Pour l’essentiel, la proposition coopérative repose sur une réglementation qui s’applique à toutes les provinces, réglementation qu’elles auront négociée entre elles, pour en déléguer l’administration à un organisme indépendant.

Suivant une formule d’adhésion volontaire, chaque province aura son bureau, dont la présidence relèvera de son ministre des Finances.

La proposition soumet que «chaque bureau disposera d’un personnel, d’une expertise et de ressources correspondants aux activités reliées aux marchés de capitaux et aux exigences de réglementation et d’application de la loi de l’administration participante», écrit le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty.

Le ministre québécois des Finances, Nicolas Marceau, est d’avis que la proposition est une variation sur un même thème, et n’entend pas «se laisser faire».

En Alberta, le président de la commission des valeurs Bill Rice soutient quant à lui que sa province est «mieux servie par un régulateur provincial».

Constitutionnellement, l’idée semble difficile à attaquer. La Cour suprême, dans son renvoi de l’hiver 2011 sur le projet fédéral de régulateur unique, invitait Ottawa à mieux se préparer : le commerce des valeurs mobilières est de juridiction provinciale, a jugé le plus haut tribunal du pays.

Cela étant, selon la jurisprudence constitutionnelle, la gestion du risque systémique est de compétence fédérale. À cet égard, un régime fédéral présenterait les garanties constitutionnelles requises s’il est de nature coopérative.

C’est la voie choisie par Jim Flaherty : plutôt que d’imposer une réglementation unique, il demande à chaque province d’adopter une réglementation harmonisée d’un océan à l’autre pour ensuite en déléguer l’administration à un organisme dont elle sera elle-même responsable.

Dans chaque province, on évalue encore la portée de ce nouveau régime coopératif. Cependant, les valeurs mobilières, au Canada, c’est essentiellement la Colombie-Britannique, l’Alberta, l’Ontario et le Québec.

Dans les capitales provinciales, on fourbit les armes en vue d’une autre ronde de contestations légales. Les autres acteurs des Prairies ou des provinces de l’Atlantique ont eux aussi leur mot à dire, mais il y a fort à parier que les manoeuvres en coulisse iront bon train au cours des prochains mois.

Si elles faisaient volontiers front commun avec l’Alberta et le Québec pour s’opposer au fédéral sur la question d’un régulateur unique, des provinces comme le Manitoba ou la Nouvelle-Écosse pourraient bien se laisser tenter par la nouvelle aventure.

La coprésidence d’un organisme de réglementation national pourrait bien être un palliatif très attrayant à la présidence d’une commission des valeurs provinciale.

Le fait est qu’il y a maintenant un front commun dont le poids suffit à faire pencher la balance du côté d’Ottawa.

À l’évidence, le régime de passeport proposé par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) n’a jamais réellement fonctionné.

À l’époque où il dirigeait l’Autorité des marchés financiers (AMF), Mario Albert concédait que les relations n’étaient jamais faciles autour de la table. Certaines provinces participaient aux ACVM alors même qu’Ottawa les courtisait pour qu’elles se joignent à une commission nationale. Bonjour la confiance.

D’ailleurs, les grands enjeux comme le gel des activités de crédit, la vente à découvert ou l’importance des produits dérivés dans la bonne gestion du risque systémique ne peuvent être gérés selon une perspective provinciale.

Dans les faits, lorsque la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis veut déployer une politique sur les coupe-circuit pour contenir des événements comme le krach éclair de mai 2010, elle ne demande pas son avis au Canada, mais consulte plutôt ses partenaires londoniens.

Treize commissions des valeurs qui ont chacune leur mot à dire, cela rend l’action difficile lorsqu’il faut agir rapidement.

Autrement dit, le vent semble tourner.

C’est dans ce contexte que le Québec doit choisir sa bataille. D’autant que dans le contexte actuel, si l’Alberta décide d’emboîter le pas, le Québec sera isolé.

Il est certain que le siège social sera situé en Ontario, place forte des marchés financiers canadiens. Il s’agirait donc pour les provinces, dont le Québec, de négocier leur adhésion en fonction de leurs forces respectives.

L’encadrement est une des forces de l’AMF. La Belle Province est dotée d’un fort contingent d’avocats bilingues, qui sont à l’aise tant avec le Code civil qu’avec la Common Law. En outre, près des trois quarts des dossiers pénaux au pays sont déposés ici. Et l’AMF a obtenu plusieurs jugements qui font jurisprudence.

Obtenir la mainmise sur l’encadrement pourrait être une issue honorable.