L’assouplissement monétaire devrait aussi contribuer à alimenter la croissance du PIB japonais. La Banque du Japon (BoJ) s’est engagée à mener une politique d’assouplissement monétaire qui lui permettra d’atteindre sa cible d’inflation. Rappelons que cette dernière a été relevée de 1 à 2 % à la fin du mois de janvier 2013. Le nouveau banquier central nippon, Haruchiko Kuroda, propose d’accélérer son programme de rachats d’actifs et de l’étendre. Des actifs plus risqués, tels que des fonds indiciels cotés, pourraient aussi être rachetés par la BoJ.

Autre facteur important, la dépréciation récente du yen. Effectivement, sous l’effet de la politique de relance du gouvernement de Shinzo Abe, le yen a dégringolé de près de 17 % face à l’euro et au dollar américain. Cette dévaluation a été favorable aux exportations, ce qui a permis une embellie de la confiance des entreprises.

«Les entreprises ont amélioré leur rentabilité et sont devenues plus concurrentielles. Les mises en chantier de logements sont montées en flèche par anticipation de la hausse de la taxe sur la valeur ajoutée, prévue pour avril 2014», indique l’économiste Raymond Van der Putten dans sa note aux clients de BNP Paribas.

Devant cette embellie, le premier ministre Shinzo Abe a demandé aux entreprises d’augmenter les salaires en suivant l’objectif d’inflation de la BoJ. Si les entreprises collaborent et augmentent la rémunération de leurs travailleurs, la déflation pourrait prendre fin. Plusieurs entreprises se sont montrées enthousiastes face à cette demande puisqu’elles s’attendent à ce qu’une hausse des salaires augmente la demande intérieure.

«Toutefois, les entreprises industrielles font preuve de moins d’enthousiasme dans la mesure où, il y a seulement deux mois, beaucoup d’entre elles indiquaient que leurs activités au Japon n’étaient toujours pas rentables», écrivait Raymond Van der Putten.

D’ailleurs, il faudra attendre avant de voir si ces hausses de salaires se concrétiseront, selon l’analyse que Louis Schweitzer, ancien président et directeur-général de Renault-Nissan, faisait récemment dans les pages du Nouvel Observateur. «[Shinzo Abe] ne peut pas forcer la main aux entreprises, qui renâclent à augmenter les salaires. Mais s’il veut ouvrir son économie, il devra choisir un soutien interne à la croissance. Les grandes négociations salariales, dont dépendra la reprise par la consommation, se déroulant au printemps, on ne sera pas fixé avant la fin de 2013 et la moitié de 2014.»

La troisième flèche du programme d’Abenomics soulève pour sa part beaucoup d’interrogations. En effet, les réformes structurelles annoncées en juin ne touchent pas l’importante question du marché de l’emploi et les règles qui le définissent. Car il est presque impossible de congédier un employé au Japon : «Toutefois, les politiciens craignent [qu’une réforme de l’emploi] augmente le chômage et les inégalités – et l’ont donc éliminé du programme national», pouvait-on lire récemment dans les pages de The Economist.

Une des réformes prévues par le gouvernement nippon concerne la création de zones spéciales autour de Tokyo, Osaka et Nagoya. Selon The Economist, ces zones pourraient attirer des multinationales et des travailleurs grâce à des impôts moins élevés ainsi que des lois sur l’immigration et la construction moins strictes.

«Une autre possibilité est de permettre à des médecins étrangers d’opérer à partir de ces zones, peut-on lire dans The Economist. Les entreprises japonaises qui s’installent dans ces zones pourraient aussi bénéficier de davantage de liberté. Par exemple, on autoriserait la circulation de voitures sans conducteur et une interaction plus étroite des humains avec les robots.»

Une chose est certaine : pour que cette troisième flèche atteigne son but, le gouvernement devra faire une proposition audacieuse. En effet, il existe déjà près d’un millier de zones spéciales de ce genre un peu partout au pays. Créées entre 2001 et 2006, ces dernières n’ont pas eu l’effet escompté après que les propositions de déréglementation initialement déposées n’ont pas été appliquées.

Or, la réussite de ces zones spéciales est importante pour amener de l’eau au moulin du secteur privé japonais et soutenir la reprise : «Pour que la reprise soit auto-entretenue, le secteur privé doit devenir le principal moteur de la croissance à la place du secteur public, note Raymond Van der Putten. Le plan de relance, qui comporte des incitations fiscales pour le secteur privé, répond en partie à cette nécessité. Par ailleurs, l’affaiblissement du yen est assurément opportun pour les exportateurs, mais il ne constitue pas la panacée qui permettrait d’interrompre la déflation.»