Claire Landry (CL) : Je parle de la structure du cerveau en abordant le cortex, l’amygdale et le cerveau reptilien. Le cortex, c’est la logique, l’amygdale, c’est là où on traduit et où on interprète nos perceptions et nos émotions, alors que le cerveau reptilien c’est la partie primaire qui nous permet de survivre.

Toutes les parties du cerveau sont sollicitées lorsqu’on parle de finance. Il faut aussi se rappeler de la pyramide des besoins de Maslow. Où se situent les finances et la planification financière dans cette structure ? Elles sont dans nos besoins de base. Dès qu’on touche aux besoins de base, c’est certain qu’on a moins accès au cortex. C’est davantage le cerveau reptilien qui sera sollicité, ce qui veut dire qu’on aura une plus grande volatilité affective, il y aura moins de rationalité dans nos décisions.

FI : Est-il possible d’estimer quelle partie de nos biais est acquise et quelle partie est innée ?

CL : Des études menées auprès de jumeaux séparés à la naissance et publiées dans le Journal of Financial Economy montrent que 50 % de nos biais en finance proviennent de nos gènes et que 50 % de ceux-ci sont acquis. À titre de planificateur financier, vous aurez donc une possibilité de solliciter de nouveaux apprentissages pour 50 % des biais présentés, et ce, que ces apprentissages soient de nature cognitive ou de nature affective. On peut avoir mal compris certains principes en matière de finance, mais aussi on peut avoir retenu la réactivité affective de nos proches face à ce domaine. Ces deux types de biais peuvent être travaillés et diminués par la présentation d’analyses et de démonstrations plus justes de la réalité financière.

FI : Il faut donc tenir compte des gènes du client et de sa pyramide de besoins, mais y a-t-il d’autres facteurs ?

CL : Une autre question importante est : que se passe-t-il dans la vie du client ? Dans l’échelle de Holmes et Rahe, on présente différents facteurs de stress, on leur attribue une cote et on interprète ce que ce score veut dire. Plus il y a de facteurs de stress, moins j’ai accès à mes neurones, moins je suis capable de me concentrer et d’utiliser ma rationalité. D’où l’importance du rôle du planificateur financier qui doit ramener logique et neutralité dans l’analyse des options qui s’offrent au client.

FI : Quelles autres choses est-ce que les conseillers oublient de considérer ou de demander à leurs clients ?

CL : Une étape importante, c’est de déterminer quelles sont les attentes du client en termes de livrables, mais aussi en ce qui concerne les processus qu’utilisera son conseiller avec lui. Comment préfère-t-il qu’on procède ? Certains clients aiment les rencontres en personne et qu’on leur donne beaucoup de documentation, alors que d’autres vont préférer tout recevoir par courriel. Certains vont vouloir que leur conseiller remette en question leurs idées, alors que d’autres non. Je suggère d’utiliser leur mémoire expérientielle et de leur demander quelles approches ils ont préférées et quelles approches étaient moins porteuses pour eux.

FI : En quoi les conseillers gagneraient-ils à passer eux-mêmes un test de personnalité ?

CL : La grille d’analyse du test Myers Briggs Type Indicator (MBTI) est intéressante parce qu’elle permet au conseiller de mieux se connaître en suivant quatre axes : comment je m’énergise (est-ce que j’aime le dynamisme et la vitesse ou est-ce que je suis quelqu’un de plus posé ?), avec quel genre de données j’aime négocier, comment est-ce que je prends mes décisions (intuitivement ou en suivant la logique) et, en dernier lieu, est-ce que je suis quelqu’un de structuré ou d’opportuniste, qui n’a pas peur du risque ?

Mieux me connaître comme conseiller me permettra de mieux comprendre pourquoi certains de mes clients me comprennent peut-être moins bien que d’autres. Est-ce que je choisis mal mes clients, est-ce que je suis trop généraliste alors que je préférerais être plus spécialiste ou encore est-ce que je préfère donner de l’expertise à faire de la vente ? Plus on se connaît, mieux on choisira ses clients et plus on sera performant avec eux.

On recommande de plus en plus, lorsque c’est possible, de rediriger les clients avec lesquels on est moins à l’aise. En effet, lorsqu’on est moins à l’aise, on performe moins bien. Le temps que je passe à servir des clients avec lesquels mon expertise et mes qualités ne sont pas mises à profit, c’est du temps mal utilisé, tant pour le client que pour moi-même. Le potentiel se développe et les succès arrivent lorsque nous travaillons à ce que nous aimons, avec ce que nous sommes et ce que nous maîtrisons.