Le succès est plus facile lorsqu’il y a moins d’obstacles à surmonter. C’est vrai pour le patinage comme pour les placements. Au lieu de poids aux chevilles et de patins lourds, les investisseurs sont handicapés par des choses comme les coûts. Les coûts ralentissent les gestionnaires de fonds communs de placement au Canada plus que sur d’autres marchés, surtout comparativement à nos voisins du Sud, ce qui rend la concurrence plus ardue pour eux.
L’anti-effet Midas
Dans la mythologie grecque, tout ce que le roi Midas touchait se transformait en or. Pour les Canadiens de l’ère moderne, c’est sans doute une toute autre histoire : leur industrie des fonds communs transforme l’Or en Bronze.
C’est le cas du Fonds mondial d’obligations Templeton , qui est offert en différentes versions pour les investisseurs canadiens et américains. Les analystes de fonds Morningstar attribuent une cote Or, la cote la plus élevée, à la version du fonds domiciliée aux États-Unis. Notre équipe canadienne fait preuve du même enthousiasme pour les gestionnaires de ce fonds. Nous avons nommé les gestionnaires Michael Hasenstab et Sonal Desai Gestionnaires de revenu fixe de l’année lors de la remise des Prix Morningstar 2013. Mais le coût du même produit domicilié au Canada n’est pas aussi attrayant.
Alors que le fonds américain fait partie des moins chers de sa catégorie avec un ratio des frais de gestion de 0,86 %, le fonds canadien se classe parmi les plus chers, sa série F (qui n’inclut pas de rémunération pour les conseiller) exigeant un RFG de 1,63 %. Bien qu’ils appliquent la même stratégie et reproduisent pratiquement le même portefeuille, le fonds canadien est deux fois plus cher. Compte tenu des compétences des gestionnaires, nous pensons qu’il réussira quand même à se surclasser. Mais son prix beaucoup plus élevé se pose en obstacle, à la fois dans l’absolu et par rapport aux pairs de sa catégorie, et notre conviction n’est pas aussi forte quant à ses perspectives. Cela explique pourquoi nous lui avons attribué une cote Bronze au Canada.
Le fonds Templeton n’est pas le seul dans ce cas. L’équipe américaine de Morningstar a attribué une cote Or aux fonds Manning & Napier World Opportunities et Manning & Napier Equity compte tenu de leur équipe de gestion chevronnée, leur portefeuille diversifié et leur excellent palmarès à long terme. Manning & Napier (M&N) n’a pas d’opérations au Canada, mais est sous-conseiller du Fonds d’actions mondiales Éthique NEI , qui intègre les deux fonds américains au sein d’un mandat mondial. Du fait de son prix, le fonds NEI ne sera vraisemblablement pas aussi performant que les fonds M&N, et notre équipe canadienne lui a attribué une cote Bronze.
Les fonds M&N ne sont pas particulièrement bon marché selon les normes américaines, mais ce sont des aubaines par rapport au fonds NEI. Le fonds World Opportunities exige un RFG de 1,08 % annuellement, et le fonds Equity de 1,05 %. En revanche, le RFG du fonds NEI de 1,63 % (série F) est plus de 50 % plus élevé que ceux de ses homologues américains. La série A, avec un RFG de 2,63 % (qui comprend une commission de suivi de 1 %), est l’une des options les plus dispendieuses de sa catégorie.
Anatomie des coûts
Toute comparaison entre le Canada est les États-Unis peut être trompeuse. Les frais réglementaires, administratifs et fiscaux sont plus élevés au Canada. Les frais de distribution, qui pour la plupart des Canadiens sont intégrés aux RFG et généralement appelés commissions de suivi, entraînent aussi des frais plus élevés, quoique cela ne concerne pas les fonds de la série F. Le fait d’avoir affaire à des sous-conseillers peut également compliquer les choses. Par exemple, il est difficile de savoir si le fonds NEI est dispendieux en raison de l’entente avec M&N ou s’il est gonflé par des frais additionnels incorporés à son RFG.
