Un des derniers exemples en date est la tentative de mainmise du quincaillier américain Lowe’s sur la québécoise Rona. Déposée quelques semaines avant le déclenchement des élections, l’été dernier, cette offre d’achat ne semblait pas «être dans l’intérêt du Québec ni du Canada», avait alors déclaré le ministre des Finances de l’époque, Raymond Bachand. En septembre, on s’en souvient, Lowe’s retirait son offre. Entre-temps, la Caisse de dépôt et placement du Québec avait augmenté sa participation dans le groupe québécois et en était même devenue l’actionnaire principal.

La force tranquille

Aux côtés des figures traditionnelles (secteur manufacturier, commerce de détail, etc.) et nouvelles (technologies) du Québec inc., il est un ensemble qui en constitue une des pierres d’assise, et qui, étonnamment, fait peu la manchette des médias grand public. Je l’ai surnommé le «Québec financier inc.»

Ce groupe varié, composé d’institutions financières, de compagnies d’assurance, de sociétés de placement, de manufacturiers de fonds, de gestionnaires de patrimoine, de portefeuille et de caisses de retraite, et autres, est pourtant plus prospère que jamais, créateur d’emplois de qualité (voir notre édition de mi-janvier) et en pleine expansion, et ce, d’un océan à l’autre. Et même au-delà.

D’édition en édition, les lecteurs de Finance et Investissement, qui sont aux premières loges de l’industrie, sont à même de le constater.

Les exemples abondent dans toutes les sphères du secteur.

Un cas parmi d’autres : en 2012, les ventes de SSQ Groupe financier ont bondi de 30 %, atteignant un niveau inégalé.

Au cours de son dernier exercice, la Banque Nationale a enregistré un bénéfice net record, qui a littéralement doublé en quatre ans.

UV Mutuelle, un assureur de Drummondville qui brasse de plus en plus d’affaires non seulement au Québec, mais aussi en Ontario et au Nouveau-Brunswick, a connu en 2012 une hausse de son bénéfice net pour la 21e année consécutive.

Même bilan positif du côté de la Banque Laurentienne, qui a atteint de nouveaux sommets de rentabilité et de rendements pour un sixième exercice d’affilée.

Ces résultats sans précédent sont d’autant plus méritoires que l’industrie fait face à plusieurs défis : des produits somme toute standardisés, une concurrence toujours plus vive, des marchés souvent matures ainsi que le vieillissement de la population.

Go West

Voilà qui explique sans doute l’intérêt grandissant du Québec financier inc. pour l’Ouest canadien, fort d’une population jeune, croissante, plus fortunée que la moyenne nationale et avide de conseils.

Ce n’est évidemment pas d’hier que des acteurs de l’industrie d’ici lorgnent ce marché prometteur. Toutefois, on remarque depuis quelques années une nette accélération de la tendance. Un phénomène que 2013 ne fera que confirmer.

Entre autres initiatives, la Nationale compte faire rayonner son modèle d’affaires Gestion privée 1859 à l’ombre des Rocheuses depuis un bureau situé à Calgary, tout en terminant l’intégration de Wellington West.

Grâce à l’acquisition de Canadian Wealth Management, la montréalaise Fiera Capital souhaite augmenter sa présence dans les créneaux de la gestion privée et de la distribution de fonds en Alberta et dans les provinces voisines.

Même chose pour le Groupe financier PEAK, qui a uni ses forces avec celles de la firme britanno-colombienne Customplan Financial Advisors et ses 300 conseillers l’an dernier.

Les exemples abondent dans presque tous les créneaux de l’industrie, y compris dans celui de l’assurance.

Par exemple, UV Mutuelle amorce son implantation dans l’Ouest.

«En 2012, les deux tiers des nouvelles affaires en assurance collective venaient de l’extérieur du Québec», déclarait récemment à notre équipe Denis Berthiaume, premier vice-président et directeur général, Gestion de patrimoine et Assurance de personnes au Mouvement Desjardins.

Le groupe coopératif, qui a fait l’achat, rappelons-le, de Western Financial Group et de la Financière MGI, pourrait réaliser «de nouvelles acquisitions», ajoute-t-il, afin d’étendre son réseau de distribution au pays.

La Laurentienne compte de son côté servir davantage les PME ontariennes, et SSQ Groupe financier souhaite accélérer la croissance des affaires dans tous ses secteurs à l’extérieur de la Belle Province.

On ne peut que célébrer ces percées et ces ambitions pancanadiennes.

Et après le Canada, l’étranger ? De nombreux acteurs de l’industrie, grands et petits, y sont déjà présents.

Leur nombre est inévitablement appelé à augmenter. Au cours des derniers mois seulement, dans les pages de Finance et Investissement, les van Berkom, Fiera Capital et autres Hexavest, pour ne nommer que ces trois sociétés de gestion de portefeuille et de placement de Montréal, ont fait part de leurs réussites et de leurs projets, tant au sud de la frontière que sur le continent asiatique.

Redonnons-nous rendez-vous dans 10 ans. Il y a fort à parier que le visage du Québec financier inc. aura bien changé.

Claude Couillard, rédacteur en chef par intérim

claude.couillard@tc.tc