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Bien que les impôts reviennent chaque année, les Québécois peinent à répondre à de nombreuses questions concernant l’argent qu’ils doivent à l’État et nombre de mythes prospèrent. Afin de résoudre ce problème, Radio Canada s’est tournée vers des experts en fiscalité qui ont levé le voile sur ces incertitudes qui minent nombre de contribuables.

Un pourcentage excessif

Non, une bonne fois pour toutes, les impôts n’équivalent pas au 50 % des salaires des contribuables!

Si personne ne sait vraiment qui a parti cette légende urbaine, cette dernière a la peau dure. Nombre de Québécois pensent effectivement que ce mythe est véridique, selon une étude de la Chaire en fiscalité et en finances publiques (CFFP) datant de 2016.

Ainsi, la majorité des sondés (56 %) ont répondu « oui » à la question : est-il vrai que si votre revenu imposable est de 100 000 $, l’impôt sur le revenu s’élève à 50 000 $? Parmi les autres répondants, 18 % ont avoué ne pas savoir; seuls 26 % ont affirmé que cela était faux!

En réalité, pour un revenu de 100 000 $, l’impôt du fédéral combiné au provincial s’élève environ à 29 000 $, soit 29 % du salaire. Pour un revenu imposable de 50 000 $, ce qui équivaut à peu près au salaire moyen au Québec, la somme due à l’État revient environ à 10 000 $ soit 20 % du revenu, soit bien moins que le redouté 50 %.

Ce mythe des 50 % est peut-être né de la confusion entre le taux moyen et le taux marginal d’imposition, proposent Luc Godbout, titulaire de la chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques à l’Université de Sherbrooke, et Marc Bachand, professeur de fiscalité à l’Université du Québec à Trois-Rivières.

Le taux moyen représente le pourcentage de l’impôt payé par rapport à l’ensemble du revenu, c’est donc celui qui nous intéresse. Cependant, pour le calculer, il faut tenir compte du taux marginal. Ce dernier augmente par « paliers » en fonction du revenu, c’est pour cela qu’on dit que les impôts canadiens sont des impôts progressifs. Les premières tranches du revenu sont imposées à un taux marginal plus bas que les dernières tranches.

Ainsi, si l’on prend un contribuable qui gagnerait 200 000 $, le taux marginal pour la portion de salaire comprise entre 150 473 $ et 200 000 $ s’élève à 50,16 %. Toutefois pour la portion entre zéro et 13 228 $, aucun impôt ne s’applique. Ce qui donne un taux final moyen de 38,9 %.

Évidemment l’impôt de l’État s’ajoute aux cotisations sociales comme celles du Régime des rentes du Québec (RRQ), du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) et de l’assurance-emploi (AE), toutefois, chaque contribuable profitera de ces services un jour, il s’agit donc plus d’une sorte d’investissement.

Si les prélèvements sont nombreux, les retours le sont aussi. Nombre de contribuables peuvent ainsi compter sur des incitatifs au travail, des remboursements de taxes ou encore des prestations pour enfants. Le taux d’imposition n’est donc pas de 50 %.

 Plus d’heures = moins d’argent?

Si ce rapport de cause à effet semble contre nature, c’est bien qu’il est faux. Évidemment, en faisant plus d’heures, un contribuable augmente son salaire et paiera plus d’impôts, mais il n’aura pas un moins bon revenu net. Même après impôts, les contribuables auront plus d’argent dans leur compte s’ils gagnent plus en travaillant.

Pourtant ce mythe est également tenace. Il découle certainement encore une fois de la confusion entre taux marginal et taux moyen. Certains pensent que le taux marginal plus haut touchera tous leurs revenus, mais comme expliqué précédemment, il ne touche qu’une portion du salaire.

Cette croyance peut également s’expliquer par le fait que le Québec est généreux en prestations sociales pour les personnes les moins fortunées, notent les fiscalistes. Ainsi les familles aux alentours de 40 000 $ de revenus perdront certainement des prestations en gagnant un peu plus.

Ainsi, dans certaines situations en tenant compte des impôts additionnels et des pertes de prestation, c’est comme si l’État venait chercher 70 % ou plus sur une légère hausse de revenus.

« Pour un couple avec deux enfants qui gagne 40 000 $ et qui veut faire 1000 $ de plus, […] l’État en enlève grosso modo 70 %, soit 700 $. Alors c’est peut-être là aussi, ce fameux sentiment que l’État m’en prend beaucoup », explique Luc Godbout.

Toutefois, peu de familles se retrouvent dans cette zone difficile, tempère l’expert. De plus en 2016, le gouvernement a introduit un bouclier fiscal pour atténuer les effets néfastes d’une petite hausse de revenus par rapport à l’année précédente.

Beaucoup de contribuables ne paient pas d’impôt

Selon les données de la CFFP, la proportion de contribuables ne payant pas d’impôt s’élevait à 35,9 % en 2015 au Québec et non à 50 %. Parmi ceux-ci, on retrouve les foyers où seul un des deux conjoints travaille ou les étudiants travaillant à temps partiel. Mais il faut voir que ces personnes gagnent moins de 20 000 $ par année.

Chez les moins de 25 ans, la proportion est de 67,3 % de contribuables non imposables. Chez les 65 ans et plus, ce sont 50,7 % qui sont non imposables. Et dans le groupe des 25 à 64 ans, où se situe la vaste majorité des travailleurs, 25,5 % des contribuables sont non imposables. Toutefois, bien qu’elles ne paient pas d’impôts ces personnes paient tout de même « des cotisations sociales pour des régimes d’assurabilité [RRQ, RQAP et AE], et ils paient des taxes de vente également », rappelle Luc Godbout.

À l’inverse, il est bon de noter que ce sont les contribuables les plus nantis qui supportent presque à eux seuls la totalité de la charge fiscale des particuliers au Québec. Ainsi 95,3 % de l’impôt est assumé par les 50 % des contribuables les plus riches. Le Québec n’est toutefois pas le seul dans cette situation. C’est la même chose en Ontario, aux États-Unis et même en France, précise Luc Godbout.