Homme d'affaire devant un panneau technologique.
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Un nombre croissant de conseillers perdent confiance dans les logiciels de planification, révèle l’Enquête technologique 2020 du Financial Planning (2020 Financial Planning tech Survey). Ainsi, 20 % des conseillers affirment ne pas utiliser ce type de logiciel, soit une augmentation de 16 points de pourcentage par rapport à l’année précédente.

Évidemment, le taux d’utilisation reste à 80 %, ce qui est très élevé pour un secteur ou l’adoption de nouvelles technologies est lent, mais cette baisse contredit la croyance populaire quant à l’orientation du secteur du conseil.

Cette technologie ne semble finalement pas être la solution miracle que beaucoup attendait. De plus, ces logiciels sont tellement répandus, qu’ils ne constituent plus un réel avantage concurrentiel, estime William Trout, directeur de la gestion de patrimoine de la société de recherche Celent.

« [Les conseillers] comprennent que la planification financière n’est pas la panacée qu’ils espéraient, précise-t-il. Ces outils jouent vraiment un jeu de pouces … ils ne font pas vraiment bouger l’aiguille pour les conseillers en termes de pouvoir de fixation des prix. »

Ici et maintenant

Évidemment la COVID-19 n’est certainement pas étrangère non plus à cette baisse de popularité. En raison de la pandémie, les clients veulent des conseils qu’ils peuvent appliquer dans l’immédiat pour améliorer leur sort, explique Erin Wood, vice-présidente de la planification du patrimoine chez Carson Wealth.

Les outils de planification du marché sont faits davantage pour les projections à long terme. Selon la professionnelle, ils ne sont pas à la hauteur lorsqu’il s’agit de conseils immédiats.

« Les outils prennent du temps à mettre à jour pour tenir compte des nouvelles règles, des nouveaux avantages et des modifications de la législation fiscale. Les conseillers n’ont pas le temps d’attendre que ces mises à jour soient terminées, ils finissent donc par faire eux-mêmes une grande partie du travail avant les mises à jour des logiciels », précise-t-elle.

« Lorsqu’un conseiller est sous pression pour faire les choses, le processus de planification peut prendre trop de temps en ce moment », ajoute Rich Keltner, directeur de la gestion des produits chez Tegra118.

La pandémie a également obligé les conseillers à revoir leur budget au scalpel, commente à son tour Nick Defenthaler, partenaire du Center for Financial Planning, et certaines plateformes sont coûteuses.

Manque de connaissances et de compétences

Ces technologies ont pris de l’importance lors du marché haussier des dix dernières années. Les conseillers se sont tournés vers la planification pour se conformer aux nouvelles réglementations, établir des relations plus solides avec les clients et justifier les frais, car la technologie à faible coût empiétait sur la gestion traditionnelle des investissements.

Toutefois, nombre de conseillers ne possèdent pas les connaissances techniques pour intégrer avec succès la planification dans une pratique de gestion de patrimoine, avance Phil Buchanan, président exécutif du Cannon Financial Institute.

« L’expérience montre que si beaucoup d’entre eux n’utilisent les outils de planification financière que de manière ponctuelle, d’autres ne les utilisent que pour les relations avec les clients importants, et un plus petit pourcentage les utilise pour une clientèle, dans le cadre d’un effort à grande échelle », ajoute-t-il.

Beaucoup de conseillers ont encore du mal à évaluer la technologie dans leur propre entreprise et à exprimer cette valeur aux clients alors que ceux-ci sont plus que jamais conscients des frais. Il est facile de parler des gains d’un portefeuille, alors que les avantages d’un plan à long terme restent « éphémères ou insaisissables », explique William Trout. « Je pense qu’il y a eu une certaine désillusion, ou peut-être un retour à la réalité, concernant la possibilité de faire payer les conseils. »

De plus, les conseillers n’utilisent qu’une fraction de ces logiciels, même s’ils paient pour l’ensemble du produit.

Certains développeurs de produits tentent de résoudre ce problème. Ainsi Jessica Liberi, chef de produit de eMoney Advisor, a intégré une « feuille de route de planification » a la plateforme du eMoney advisor, qui quantifie la valeur ajoutée pour un client au cours du plan. D’autres tentent de faciliter l’utilisation de leur produit. Ainsi, MoneyGuide développe son programme myBlocks, qui décompose un plan en petits morceaux. Mais à mesure que ces produits se développent, la courbe d’apprentissage et le fardeau de la saisie de données pour les conseillers s’allongent.

Un outil marketing

Les développeurs estiment que la pandémie est un bon moment pour développer des stratégies marketing. Le directeur général d’Advicent, Anthony Stich, note qu’il y a une demande accrue autour des questions de sécurité financière. C’est le moment de montrer l’importance d’une bonne planification fiscale en montrant qu’avec elle, on peut prévoir un fonds pour les mauvais jours.

Mais les conseillers affirment avoir trop de travail pour penser à cela. Michael Garry, responsable de la conformité chez Yardley Wealth Management, dit ainsi faire tellement de rééquilibrage, de récolte de pertes fiscales et de réponses aux questions des clients qu’il n’a pas le temps de trouver de nouveaux clients ou de se lancer dans le long processus de création d’un nouveau plan financier.

« Nous avons passé tellement de temps à faire de la sensibilisation, à parler aux clients et à répondre à leurs appels et à leurs courriels que nous n’avons pas faits autant de planification que nous le ferions normalement », déclare-t-il.

Si lui-même ne considère pas de réduire sa technologie, il soupçonne que d’autres conseillers qui n’offrent pas beaucoup de planification au départ y voient un moyen de réduire les coûts.