Pourtant, comme le fait remarquer le président de Morningstar Don Phillips, la structure relativement concentrée de l’industrie des fonds communs de placement au Canada donne aux sociétés de fonds un pouvoir d’établissement des prix, leur permettant de s’approprier une part plus importante des frais qu’aux États-Unis. Cela n’est peut-être pas vrai dans tous les cas, mais ça semble l’être dans le cas du Fonds d’obligations mondiales Templeton. Même compte tenu de la taille des actifs et des frais administratifs, Franklin Templeton fait payer bien plus pour sa gestion de placements au Canada qu’aux États-Unis.
On s’attendrait à ce que le fonds Templeton domicilié au Canada soit plus cher que son homologue américain. Il ne fait pas le poids, avec 2,7 milliards $ d’actifs, contre près de 70 G$ US pour la version américaine. Cela n’explique toujours pas leur énorme écart de prix. J’en tire cette conclusion parce que les organismes de réglementation américains exigent que les fonds divulguent en détail leurs frais de gestion, qui sont employés pour rémunérer le personnel de placement. Dans le cas de ce fonds américain, les frais de gestion diminuent lorsque les actifs atteignent un certain seuil.
J’ai repris ces seuils, en les ajustant en fonction de la devise, et les ai appliqués au fonds canadien bien plus petit. Si le même barème de frais était en place au Canada, les porteurs de parts payeraient un ratio des frais de gestion de 0,45 % (le plus gros fonds américain exige des frais de gestion de 0,38 %). D’un autre côté, les frais de gestion du fonds canadien sont fixés à 1,25 %, soit 2,7 fois plus que les frais exigés par le fonds américain. Ce chiffre pourrait inclure certains frais administratifs généraux qui ne sont pas inclus dans les frais du produit américain, mais compte tenu que les frais d’exploitation du fonds canadien sont payés séparément de ses frais de gestion, l’impact en est probablement minime.
Une lueur d’espoir
Assurément, certaines sociétés établies aux États-Unis, telles que Capital Research, PIMCO et le fournisseur de FNB Vanguard, ont ouvert boutique au Canada avec des RFG raisonnables. C’est normal pour Capital et Vanguard, qui appliquent des frais modiques dans toutes leurs implantations commerciales. PIMCO n’a pas fait preuve de la même constance. Dans l’ensemble, les frais de gestion des produits américains de la firme sont moyens, quoique cette dernière offre certaines options à prix modique.
Heureusement, PIMCO offre des produits plus abordables au nord de la frontière. Le fonds domicilié aux États-Unis PIMCO Income et son homologue canadien pratiquement identique appelé Fonds de revenu mensuel PIMCO sont des champions de la modicité dans leurs catégories respectives. Le fonds canadien n’est pas aussi bon marché mais d’un autre côté il a une taille sept fois inférieure. De plus l’écart de frais n’est pas énorme, le RFG de la série F étant de 0,83 %, contre 0,74 % pour le fonds américain de la série D, dont le barème de frais est similaire. Les fonds ont des prix compétitifs dans leur marché respectif, et les analystes de Morningstar leur ont attribué une cote Argent dans les deux marchés.
Conclusion
Je ne dis pas que tout ce qui compte, ce sont les frais. En fait, l’attribution d’une cote qualitative par Morningstar s’articule davantage autour de la qualité de l’équipe de gestion et de son processus de placement qu’autour de ses frais. Il va sans dire, toutefois, qu’entre deux fonds ayant une gestion identique et suivant le même processus, celui qui a les meilleures chances de succès est celui dont les frais sont moins élevés. C’est une simple question d’arithmétique. Même si les fonds aux frais relativement élevés ne sont pas nécessairement voués à se sous-classer, cela ternit un peu leur brillant.