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En raison de la pandémie et du confinement qui s’en est suivi, de nombreux conseillers s’attendent à avoir des problèmes de liquidités à court et moyen terme, révèle un récent sondage de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF).

Ainsi, près de la moitié des sondés (47,2 %) estiment qu’ils auront à faire face à ce problème. 7,4 % disent avoir déjà des problèmes, 18,6 % pensent en avoir d’ici le 15 juin et 21,2 % affirment qu’ils en auront après cette date.

Ce pourcentage a beaucoup surpris Flavio Vani, président de l’APCSF. « Je m’attendais plutôt à un 25 %, mais c’est près du double! C’est encore pire que ce que je pensais », révèle-t-il en entrevue avec Finance et Investissement.

Selon lui, le problème est que, bien que les services financiers soient un service essentiel, les conseillers ne peuvent pas rencontrer des clients et faire de la prospection. « C’est vrai que certaines transactions se font maintenant via Internet, mais ce n’est pas de la nouvelle prospection qu’on fait, affirme-t-il. Ces ventes ont déjà été travaillées bien avant le confinement… Ça me surprendrait que ça soit de nouvelles ventes découlant de prospection. »

Les chiffres semblent lui donner raison. Près de la moitié des répondants (46,3 %) affirment ne pas faire de volume d’affaires en cette période. Parmi ceux faisant des affaires, 18,1 % les font en placement, 8,2 % en assurance vie, 1 % en assurance prestation du vivant, 21,8 % dans tous ces produits et 4,5 % dans d’autres produits.

Mais, là encore, difficile de savoir, si comme le confiait Flavio Vani ces affaires n’avaient pas été initiées avant le confinement.

Et si le président de l’APCSF admet que ce type de crise offre une belle occasion de vendre des assurances, comme l’assurance vie ou maladie grave, il estime que ces produits se vendent en face à face.

« La vente d’assurance est une vente d’émotion. Ce n’est pas quelque chose qui nous touche directement. Si vous n’avez pas commencé ces discours avant, ça va être difficile de le faire sur le web et à distance », appuie-t-il.

Toutefois, il affirme qu’après la crise les conseillers pourraient en profiter pour proposer ces produits. « Après une crise, il y a toujours des possibilités, souligne-t-il. Où il y a un risque, il y a une opportunité. »

De l’aide pour les conseillers

Malgré leurs problèmes de liquidité, peu de conseillers comptent se tourner vers l’aide gouvernementale (29,2 %). Flavio Vani explique cela par plusieurs raisons.

La première c’est que les mesures changent continuellement et qu’il est difficile de comprendre à qui elles s’appliquent réellement. Pour aider ses membres à s’y retrouver, l’APCSF a publié un tableau sur son site fait en collaboration avec la comptable fiscaliste Marie-Christine Tétreault.

« Pour les questions précises, il suffit de les envoyer par courriel à l’APCSF ou de les poser sur Facebook. Nous allons y répondre », ajoute Flavio Vani.

La deuxième raison est que les prestations ne s’adressent pas aux conseillers autonomes qui composent la majeure partie des membres de l’APCSF (63,6 %). « Les personnes qui sont visées sont des gens qui sont incorporés (23 % des membres de l’APCSF) et peuvent faire une demande de prêt, à condition d’avoir un revenu salarial ou de dividende d’entreprise au-dessus de 20 000 $ », précise-t-il.

Peu de mouvement de panique

Malgré la crise, les conseillers ne semblent pas avoir assisté à des mouvements de panique. Nombre d’entre eux (47,8 %) affirment ainsi n’avoir pas plus de demandes de la part de leurs clients. Et seul 1,7 % ont eu des demandes de retrait de placement. Les autres ont surtout dû répondre à des questions sur le marché, mais on ne voit pas de mouvement de reflux.

« C’est ce que l’on prêche depuis longtemps. Quand les gens ont un conseiller financier, la courbe de la volatilité disparaît. La raison pour laquelle c’est bon d’avoir un conseiller, c’est parce que ça rassure les clients », explique Flavio Vani.

Pour cette raison, il déplore la législation actuelle, notamment en matière de rémunération, qui rend la situation « de plus en plus difficile » pour les entrepreneurs.

Selon lui, cette législation fera qu’il ne sera plus rentable de prendre des petits clients qui devront donc se tourner vers des plateformes à escompte ou des conseillers robots.

Si ça coûte de l’argent pour les entrepreneurs de prendre des clients avec de petits comptes, ils ne les prendront tout simplement pas, assure Flavio Vani. Et comme la plupart des membres sont des travailleurs autonomes, on peut s’attendre à ce que toujours plus d’investisseurs doivent se débrouiller seuls avec leurs placements, ce qui apportera davantage de volatilité dans les marchés.

« J’ai déjà vécu ces temps-là dans les années 1995 à 2003, avec toute l’économie qui se faisait dans des compagnies d’Internet. Et tout le monde était rendu des professionnels pour trouver de bonnes compagnies, de bons tuyaux, et finalement tout est tombé à 0.

Aujourd’hui, c’est la même chose. Il y a plein d’outils où on peut acheter des titres en bourse sur tel ou tel secteur, mais dès qu’il y a de la panique, la volatilité est énorme », martèle-t-il.

Vers davantage de technologie?

La crise n’a pas que de mauvais côtés. Cela a permis de développer la technologie et le télétravail pour nombre d’entreprises et beaucoup réfléchissent à ce qu’elles vont garder ou non après le déconfinement.

Plus du tiers des sondés (37,7 %) songent ainsi à accroître le travail à distance dans leur pratique. D’autres (11 %), réfléchissent à une stratégie web et médias sociaux ou à numériser l’ensemble de leur bureau (5,1 %).

Si ce pourcentage peut sembler bas par rapport à d’autres industries, Flavio Vani explique cela par l’âge moyen des professionnels de l’industrie et le fait qu’ils soient des travailleurs autonomes.

« Plusieurs personnes ont fait des pages web, mais voient que ça ne rapporte pas énormément d’argent, car il faut la mettre à jour, s’en occuper continuellement, être présent… Et quand on est 63 % de travailleurs autonomes, vous n’avez pas ce temps-là. Le temps c’est ou sur la page web, ou on fait la prospection comme avant. »