cette initiative par Facebook, le cours du Bitcoin a progressé de plus de 50 % en dix jours et certains estiment qu’il y aurait un lien entre les deux événements.

Grâce à cette initiative, certains partisans espèrent également que le secteur des cryptomonnaies deviendra plus traditionnel et que cela va pousser les régulateurs à proposer un cadre légal autour des actifs numériques.

D’autres, comme James Bennett, directeur de Bitassist, une entreprise de recherche sur les cryptomonnaies et la chaîne de bloc, espèrent qu’à long terme les gens se rendent comptent que la Libra n’est pas réellement une cryptomonnaie et décident donc de se tourner vers des monnaies virtuelles plus traditionnelles pour leur transaction.