En effet, l’article 1274 du Code civil du Québec spécifie que « la personne physique pleinement capable de l’exercice de ses droits civils peut être fiduciaire, de même que la personne morale autorisée par la loi ». Un article plus loin, soit à l’article 1275, le législateur ajoute que « le constituant ou le bénéficiaire peut être fiduciaire, mais il doit agir conjointement avec un fiduciaire qui n’est ni constituant ni bénéficiaire ».

En d’autres mots, s’il n’y a qu’un seul fiduciaire, il ne doit pas être l’un des bénéficiaires de la fiducie: « Le fiduciaire doit être neutre, mais ça va plus loin que ça, explique Me Jean Girard, avocat chez Welch Bussières avocats et planificateur financier. En vertu du Code civil, le fiduciaire ne doit être d’aucune manière bénéficiaire du revenu ou du capital de la fiducie, que ce soit directement, indirectement ou de façon éventuelle.»

Par façon éventuelle, on entend, par exemple, un fiduciaire qui pourrait hériter des sommes contenues dans la fiducie si tous ses bénéficiaires venaient à décéder. Cette spécification n’inclut pas seulement les héritiers inclus dans le testament, mais toute personne qui pourrait hériter selon les dispositions du Code civil.

«Cette disposition du Code civil est considérée par les tribunaux comme d’ordre public et on ne peut donc jamais la contourner. Si pour une raison ou une autre, la succession devait être réglée selon les dispositions du Code civil qui détermine qui devient héritier dans la succession du défunt, des problèmes pourraient survenir », ajoute Jean Girard.

Les conséquences d’un fiduciaire non-qualifié

Le père, la mère, le conjoint, les enfants, les frères, les sœurs, leur descendants, les demi-frères, les demi-sœurs, leur descendants ainsi que les petits enfants du défunt ne peuvent donc pas être nommés fiduciaires puisque, selon le Code civil, ils peuvent devenir héritiers. Dans le cas où l’une de ces personnes aurait été désignée comme fiduciaire, elle deviendrait automatiquement fiduciaire non qualifié.

« Tout acte posé par un fiduciaire non qualifié est nul d’une nullité absolue et ne peut pas être ratifié. L’acte doit être refait par des personnes qualifiées, rappelle Jean Girard. Prenons l’exemple d’une fiducie qui aurait vendu un immeuble, il y a dix ans, alors que le fiduciaire ne se qualifiait pas. Conséquemment, le propriétaire actuel aurait en sa possession un mauvais titre de propriété.»

Dans une affaire récente semblable, une fiducie avait donné en garantie d’un prêt consenti à un bénéficiaire un portefeuille de placement en cautions hypothécaires. Le fiduciaire n’était pas qualifié, le juge a donc conclut que le prêt consenti au bénéficiaire, maintenant insolvable à la suite d’une faillite, était nul d’une nullité absolue. Le créancier, une institution financière, a donc perdu la somme prêtée.

« Dans cette histoire, un notaire avait été nommé en remplacement du fiduciaire et avait voulu reconfirmer l’hypothèque. Le juge ayant statué que l’acte était nul d’une nullité absolue, il ne pouvait pas être ratifié et, puisque le bénéficiaire était devenu insolvable, il n’était plus possible de refaire le prêt au complet», raconte Jean Girard.

Jean Girard suggère donc de nommer comme fiduciaire un professionnel, comme un comptable, un notaire ou un avocat, ou encore un membre de la famille qui n’héritera pas selon le Code civil du Québec, comme une belle-sœur ou un beau-frère.