«Tous les plus gros fonds com-muns de placement qu’on trouve au Canada sont des fonds à dividendes», précise Christian Charest, rédacteur en chef du site morningstar.ca.
«La débâcle financière d’il y a cinq ans a rendu les investisseurs plus prudents, plus réticents à prendre des risques. Ils se sont tournés naturellement vers les fonds à dividendes», poursuit-il.
Et les institutions financières ont tellement bien répondu que rares sont les mois où des nouveaux produits à dividendes, susceptibles de se vendre comme des petits pains chauds, ne sont pas mis en marché.
En effet, les actions à dividen-des ont des vertus. Entre autres, elles paient des dividendes à périodes régulières quelle que soit la direction des marchés boursiers. À moins, bien sûr, que l’entreprise ne décide de freiner ou d’arrêter complètement le versement de dividendes, la plupart du temps pour parer à une situation financière difficile. Ce qui n’est jamais bien perçu par les marchés financiers.
De plus, les actions à dividen-des reçoivent tout au moins au Canada, un meilleur traitement fiscal que les titres à revenus fixes, tels que les obligations ou les certificats de placement garanti.
Moins favorables
Les titres à revenus fixes remplissent généralement la fonction de protection d’un portefeuille bien équilibré en plus d’offrir un revenu régulier et presque assuré à leur porteur. Or, les derniers mois ont été moins favorables pour les détenteurs d’obligations.
Le rendement des dividendes de l’indice S&P/TSX dépasse le rendement des obligations du Canada de 10 ans depuis plus d’un an, d’après un document de Placements Franklin Templeton paru cette année. À la fin de l’an dernier, le rendement du TSX était à hauteur de 3 %, alors que celui des Canada de 10 ans était à 1,8 %. Si on ajoute à cette anomalie le fait que les actions à dividendes risquent davantage de s’apprécier que les obligations gouvernementales canadien-nes, on comprend pourquoi l’engouement pour les dividendes bat des records.
«Aux États-Unis, c’est la troisième fois depuis les années 1940 que le rendement des dividendes de l’indice boursier S&P500 dépasse celui des obligations de 10 ans, dit Serge Pépin, vice-président – stratégie de placements, chez BMO Gestion mondiale d’actifs. Le marché canadien des obligations pourrait subir une perte de valeur pour la première fois depuis 1999. Déjà, depuis les huit premiers mois de l’année, l’indice obligataire universel DEX est en repli de 2,1 %…»
Et même si les rendements boursiers n’étaient que de 2,8 % pour le TSX et celui du S&P 500 de 2 % à la fin août, ils sont loin d’être négatifs. De fait, le rendement des actions des marchés nord-américains a baissé au cours des dernières années. Cela s’explique du fait que le prix des actions a beaucoup augmenté, puisque c’est le ratio du dividende par action divisé par le cours de l’action.
Alors même que certains par-lent déjà d’un marché obligataire baissier, on est en droit de se demander s’il ne faut pas rester à l’écart des obligations, voire même vendre tout ce qu’on possède en titres à revenus fixes.
«Les obligations gouverne-mentales ne semblent plus valoir la valeur du papier sur lequel elles sont imprimées par les temps qui courent, affirme un fonctionnaire municipal affecté à la gestion de la dette et qui préfère garder l’anonymat pour des raisons évidentes. Actuel-lement, tout le monde est accro aux actions à dividendes. Je me méfie de cela.»
Il n’est pas le seul. Brian Scott, analyste en placements chez Vanguard Investment Strategy Group, faisait remarquer dans une interview à la mi-août retranscrite sur le site de Vanguard : «Il y a actuellement beaucoup d’intérêt dans ce qu’on pourrait appeler les substituts aux obliga-tions. J’entends par là des actions à dividendes, des obligations à rendement élevé, des obligations à taux variables, etc. Or, même si ces instruments ont des rendements plus élevés que les obligations de sociétés bien établies, ils ont un profil de risque différent, en particulier quand les actions sont en baisse. Quand les actions piquent du nez, ces instruments se comportent davantage comme les actions que comme les obligations.»
De l’importance de diversifier
La morale de l’histoire : «Il est important d’avoir un portefeuille bien diversifié, souligne Serge Pépin. Ceci est également vrai pour les obligations prises dans leur ensemble.»
D’ailleurs, si des taux d’inté- rêt plus élevés reprenaient du service, il faudrait aussi s’attendre à ce que les actions à dividendes en subissent le contrecoup : «Elles pourraient devenir moins séduisantes, pense Sonya Gulati, économiste senior chez Études économiques TD, à To-ronto. Si elles le sont autant devenues, c’est parce que c’est un endroit sécuritaire pour mettre son argent.»
Quelques secteurs à éviter si jamais les taux augmentaient : les fiducies de placements immobiliers et les actions privilégiées perpétuelles. «Et, bien sûr, les secteurs cycliques, et les ressources naturelles – en particulier les métaux précieux, prévient Barry Schwartz, gestionnaire de portefeuille chez Baskin Financial Services à Toronto.
Pour l’heure, des secteurs entiers des économies nord-américaines devraient encore offrir pour un certain temps des occasions de gains en capital, sans compter procurer des titres à dividendes irrésistibles. C’est le cas du secteur bancaire : «Nous aimons les banques canadien-nes, mais pas autant que les banques américaines, déclare Murray Leith, vice-président et directeur de la recherche chez Odlum Leith, à Vancouver. JP Morgan et Goldman Sachs sont particulièrement de bonnes occasions d’achat».
À plus long terme, conclut Brian Scott, de Vanguard : «Si vous avez des actifs qui sont très corrélés quand les marchés montent, ils pourraient l’être tout autant quand les marchés bais-seront. Mais, idéalement, si votre approche est plus équilibrée et plus diversifiée, vous réaliserez des rendements totaux plus élevés avec le temps.»