Une main aide un homme d'affaires à se relever.
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Le patron des activités canadiennes de la Sun Life veut que son industrie assouplisse les restrictions entourant les indemnités d’assurance-vie en cas de suicide afin de tenir compte du contexte exceptionnel de certains drames.

« On travaille avec l’industrie, confirme le président de Sun Life Canada, Jacques Goulet, en entrevue en marge d’une allocution, jeudi, devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. C’est compliqué pour tous les joueurs, se mettre du même avis. Si jamais ça n’avance pas au niveau de l’industrie, là, on considérera si, nous, on avance tout seul ou pas, mais on aimerait mieux faire ça au sein de l’industrie. »

La norme dans l’industrie est de refuser de payer les indemnités lorsque l’assuré se suicide moins de 24 mois après avoir signé son contrat. Dans ce cas, l’assureur rembourserait seulement les primes versées.

Cette clause standard mène parfois à des situations crève-cœur, déplore Jacques Goulet. Il raconte un cas « très récent » qui est remonté à son bureau.

La jeune femme en question avait signé un contrat d’assurance-vie alors qu’elle n’avait pas d’enjeux de santé mentale connus. Par la suite, elle tombe enceinte d’un deuxième enfant. Après l’accouchement, elle fait une dépression post-partum qui la mènera éventuellement au suicide moins de 24 mois après la signature du contrat.

Jeune père de famille, son conjoint n’a ainsi pas eu droit au soutien financier prévu au contrat d’assurance-vie à un moment de grande vulnérabilité. « Suite à ça, on a décidé de changer les choses », explique l’homme d’affaires.

L’enjeu est complexe, nuance Jacques Goulet. La clause de 24 mois vise à éviter les cas de fraude où un assuré signerait un contrat sachant qu’il songe à commettre l’irréparable. Dans de rares cas, il arrive qu’une personne mette fin à ses jours en raison d’un problème de santé mentale qui survient ultérieurement à la signature du contrat.

« Dans le cas que j’ai décrit, c’est absolument clair que ce n’est pas un cas de fraude. La dame, lorsqu’elle a appliqué, était en pleine santé. C’est clair que la dépression a suivi l’accouchement. Donc, il faut trouver une façon de différencier et c’est pour ça que ce n’est pas facile, mais ce n’est pas parce que ce n’est pas facile que ça va nous empêcher de le faire. »

Les discussions « avancent bien » avec les autres assureurs. Sans les nommer, Jacques Goulet a dit que les grands assureurs canadiens participaient tous aux discussions. Il ne veut pas se commettre à un échéancier, mais évoque la possibilité d’arriver à une entente en 2024. « Il y a tout un travail d’actuariat derrière tout ça, l’évaluation des risques, etc. »

Santé mentale : augmentation des cas

Les problèmes de santé mentale ont connu une hausse « structurelle » au Canada à la lumière des réclamations des programmes d’assurance collective offerts par les employeurs, constate Jacques Goulet. « La santé mentale, c’est la première cause d’invalidité à la Sun Life et au Canada en général. »

Près du tiers des causes d’invalidité sont liées à un enjeu de santé mentale. De plus, la maladie mentale peut aussi devenir un effet secondaire d’une autre maladie. Il donne l’exemple d’un patient qui fait une dépression en raison d’un cancer. En tenant compte de ces situations, près des deux tiers des cas d’invalidité sont liés principalement ou en partie à la santé mentale.

La prévalence de la maladie mentale est une tendance généralisée, avance Jacques Goulet. « Les jeunes, les plus âgés, les gens fortunés, les gens moins fortunés, les hommes, les femmes: tous les indicateurs sont à la hausse, peu importe les sous-populations qu’on regarde, que ce soit géographique, etc. »

La pandémie n’est pas responsable de l’augmentation des problèmes de santé mentale observée par l’assureur, nuance le dirigeant. « Cette augmentation-là, elle s’est produite avant la COVID. »

En raison de cette hausse, Sun Life Canada n’a pas eu le choix d’augmenter les primes de ses programmes d’assurance collective « dans les dernières années ». « Parce qu’on a eu une augmentation et on ne s’attendait pas à ce que ça revienne à la normale, que ça allait continuer comme ça. C’est effectivement ce qui s’est passé. »

Besoin d’aide?

Si vous êtes en détresse et cherchez à obtenir de l’aide, plusieurs ressources sont disponibles:

– Tel-Jeunes: https://www.teljeunes.com/Accueil

– Suicide Action Montréal: 1 866 277-3553

– www.suicide.ca